La petite fille qui est arrivée dans Ahuntsic-Cartierville à l’âge de 11 ans n’en est jamais vraiment partie. Elle y réside et est omniprésente dans les couloirs de l’École Félix-Antoine qu’elle a fondée avec Martin Beaulieu, enseignant, «un duo improbable », comme l’a déjà écrit la journaliste Louise Gendron du magazine L’actualité. Portrait d’une orthopédagogue à la retraite qui a entamé là une deuxième vie.

Par une chaude et humide journée, trois jeunes adultes étudiants ont accueilli les représentants du journaldesvoisins.com à l’École Félix-Antoine, sise tout à côté du CLSC Ahuntsic. Un comité d’accueil chargé de nous faire patienter et qui en avait long à raconter sur « leur » école. Ils en ont profité pour nous parler du rôle central qu’y joue la directrice et résidante du quartier, Denise Mayano, «Denise», comme les jeunes l’appellent familièrement, mais respectueusement.

L’École Félix-Antoine que dirige Denise Mayano existe depuis 1996. C’est une école reconnue par le ministère de l’Éducation, qui a les mêmes obligations que les autres établissements scolaires, mais qui ne reçoit aucune subvention.

 Une clientèle particulière

À l’École Félix-Antoine, des jeunes adultes ayant des problèmes d’apprentissage peuvent réussir : la chose a été rendue possible grâce aux deux fondateurs. Jour après jour, avec leur équipe d’une trentaine de bénévoles, ils réussissent un véritable tour de force.

« La plupart des gens qui étudient ici ne sont pas à plein temps. Ils travaillent, ont des enfants, dit simplement Denise Mayano. Ils ont déjà fréquenté un centre d’éducation aux adultes, mais n’ont pas réussi. »

La formule traditionnelle de l’éducation aux adultes ne fonctionne pas pour 15 à 20 % des gens, de façon générale explique Mme Mayano.

« Ceux qui viennent étudier chez nous sont dans une situation sociale très précaire, précise-t-elle. Paradoxalement, mes élèves sont comme les piliers de leurs familles. En général, à 22 ans, ils sont soutien de famille, ont des enfants et d’autres obligations familiales. »

Au sein de l’établissement scolaire, outre les enseignants et professionnels bénévoles, trois anciens élèves de l’école travaillent à temps partiel et sont rémunérés, dont un concierge et une chargée de projets. Aux bénévoles, il faut ajouter les membres du conseil d’administration.

Pour sa part, Denise Mayano a travaillé comme orthopédagogue durant presque toute sa carrière à l’école Vanguard. C’est d’abord à temps partiel qu’elle a commencé à faire du bénévolat à « son » école, puis à plein temps depuis sa retraite, en 2008. Cela fait 10 ans maintenant.

« Il a fallu que je prenne ma retraite pour retravailler à temps plein », dit-elle à la blague.

Pousser à la roue

Vous aurez compris qu’il est plus facile de faire parler Mme Mayano de l’école que d’elle-même! C’est au compte-goupes qu’elle nous donne des informations la concernant, préférant raconter l’aventure de l’école et sa survie de tous les instants. D’ailleurs, si vous voulez pousser à la roue, les dons sont toujours bienvenus, à défaut de recevoir des subventions!

« Nous sommes un organisme de charité, absolument!, dit-elle. Les gens peuvent avoir des reçus. »

En outre, Mme Mayano et M. Beaulieu sont toujours à la recherche de bénévoles pour assurer la relève de leur établissement.

Borgo San Dalmazzo

De fil en aiguille, on apprend que le nom de famille « Mayano » est un patronyme peu fréquent, d’origine italienne, qui s’écrivait « Maiano », ce que son père a modifié pour être certain que l’on garderait la bonne prononciation.

«Mon père est né dans un petit village près de Turin, dans le nord de l’Italie : Borgo San Dalmazzo. », explique-t-elle.

Denise Mayano est mère de quatre grands enfants et grand-mère. Avec son conjoint, elle aime bien profiter de leur chalet à l’extérieur de Montréal. Mais Ahuntsic et le bord de l’eau ont également ses faveurs!

Dans ses moments libres, elle aime consacrer du temps à ses petits-enfants, cuisinier, jardiner framboises et fines herbes, et bouger dehors! Nul doute que, même retraitée, Denise Mayano est une mère et une grand-mère fort occupée.

« C’est important pour moi que mes enfants voient qu’on peut contribuer à la société, que ça peut faire une différence, que l’on peut faire un changement structurel, même si c’est très minime », souligne-t-elle doucement.

Et comment ses grands enfants voient-ils cet engagement de leur mère?

« Ça fait partie de leur vie, et de la mienne », conclut-elle, simplement.

Cet article a été publié la première fois en septembre 2014 et mis à jour en mai 2018.



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