Page couverture de l’ouvrage d’Emmanuelle Dufour (Photo: courtoisie, Écosociété)

Emanuelle Dufour, qui travaille au Collège Ahuntsic, propose une bande dessinée exceptionnelle intitulée «C’est le Québec qui est né dans mon pays».

Début avril, la conseillère pédagogique en équité, diversité et inclusion (EDI) au collège Ahuntsic publiait une bande dessinée qui constituait l’aboutissement d’une démarche commencée il y a de nombreuses années. L’œuvre, de plus de 200 pages, publiée aux Éditions Écosociété, s’intéresse au malaise associé à la méconnaissance de notre histoire coloniale. Malaise vécu par l’auteure dans un contexte très particulier.

« À la fin de la vingtaine, j’ai voyagé intensivement un peu partout sur la planète, explique Emmanuelle Dufour à Journaldesvoisins.com. J’ai visité une quarantaine de pays. Au fil de ces pérégrinations, j’ai partagé le quotidien de plusieurs communautés autochtones. En Nouvelle-Zélande, une fillette maorie m’a interrogée sur les autochtones du Québec. À ma grande stupéfaction, j’étais incapable de répondre! »

Mme Dufour connaissait évidemment les tableaux historiques appris à l’école, portant sur les Iroquoiens et les Algonquins. Mais rien sur le vécu des jeunes autochtones québécois.

« J’ai grandi dans les années 1990, dit-elle. J’avais en tête les images de la crise d’Oka et les stéréotypes habituels provenant du cinéma, de la bande dessinée et de la littérature occidentale. Je ne savais pas quoi lui dire. J’ai eu honte. Je me suis rendu compte que je participais, comme tout le monde, aux réalités coloniales envers les autochtones. J’étais pourtant curieux d’en connaître davantage sur les cultures autochtones, mais mon malaise compliquait les choses. »

Études postsecondaires

Emanuelle Dufour entreprend une maîtrise en anthropologie articulée sur la sécurisation culturelle des étudiants autochtones au niveau postsecondaire.

Dans ce contexte, elle côtoie Prudence Hannis, directrice de l’Institution Kiuna, un centre d’études collégiales peu connu des Québécois, situé à Odanak, et qui offre des formations collégiales à une clientèle autochtone (Mme Hannis est d’ailleurs un personnage du livre de Mme Dufour…). C’est une rencontre déterminante.

« Au fil de mes recherches, j’ai fait la connaissance de gens formidables, explique l’auteure. Ça m’a permis de déconstruire mes stéréotypes et de comprendre la culture autochtone. »

Elle poursuit ses études au doctorat en éducation par les arts à Concordia, par le moyen d’une recherche création.

« Pour aller plus loin dans ma démarche et la rendre davantage accessible, j’ai choisi la bande dessinée », dit-elle.

Mme Dufour précise que sa BD ne porte pas sur les autochtones, mais sur les relations entre autochtones et allochtones. Et il s’agit d’un récit morcelé où le lecteur a tout le loisir de puiser dans son propre bagage, car il est invité à faire sa propre introspection ainsi qu’au dialogue avec les autochtones.

Loin d’être une œuvre aride, la BD est avant tout un objet d’art absolument sympathique. Car l’auteure utilise plusieurs médiums différents pour illustrer son propos, qui vont de taches d’encres aléatoires avec figures superposées, à plusieurs styles de BD à la ligne claire (journalistique, caricaturale, naïve).

Il en résulte une œuvre accessible et réjouissante :

« Même si j’aborde quelques sujets difficiles ou dramatiques, je ne voulais surtout pas tomber dans un récit affligeant, dit-elle. Je voulais avant tout célébrer des amitiés, expliquer des réalités, que les gens connaissent l’histoire autochtone, insister sur l’émotif et le relationnel. »

Emanuelle Dufour a mis cinq ans à réaliser son doctorat et… la BD, truffée de bouts de conversation et de citations glanées au fil de ses recherches, avec une cinquantaine de personnages réels, dont certains sont connus des Québécois parce qu’ils ont fait l’actualité. Concrètement, comment le livre est-il accueilli?

« Je suis agréablement surprise de la réception, tant chez les autochtones que les allochtones, confie l’auteure. Chez les premiers, plusieurs s’y reconnaissent. Chez les autres, il suscite réflexions, discussions, intérêt d’en connaître davantage. »

Conseillère au cégep

Par son travail, Emanuelle Dufour fait partie d’une équipe de quatre facilitateurs qui se concentrent sur les sujets de diversité (autochtone, ethnoculturelle, de genre ou sexuelle).

« On vise à transformer notre milieu de vie pour le rendre davantage inclusif et bienveillant, au bénéfice de tout le monde », dit-elle.

Son équipe travaille avec l’ensemble de la communauté collégiale. Elle offre formations, colloques, ateliers et activités diverses.

« Notre approche est basée sur l’écoute, dit-elle. On veut donner une voix aux gens qui sont souvent invisibles. C’est une rencontre à travers l’éducation, qui enrichit tout le monde. »

Justement, les 18 et 19 mai, le Collège Ahuntsic et l’organisme Mikana organisent un rassemblement pédagogique sur l’autochtonisation de l’éducation postsecondaire, sur Zoom.

« Les pédagogies autochtones se distinguent notamment par leurs liens forts et permanents avec la culture, par une conception de l’apprentissage liée au parcours de vie et au relationnel, par la création d’espaces d’expression diversifiés pour les étudiants et par l’inclusion d’activités expérientielles, en territoire, par exemple », explique Julie Gauthier, enseignante en anthropologie, conseillère pédagogique et initiatrice de la démarche d’autochtonisation au Collège.

On s’inscrit avant le 15 mai, 18h.



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