Pour remplacer une maison située dans le secteur patrimonial du boulevard Gouin Est, Ahuntsic-Cartierville cède la main au Conseil du patrimoine de Montréal. Ce dernier soumettra son avis au Conseil municipal et non pas à l’arrondissement pour se prononcer sur la demande de démolition.
Le dossier relatif à la maison située aux 1970-1976-1980, boulevard Gouin Est a été celui qui aura attiré le plus de citoyens au Conseil de démolition du 14 novembre. Toutefois, la discussion s’est faite dans le cadre d’une consultation publique que le Comité de démolition de l’arrondissement n’avait même plus besoin de tenir alors que la demande est maintenant sur le bureau de la ville-centre.
« On a décidé d’amener le point en varia pour prendre les commentaires des résidants, parce qu’on savait que tout ce qui touche à l’ancien village du Saut-au-Récollet amène des préoccupations, mais on n’était pas tenu de le faire », a précisé Jérôme Normand, conseiller de Ville du Sault-au-Récollet.
Le bâtiment voué à la démolition a été construit en 1966, en retrait de la rue. Constitué de trois logements sur deux étages, il est actuellement vide et en très mauvais état.
Toutefois, c’est le projet de remplacement qui a suscité le débat. La construction envisagée est un immeuble de deux étages avec deux logements intergénérationnels. Ils comprendront six chambres pour l’un et quatre et demie pour l’autre. Un stationnement en sous-sol permettrait d’accueillir quatre voitures.
Surprise
Le plan proposé respecte en tous points le règlement d’urbanisme. Toutefois, sa dimension, sa forme et son alignement n’ont pas manqué de susciter l’indignation.
« Quand j’ai vu les plans, j’ai cru que c’était une clinique médicale tellement c’est gros », a déclaré une voisine du projet.
Pour elle, une telle construction ne devrait pas se faire au regard des conditions posées aux résidants du secteur patrimonial quand ils veulent faire de simples rénovations.
« Ça prend deux ans pour changer la couleur d’une maison, un an pour changer une fenêtre. Mais que cela passe, je ne comprends pas. Ça me jette à terre. »
Pour Jocelyn Duff, architecte retraité, résidant du coin et personnage très actif quand il s’agit de parler de patrimoine bâti, la maison envisagée par le propriétaire semble s’inscrire dans le déni.
« Quand je vois le projet, je dirais que c’est l’impossibilité de savoir-vivre ensemble. Les gens vont rentrer dans leur garage, dans une maison où il n’y a pas de balcons, de porte d’entrée, de porche. Ils tournent le dos au village du Sault-au-Récollet. Il y a de fausses fenêtres, des fenêtres aveugles en plus », a-t-il observé. Pour lui, c’est un message; on ne veut rien savoir des voisins du milieu historique.
Patrimoine en péril
Jacques Lebleu a rappelé au nom de la Société d’histoire d’Ahuntsic-Cartierville (SHAC) que le noyau villageois du Sault-au-Récollet a été désigné comme lieu d’intérêt patrimonial du Québec en 2018. Le projet de nouvelle construction présenté en est un de trop qui vient porter préjudice à la dimension historique de ce village.
« Si cela passe, ce sera trois mauvaises décisions prises dans une période très courte. Il y a la maison du garage [sur Gouin Est, non loin de la rue Séguin], celle qui est en train de se construire sur la rue du Pressoir et, dans ce cas-ci, les gens s’enthousiasment puisqu’un peu n’importe quoi passe. C’est d’une arrogance!» a-t-il regretté.
Il aurait souhaité que le dossier de la construction à venir soit entièrement séparé de la demande de démolition.
« Je sais que ce sera difficile de discuter avec ces gens [les propriétaires] puisqu’ils sont dans le cadre du zonage. Il va falloir que l’arrondissement se donne des politiques et modifie son zonage et passe des règlements pour arriver à un certain respect du cadre bâti », a-t-il suggéré.
Il faut savoir que ce qui est présenté par le promoteur n’est qu’une idée de ce qu’il souhaite faire.
« Quand on arrive avec un projet en démolition, il est absolument nécessaire de déposer un programme de remplacement. Mais ce programme-là est une esquisse », a averti l’élu Jérôme Normand.
Petite histoire dans la grande
La petite-fille de celui qui a construit la maison il y a plus de 55 ans et qui habite toujours dans le secteur du vieux village a voulu exprimer son inquiétude de citoyenne. Pour elle, la trame du village ancien disparaîtrait à cet endroit.
« Les gens qui me rendent visite me disent que c’est tellement beau sur le boulevard. On arrive dans un village après le pont. On voit plein de petites maisons ancestrales. Je ne pense pas que ce projet représente notre patrimoine. Je ne comprends pas », a-t-elle laissé tomber.
Elle a dit toutefois entendre la famille qui veut s’implanter dans le coin. « Le quartier est merveilleux. Mais je ne comprends pas l’énormité du projet. »
Elle sera également gênée par le nouveau bâtiment qui la privera d’un peu de lumière et de la vue sur la rue.
« Je perds la luminosité, je perds [la vue sur] le clocher de l’église. Nous sommes tous perdants, le patrimoine aussi est perdant. »
Pour elle, par ailleurs, la vieille maison n’était pas en si mauvais état quand elle a été vendue.
« Je vois plusieurs maisons à l’abandon parce qu’on commence les travaux et on ne les finit pas. Il y a un logement qui se libère, on fait des trous dans le plafond et finalement quelques années plus tard ça coule. Selon moi, il y a eu un laisser-aller sur l’entretien de la maison que je déplore et je dis que c’est un problème dans tout le quartier. »
Avis transmis
Ces commentaires ne sont pas consignés formellement, car la présentation elle-même revenait à l’initiative du Comité de démolition.
Jérome Normand, l’élu du Sault-au-Récollet a promis que le comité a pris bonne note des commentaires et qu’il les transmettra au Comité du patrimoine de Montréal.
« À cette étape-ci, la prise en compte des avis du public n’est pas formelle. Il n’y a pas de mécanisme pour transmettre les commentaires. Par contre, nous allons le faire. On va envoyer une communication qui résume les points qui ont été exprimés par les citoyens », a assuré M. Normand.
Si le projet de démolition est accepté, le Comité consultatif d’urbanisme de l’arrondissement aura aussi la possibilité de donner des avis pour l’intégration architecturale du nouveau bâtiment.
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Merci beaucoup à vous M. Esseghir et au journaldesvoisins.com de diffuser les commentaires émis lors de cette soirée. Il faut qu’ils restent en mémoire!
Merci M. Esseghir !
Ce qui est surprenant, c’est que de nombreux exemples où l’architecture contemporaine s’intègre au bâti patrimonial et ce, de manière harmonieuse sont présents à Montréal.
Cela n’est pas si compliqué à réaliser ( rappel de lignes du toit, volumes, textures, etc.) et ce n’est pas plus cher. Mais, il faut y mettre du temps, car un bâtiment » raté » visuellement y est pour longtemps. Alors, pourquoi choisir la « laideur » ? Sommes-nous démunis à ce point ?
Je serais curieuse d’avoir l’avis de madame Phyllis Lambert, architecte et philanthrope, idem pour notre mairesse Valérie Plante.
Merci journal des voisin 🙃
Il faut appliquer le P.I.I.A. du Sault-au-Récollet (Programme d’implantation et d’intégration architecturale),tel que prévu au règlement d’urbanisme de l’arrondissement. Intégrer les nouvelles construction au milieu ancien n’est pas un choix, c’est une obligation dans le Sault-au-Récollet! Le comité de démolition renvoie la patate chaude au Conseil du patrimoine de Montréal, ce même comité de la ville-centre qui a entériné l’odieux « bunker » qui remplace aujourd’hui l’ancien garage au 1961 Gouin Est. Rien de rassurant.