Roberto López, musicien d’origine colombienne, compositeur et réalisateur de documentaire et de jeux vidéo réside à Ahuntsic depuis 15 ans. Il raconte son expérience de commissaire en résidence au 4C entre septembre 2023 et décembre 2024.
Pourquoi devenir artiste en résidence au 4C?
Ici, au 4C, l’offre culturelle n’était pas encore développée, ma mission était de développer le public et la diversité. Je suis parti de presque rien avec un budget limité! C’était un grand défi!
Comment avez-vous endossé votre rôle?
Dans un premier temps, je me suis appuyé sur les organismes communautaires du 4C. Ils étaient ma porte d’entrée vers les habitants du quartier, que je souhaitais mener vers la culture. Alors, j’allais dans des événements, des réunions.
Ensuite, il a fallu développer une programmation cohérente en musique. Le concept que j’ai développé consiste à réunir trois artistes d’origine différente et à prévoir une discussion avec le public après le spectacle.
Je me suis mis à chercher d’abord des artistes d’ici, comme Nadine Ahoundji. J’ai fait venir d’autres artistes montréalais, comme Marco Calliari, guitariste d’origine italienne et Mamselle Ruiz, une chanteuse mexicaine. Nous avons organisé un concert le 23 mars dernier avec ces trois personnes.
Quelles étaient les autres phases de votre action?
Nous avons commencé par la médiation culturelle auprès des aînés. Nous sommes allés à la Villa Raimbault [résidence pour personnes âgées] pour faire des animations. Je m’appuie sur la culture pour créer des ponts entre les gens et aussi avec les organismes comme le CACI ou Concertation Femme.
En septembre, nous avons créé des actions dans les parcs, appelées des Rueda de cumbia [cercle de cumbia]. Accompagnés de cinq musiciens et de six danseurs, les gens dansent en cercle. Au parc de Mézy, des enfants, des personnes âgées sont venus danser. L’objectif est de faire de la culture hors les murs du 4C.
En octobre, nous avons fait intervenir un conteur du Panama sur le thème de l’Halloween avec deux marionnettistes, un Vénézuélien et un autre Mexicain. Avec le Kamishibaï [théâtre japonais], nous voulions impliquer les familles pour qu’elles découvrent les autres activités culturelles du centre.
Après le conte, les enfants ont aussi créé leur propre marionnette inspirée de Alebrijes [animaux fantastiques mexicains liés à la fête des Morts]. C’est une fête universelle. C’est aussi une façon d’aller chercher les nouveaux arrivants, les faire sortir de chez eux, les aider à s’intégrer.
Enfin, nous avons proposé le 23 novembre une rencontre sur scène, à la salle Charles-Daudelin, avec deux chanteuses montréalaises, Thaynara et Naxx. Elles sont originaires du Brésil pour l’une et du Congo pour l’autre. Après le spectacle, elles ont discuté avec d’autres femmes migrantes.
Avez-vous pu mesurer l’influence de la sphère artistique sur la vie sociale?
Beaucoup d’artistes vivent dans l’arrondissement. Si le lieu est devenu populaire, c’est grâce à eux. Et cette image reste, même si les artistes repartent. C’est intangible. Aucune ville n’a une telle offre culturelle gratuite et un tel réseau de proximité avec des Maisons de la culture. C’est bien pour la démocratisation de la culture.
Quel a été l’apport pour vous?
C’est une expérience très intéressante, car elle oblige à réfléchir au rôle de la culture dans la société, dans l’intégration des gens. Cela m’a permis de me retrouver de l’autre côté, en bas de la scène.
Pendant ma résidence au 4C, j’ai pu programmer en fonction des besoins du public et de façon équilibrée pour fidéliser des publics différents. Nous avons clairement vu l’impact de nos actions, c’est très valorisant. Notamment, lorsque des jeunes qui buvaient de la bière dans le parc de Mésy sont venus danser avec nous. Nous avons brisé les barrières de la langue, de l’âge, du statut et des origines.
La culture joue un rôle fort, car elle oblige à sortir de sa maison, de son isolement, pour partager. C’est un pas collectif vers quelque chose de meilleur.
Cet article est tiré du numéro d’hiver du Journal des voisins (version imprimée) dont le dossier principal est consacré à la culture à Ahunstic-Cartierville.
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