Danse sur la colline du parc Ahuntsic au coucher du soleil (Photo :  archives jdv )

Plusieurs incidents distincts de coups de feu sont venus troubler la quiétude dans Bordeaux-Cartierville au tournant de l’année, mais le secteur demeure sécuritaire et paisible.

« On a la chance d’être à Bordeaux-Cartierville, qui est un des endroits les plus sécuritaires sur l’île, où c’est paisible, où il fait bon vivre, où on a une belle ambiance, un esprit de quartier, des services », souligne le commandant du poste de quartier (PDQ) 10, Jean-Michel Brunet.

Lutter contre la violence armée… et contre les préjugés

Les deux événements distincts survenus dans Bordeaux-Cartierville le 28 décembre et le 1er janvier, ainsi qu’un troisième événement qui s’est produit ce mercredi, sont plutôt exceptionnels dans ce secteur.

Le battage médiatique entourant une apparente hausse des incidents de violence armée attribuée aux gangs de rue dans certains secteurs de Montréal tend cependant à susciter des craintes dans la population.

Le commandant Brunet dit comprendre que même des événements isolés puissent « atteindre le sentiment de sécurité des citoyens » et rappelle que le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) fait de la lutte aux armes à feu une priorité dans la métropole.

À l’échelle locale, il insiste cependant sur l’importance de ne pas cultiver des préjugés à l’égard des jeunes en général.

« Il faut faire attention pour ne pas stigmatiser les jeunes », prévient le commandant Brunet.

Le policier explique avoir été sensibilisé à cet enjeu par le biais de ses discussions avec des intervenants communautaires, en particulier la table jeunesse de Bordeaux-Cartierville.

René Obregon-Ida, directeur général de RAP Jeunesse, se dit heureux de constater que le discours porté depuis longtemps par les organismes communautaires trouve maintenant écho au PDQ 10.

Il souligne toutefois que les préjugés demeurent bien ancrés dans la population.

« Quand on voit des jeunes dans un parc, qui sont là, qui font leur job d’être jeune dans un espace public : un skatepark, un terrain de basket, ou même en train de marcher dans la rue ; il y a certaines personnes qui vont dire : “ah, encore des gens qui font des méfaits” », se désole-t-il.

Le commandant Brunet dit lui aussi constater ce type de préjugés tenaces, notamment lors du porte-à-porte.

« Ce n’est pas parce qu’on voit des jeunes qui flânent que c’est des jeunes à problèmes », souligne le policier. « Les jeunes on les veut dans les parcs, en train de jouer ! », insiste-t-il.

La stigmatisation, un problème systémique

En poste depuis près de deux ans chez RAP Jeunesse, René Obregon-Ida salue le changement de discours au niveau de la direction du poste de quartier, mais souligne qu’il y a encore beaucoup à faire pour changer les mentalités au sein du corps policier lui-même.

« C’est sûr que sur le terrain, il peut [y] avoir des dérapages et parfois il peut [y] avoir de la stigmatisation de [la part de] certains policiers », observe René Obregon-Ida.

Il y a trois ans, un rapport faisait état de « biais systémiques liés à l’appartenance raciale » dans les interpellations au SPVM.

« La lutte du SPVM contre les gangs de rue et la répression des incivilités ont notamment été pointées du doigt comme des approches qui cibleraient excessivement les jeunes de certaines minorités racisées », soulignait le rapport indépendant rendu public à l’automne 2019.

L’année suivante, un rapport de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) sur le racisme systémique soulignait également qu’il existe un problème de profilage racial et social « largement documenté depuis de nombreuses années » au SPVM.

« Le profilage racial et social demeurera malheureusement une réalité tant que la culture organisationnelle n’est pas remise en cause et incitée à changer par la haute direction et l’État-major du service de police », constatait l’OCPM.

Jean-Michel Brunet, qui a collaboré au Plan stratégique 2018-2021 du SPVM en matière de prévention du profilage racial et social à l’époque où il était sergent au PDQ 38 sur le Plateau-Mont-Royal, se montre sensible à ces enjeux.

Selon lui, il faut traiter le problème de la violence armée sous le prisme de la criminalité, mais aussi le considérer comme « un enjeu social ».

Prévenir la violence, donner espoir aux jeunes

René Obregon-Ida abonde dans le même sens.

Il plaide pour qu’on arrête de penser, a priori, que ce sont les jeunes le problème.

« Il y a des problèmes sociaux derrière », martèle le directeur de RAP Jeunesse.

Le commandant Brunet reconnait que des facteurs socioéconomiques sont souvent en jeu dans le parcours qui mène certains jeunes vers la criminalité ou la violence armée.

Le policier dit miser beaucoup sur le travail des agents sociocommunautaires auprès des jeunes dans les écoles et évoque « une responsabilité partagée » avec les partenaires institutionnels et communautaires en matière de prévention.

« Tous seuls, on n’y arrivera pas », concède le policier.

Étant donné la nature spontanée et imprévisible des crimes de violence armée, les stratégies traditionnelles de surveillance et de répression policière sont d’une efficacité relativement limitée pour endiguer le phénomène.

« Il faut avoir un éventail des solutions et d’alternatives à la violence pour que les jeunes puissent choisir le meilleur chemin », plaide le directeur de RAP Jeunesse.

Des organismes comme le sien qui interviennent auprès de jeunes vulnérables ou en difficulté sont souvent les mieux placés pour offrir des activités et des services qui permettent aux jeunes à risque de vivre des expériences positives.

« On doit donner l’espoir aux jeunes ! », insiste René Obregon-Ida.

Si le travail individuel ou de groupe avec les jeunes est crucial dans la prévention de la violence, le directeur de RAP Jeunesse insiste aussi sur l’importance de travailler à résoudre les problèmes sociaux qui contribuent à créer des conditions propices à la criminalisation de certains jeunes.

« On doit s’attaquer à des problèmes de logement, on doit s’attaquer aux problèmes d’éducation. On doit s’attaquer aux problèmes d’emploi et aux problèmes d’opportunités pour les jeunes », insiste-t-il.



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Laurent Fleury
Laurent Fleury
2 Années

Tout à fait d’accord pour ne pas stigmatiser les jeunes dans leur ensemble, les parents ont aussi une responsabilité, ensuite effectivement ce sont des enjeux sociaux économiques… bref souvent des décisions de société prises par les élus. L’espoir donné aux jeunes commence à la maternelle et se poursuit pendant de longues années… enrichissons leur parcours à tous les niveaux.
Il faut impérativement s’attaquer à la prolifération des armes à feu en tout genre en milieu urbain, c’est une nécessité !

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