À l’occasion de la journée «Le 12 août, j’achète un livre québécois», le Journal des voisins vous propose de découvrir une écrivaine ahuntsicoise: Julie Vaillancourt.
Passionnée de cinéma, elle s’intéresse aux représentations de la communauté LGBTQ+ dans le septième art. Publié en mai 2023, son livre À tout prendre et Il était une fois dans l’Est est consacré à ces deux films québécois qui ont marqué leur époque. Entrevue.
C’est à travers le cinéma que Julie Vaillancourt est devenue autrice cette année. Découvrez son parcours et son livre À tout prendre et Il était une fois dans l’Est, que vous aurez peut-être envie d’acheter…
Pouvez-vous vous présenter pour ceux qui ne vous connaissent pas encore?
Je suis née à Ahuntsic, et je suis revenue habiter ici il y a quelques années. J’ai étudié le cinéma à l’Université Concordia, où j’ai fait une maîtrise. Puis la vie a fait que j’ai continué ma vie professionnelle ailleurs, puisque ça fait 15 ans que je suis journaliste pour le magazine LGBTQ Fugues, et critique littéraire pour Séquences. J’enseigne aussi le cinéma au Cégep de Saint-Jérôme.
Comment est née votre passion pour le cinéma?
Mon père est un grand amateur de cinéma! Il regardait un film par jour. Mais on n’a pas vraiment les mêmes goûts, mon père c’est plus les westerns et les films avec Sylvester Stallone (rires). Je suis tombée en amour avec le cinéma à l’adolescence et j’ai commencé à l’étudier au Collège de Bois-de-Boulogne. Naturellement, j’ai poursuivi à l’université.
À l’époque, pourquoi avoir consacré votre thèse d’étudiante aux représentations LGBTQ+ dans le cinéma, à travers ces deux films?
L’étudiante que j’étais à l’Université Concordia a découvert les œuvres de ces cinéastes [Claude Jutra et André Brassard] et je suis tombée sur les deux films qui sont au cœur de mon livre. À ce moment-là, je me suis reconnue à l’écran. J’ai reconnu des gens un peu comme moi, qui aiment différemment, des gens qui pensent différemment, qui ont des voix différentes et des points de vue différents sur le monde… C’est ce qui m’a attirée à étudier ces deux œuvres-là au départ. Puis j’ai eu aussi envie de mettre de l’avant le cinéma LGBTQ.
Aujourd’hui vous leur consacrez un livre…
Oui, j’avais envie de ramener dans la mémoire collective ces deux œuvres importantes. Comme tout étudiant quand on sort de la maîtrise, on est excité, on se dit qu’on va se trouver un emploi facilement, que tout le monde va lire mon mémoire de maîtrise… Mais c’est rarement le cas! J’ai gardé ce rêve de jeunesse de le publier. Bien sûr, ce n’est plus du tout le mémoire que j’avais présenté, ce livre est un prolongement de ce travail. Et j’avais aussi envie de parler de l’histoire du Québec, donc de la révolution sexuelle, de la révolution tranquille homosexuelle, du mouvement des femmes… pour qu’on s’en souvienne.
Qu’est-ce qui fait la particularité de À tout prendre?
À Tout prendre est sorti en 1963, réalisé par le grand Claude Jutra. Il est très novateur, tant au niveau du fond que de l’esthétique. C’est un film documentaire dans lequel Claude fait une sorte d’aveu queer en se mettant en scène avec son conjoint du moment. Ça ne dure que deux secondes où il dit «j’aime les garçons», mais c’est très intense et novateur. Il s’incrimine dans son propre film puisque à l’époque, l’homosexualité est illégale et criminalisée. Il y a quelque chose de vraiment courageux de l’avouer dans ce film. Courageux aussi car il aborde d’autres tabous tels que l’adultère, l’avortement, et avec la présence d’une femme noire dans un rôle principal. C’est vraiment une première au Québec.
Et qu’en est-il de Il était une fois dans l’Est?
Dans Il était une fois dans l’Est, d’André Brassard et Michel Tremblay, il y a d’un côté les ménagères du Plateau, et de l’autres les «tapettes». La force de ce film [sorti en 1974] c’est de mettre ensemble ces deux oppressions: celle de femmes ménagères hétérosexuelles, et celle des drag queens et des homosexuels. Et au final, on se rend compte que les formes d’oppressions sont souvent les mêmes, donc c’est ce qui est très intéressant dans cette œuvre. On est en plein dans la Révolution tranquille et on aborde là aussi des tabous, avec la religion également…
Comment ont été accueillis ces films?
À l’époque, ici au Québec, la réception de ces films a été empreinte d’homophobie. Il y a eu beaucoup de critiques sur le fait de montrer de cette manière l’homosexualité, et de mettre de l’avant une femme noire. J’en parle beaucoup dans le livre, c’est la question centrale. L’idée c’était aussi de voir comment l’apparition de personnages LGBTQ au cinéma affecte le microcosme social, et à quel point le cinéma peut avoir un rôle précurseur.
Quel regard portez-vous sur les représentations des personnes LGBTQ dans le cinéma et les séries contemporains? A-t-on réellement évolué?
Les représentations des personnages LGBTQ, que ce soit au cinéma puis surtout dans les séries qui sont très nombreuses, a vraiment changé au cours des cinq dernières années. Il y a une profusion. Je pense que ce qui est intéressant, c’est qu’on a une grande diversité des représentations LGBTQ. La plupart des groupes sont représentés, même si ce n’est pas forcément à force égale. Les femmes et notamment les lesbiennes restent des représentations beaucoup plus marginales; ce ne sont pas elles qui ont les rôles principaux. Cela dit, je trouve que quand on regarde le cinéma québécois, il y a de plus en plus de cinéastes comme Xavier Dolan qui changent les représentations LGBTQ. Clairement, la question n’est plus celle du coming out.
Le livre de Julie Vaillancourt, À tout prendre et Il était une fois dans l’Est, aux éditions McGill-Queen’s, est en vente dans les librairies d’Ahuntsic-Cartierville, ainsi que sur les plateformes de vente en ligne.
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