La sécurité routière et les fraudes sont deux priorités de la police. Photo: JDV / Nora Azouz

Le choc collectif créé par le décès brutal sur la chaussée, en juin dernier, d’Al Housseini Diacko, âgé de 14 ans, a sans aucun doute renforcé la volonté policière d’agir efficacement en matière de sécurité routière. À l’autre bout du spectre, d’autres infractions bien présentes, mais moins visibles, comme l’achat de services sexuels, sortent progressivement des radars.

La sécurité routière et les fraudes deviennent les deux priorités principales de la police dans l’arrondissement. Et pour cause : les collisions avec blessés ont connu une hausse de 167 % à Ahuntsic au printemps par rapport à 2023 et de 25 % à Bordeaux-Cartierville. Quant aux fraudes, elles ont augmenté respectivement de 73 % et de 49 % sur la même période.

Des infractions invisibilisées

Ces infractions peuvent facilement s’extraire des Bilans statistiques trimestriels publiés par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) par poste de quartier. Ce qui n’est pas le cas des données sur la prostitution ou de la pornographie juvénile. Cette dernière explose pourtant en 2023. Leurs statistiques se trouvent noyées dans la catégorie des voies de fait au sein de ces bilans locaux. «Invisibilisés» statistiquement, les achats de services sexuels se font aussi plus discrets dans la vie courante. Sans doute, me direz-vous, l’effet dissuasif conjoint de la Loi C-36 de 2014 qui criminalise l’achat d’actes sexuels et de l’art. 213 du Code criminel, qui proscrit la sollicitation dans les lieux publics? Pas vraiment!

Si l’objectif de la loi consiste au tarissement de la demande, le succès des plateformes «multiservices» comme OnlyFans, donne sans conteste du fil à retordre à ceux qui doivent l’appliquer. Pourtant, «consommer» des services sexuels facturés, même via Internet, constitue une infraction criminelle passible de plusieurs années d’emprisonnement. Personne ne semble au courant.

La sécurité routière et les fraudes sont deux priorités de la police. Photo: JDV / Nora Azouz

Rappelons que la traite des êtres humains représente la deuxième forme de criminalité la plus lucrative au monde. Le chiffre d’affaires provenant de la prostitution s’élève quant à lui à environ 100 milliards de dollars par an dans le monde.

Trois approches législatives

Certes, la complexité de la problématique repose beaucoup sur nos représentations culturelles. Comme l’a écrit Pierre Bourdieu, «l’amour vénal est le sacrilège par excellence». Et les débats vifs, souvent idéologiques et antagonistes, s’opposent d’abord sur les termes à utiliser pour désigner les clients, appelés «prostitueurs» par les tenants de l’abolition de la prostitution ou encore sur son caractère «désirable» ou «indésirable».

Ces divergences font écho aux trois approches législatives observées à travers le monde : la vision abolitionniste, en vigueur au Canada ou en France, selon laquelle la prostitution constitue une violence qui s’inscrit dans le rapport de domination des hommes sur les femmes, les enfants, ou certains hommes; la vision réglementariste, comme en Allemagne et aux Pays-Bas, où l’exercice de la prostitution s’avère réglementé avec des zones protégées et des zones de tolérance; la démarche prohibitionniste, qui prône l’interdiction générale de la prostitution par sa pénalisation, comme aux États-Unis (hors Nevada).

Rationalité oblige!

Quelles que soient les conceptions en jeu, en démocratie, chacun peut-il se contenter d’un «ciblage» indirect de l’offre de prostitution, qui crée de facto des citoyens [les travailleurs du sexe] avec des droits moindres et, ainsi, perpétue la violence inhérente?

S’il devient difficile de tarir la demande à cause des technologies, des mesures rationnelles pourraient être mises en œuvre pour tarir cette offre. À cet égard, l’anticipation et la prise en charge des fractures familiales, la réduction des inégalités socioéconomiques et l’éradication des discriminations sont, certainement, des pistes douces et structurelles à privilégier.

Selon l’Enquête sur les homicides de Statistique Canada, parue le 25 juillet dernier, 35 victimes d’homicide [33 des 35 victimes étaient des femmes] ont été identifiées comme étant des travailleurs et travailleuses du sexe de 2015 à 2019, après l’instauration de la Loi C-36 en 2014. Un résultat nettement inférieur aux 54 victimes comptabilisées de 2010 à 2014, avant l’adoption de ladite loi. À défaut de tarir la demande et de prendre en charge les travailleuses du sexe qui souhaitent changer de milieu, reconnaissons au moins cette vertu à cette loi.

Cet article est tiré du numéro d’automne du Journal des voisins (version imprimée) dont le dossier principal est consacré à la sécurité à Ahunstic-Cartierville.



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