D’ici quelques jours, des travaux majeurs viendront modifier le visage d’une part importante des berges de l’arrondissement, du moins celles sous la responsabilité d’Hydro-Québec. Dans une volonté de renforcer le mur de soutènement vieillissant du barrage Simon-Sicard qui protège et soutient la rive, la société d’État a mis au point, depuis plus d’un an, un projet d’enrochement d’une bonne partie des berges en aval du barrage.
Le mur de soutènement, construit en 1928, ne cesse de montrer des signes d’usure. La terre, appuyée sur le mur, exerce une force qui le déséquilibre. Le choix d’un remblai en enrochement permettra de stabiliser le mur.
Ce projet, Hydro-Québec l’a analysé pendant un an, et tout semble mis en place pour commencer le chantier. Des barrières bloquent l’accès aux berges sur toute leur longueur, les arbres qui seront sacrifiés sont déjà marqués à la peinture roug,e et une piste cyclable temporaire est maintenant dessinée sur Gouin.
C’est finalement ces jours-ci que l’entreprise parapublique commence ses travaux qui s’étaleront sur plusieurs années.
Chantier important
Selon Marie-Claude Durand, chef, Relations avec le milieu, chez Hydro-Québec, le coût des travaux est évalué à 11 millions de dollars. Rien que pour le secteur de l’école Sophie-Barat, plus de 30 000 mètres cubes de roches sont prévus, et presque autant sont à prévoir pour les sites Berthiaume-Du Tremblay et Sœur-de-Miséricorde (à l’est de la rue du Fort-Lorette, et à l’ouest de l’Église de la Visitation).
Le moment proprice du début des travaux en a fait sourciller plus d’un puisqu’une partie des travaux se déroulent directement à côté de l’école Sophie-Barat alors que les élèves seront en classe. Pourquoi ne pas avoir profité de l’été pour éviter de déranger les étudiants? Jean-Philippe Rousseau, conseiller, Relations avec le milieu, chez Hydro-Québec, explique cela par des raisons d’ingénierie.
En effet, le sol sur lequel seront déposées les roches est caractérisé de «lâche». L’automne est donc la saison idéale pour la pose des roches et permettre durant l’hiver, aux sols de se compacter, ce qui évitera des problèmes futurs. Les mois d’octobre et de novembre constituaient donc la période idéale pour accomplir ces travaux. En hiver, le chantier devra s’arrêter avec l’arrivée du froid et de la neige. Il devra se poursuivre au printemps et à l’automne 2019.
De plus, Hydro-Québec a stipulé que des mesures d’atténuation du bruit sont prévues puisque les camions circuleront dans un secteur résidentiel et près des écoles.
Enfin, des mesures de sécurité ont été prévues pour diminuer les risques associés aux passages des camions de construction dans la zone scolaire. Ainsi, à l’ouest de l’école, les travaux commenceront à 9h et s’arrêteront à 15h alors qu’à l’est, les travaux auront lieu entre 7h et 17h. Une surveillance sera aussi effectuée par des signaleurs afin d’assurer au maximum la sécurité des élèves qui circuleront dans le secteur et entre les deux bâtiments de l’école Sophie-Barat.
Dans un premier temps, des roches déposées seront visibles sur plusieurs mètres dans la rivière, puis, au printemps, un profilage du remblai sera complété. Par la suite, un perré (NDLR: Un perré est un revêtement en pierre sèche ou en pierre liée que l’on aménage au pied ou sur le flanc d’un talus sujet à des glissements*) viendra conclure le travail.
M. Rousseau a tenu à souligner à journaldesvoisins.com que les travaux qu’effectuera Hydro-Québec permettront une utilisation des berges une fois l’aménagement terminé. Il cite notamment le quai de kayak de l’école Sophie-Barat qui pourra revenir à son lieu d’origine à la fin de cette réfection. La société d’État est aussi ouverte à toute proposition venant des propriétaires des terrains pour une conservation du secteur.
Inquiétude patrimoniale
Malgré le travail effectué par Hydro-Québec préliminairement au début des travaux, certains résidants se montrent toujours inquiets par ces chantiers.
En effet, une partie des travaux se dérouleront près du site du Fort Lorette, classé patrimonial.
Depuis l’annonce d’Hydro-Québec, certains considèrent qu’un enrochement sans analyse archéologique du sol mettra un terme à toutes trouvailles qui pourraient permettre d’en connaître plus sur l’histoire de la ville, de l’arrondissement et du Québec.
Un argument qui ne sort pas de nulle part. Lors de l’arrivée des premiers colons à Montréal, le Sault-Au-Récollet était réputé pour être un lieu d’accostage pour de nombreux bateaux. La probabilité de trouver des pièces ou des objets pourrait être probable dans ce secteur.
« Si tu perdais ton change, c’est là. C’est dans cette « bouette », souligne Martin Desmarais le responsable de la page Facebook Action citoyenne île de la visitation (ACIV).
Au début du siècle dernier, la construction de la centrale de la Montreal Light, Heat and Power, le niveau de l’eau de la rivière des Prairies a monté changeant le visage du cours d’eau et faisant disparaître les chutes de la rivière et une île qui se trouvait entre l’île de la visitation et l’île de Laval. Cette crue artificielle des eaux a aussi inondé une partie de l’île et des terres couvrant les sites d’accostage utilisés lors de l’exploration par les premiers colons.
Le futur enrochement du site constituerait une mesure finale pour empêcher la redécouverte de l’histoire du Quartier. M. Desmarais se désole donc qu’aucune mesure ne sera prise pour explorer cette probabilité. Une fois le site enroché, impossible de revenir en arrière. Ce dernier souhaiterait donc un moratoire sur les travaux dans le secteur jusqu’à ce qu’une analyse soit réalisée.
Découvertes patrimoniales: peu probables
Pour d’autres qui connaissent également le secteur, toutefois, il y a peu de chances qu’une fouille soit productive puisque le secteur a été maintes fois retourné et travaillé au fil des ans. Si le froid et le courant n’ont pas, au fil des siècles et des décennies, eu raison de certains vestiges, le passage de l’homme l’a déjà fait depuis longtemps.
En effet, lors de la construction initiale du mur de soutènement, l’important chantier mis en œuvre à l’époque avait déjà causé d’importantes perturbations dans le sol, sans compter les remblais de terre (en provenance d’autres sites) qui sont venus couvrir les sols d’origine au début du siècle dernier.
Selon plusieurs intervenants, chercher des vestiges ou des artefacts dans le secteur serait équivalent à chercher une aiguille dans une botte de foin. Yvon Gagnon, coprésident de la société d’histoire d’Ahuntsic-Cartierville (SHAC) a notamment rencontré des représentants d’Hydro-Québec.
Le coprésident de la SHAC reconnaît qu’il s’agit d’un site historique d’importance, mais que à la suite des discussions avec la société d’État, il a reçu l’assurance que de telles trouvailles sont très faibles. M. Gagnon souligne avoir demandé à deux reprises à la société d’État s’il y avait un potentiel de découvertes d’importance et a obtenu deux fois des réponses négatives.
«C’est la prétention d’Hydro-Québec qu’il n’y a pas de potentiel archéologique […] il faut assumer leur bonne foi, précise M. Gagnon. Avec tous les travaux qui ont été faits depuis 1928 […] le potentiel n’est pas très élevé», conclut-il.
Le coprésident de la société d’histoire d’Ahuntsic-Cartierville souligne toutefois qu’Hydro-Québec s’est engagé à ne pas circuler sur le terrain de Fort Lorette ou de l’Église de la visitation. Un petit pas pour la préservation de ce secteur. L’installation des roches se fera au bout de la rue du Fort Lorette à l’aide d’une jetée qui sera enlevée une fois les travaux terminés.
Au 27 septembre, les travaux préliminaires avaient déjà débutés sur le terrain à l’est de l’école Sophie près de la rivière (photo : jdv – Philippe Rachiele)
*Source: Wikipédia
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