La Prise de la Bastille: au centre, l'arrestation du gouverneur, le marquis de Launay (1740-1789). Reproduction d'une peinture de Jean-Pierre Houël - Bibliothèque nationale de France
La Prise de la Bastille: au centre, l’arrestation du gouverneur, le marquis de Launay (1740-1789). Reproduction d’une peinture de Jean-Pierre Houël – Bibliothèque nationale de France

Aujourd’hui, c’est la Fête nationale française. Le 14 juillet sera-t-il célébré intensément dans notre arrondissement, comme c’est le cas ailleurs à Montréal?

On fait beaucoup de blagues sur les Français du Plateau Mont-Royal. Cet humour est justifié : les Français sont les principaux immigrants qui arrivent sur le Plateau, selon des chiffres tirés du dernier recensement (2016). Des 24 320 immigrants récents du Plateau, 6730 provenaient de la Mère-Patrie, loin devant le Portugal (1370), les États-Unis (1170) ou la Chine (960).

Dans Ahuntsic-Cartierville, ce sont les Algériens (4850), les Marocains (4470), les Haïtiens (4310), les Syriens (3400), les Libanais (3375), les Italiens (3215) et les Grecs (1835) qui forment le gros de l’immigration de fraîche date. Suivent les Français (1820) et les Vietnamiens (1340).

La présence française se fait donc tout de même sentir dans Ahuntsic-Cartierville. On compterait environ 100 000 Français au Canada, dont un peu plus de 67 000 inscrits sur la liste consulaire à Montréal. Comparativement, ils sont plus de 14 000 à Québec, plus de 13 000 à Toronto et plus de 10 000 à Vancouver. Selon le journal L’Express, le tiers des Français de Montréal vivent sur le Plateau Mont-Royal, 20 % à Côte-des-Neiges et 16 % à Rosemont-La Petite-Patrie. La moyenne d’âge des expatriés français au Canada serait de 44 ans, tandis que 10 % seraient des étudiants.

Pourquoi fêter?

Les Français de Montréal ne fêtent pas tous le 14 juillet pour la même raison. Certains le font pour des raisons historiques et culturelles. Pour la majorité, c’est avant tout un prétexte pour voir d’autres expatriés de l’Hexagone.

« Le 14 juillet est surtout une occasion de rencontrer ma communauté », explique Maxime Poingt, intervenant en immigration au Carrefour d’aide aux nouveaux arrivants (CANA) d’Ahuntsic. « C’est d’autant plus important que je suis tout seul de ma famille à Montréal. »

M. Poingt révèle qu’il va se retrouver à festoyer dans un bar : « J’ai des connexions avec beaucoup de Français de Montréal. On va boire, discuter, regarder les feux d’artifice de Paris sur une chaîne française. Quand on quitte la France, ce n’est pas pour fréquenter des expatriés français. Mais il y a tout de même des rapprochements culturels indéniables le 14 juillet. »

Maxime Poingt ne regardera pas le traditionnel défilé à la télé, qui évoque, selon lui, des chapitres peu glorieux de l’histoire de France, notamment liés à la colonisation. Il n’est jamais reparti après ses études à l’Université Concordia. Il ajoute qu’il est plus difficile pour un Français de s’intégrer s’il ne se construit pas un réseau de connaissances grâce aux études ou au travail.

Pour sa part, Ursula Leroy, agente de mobilisation au CANA, ne compte pas célébrer le 14 juillet : la jeune maman d’un garçon de 10 mois travaille le soir et rénove son appartement. « Plus on grandit, moins on le célèbre, dit-elle, même si on a plein de souvenir d’enfance de défilés et de feux d’artifice en famille. Quand mon fils sera plus grand, on fêtera peut-être le 14 juillet avec lui, car les symboles de la République sont tout de même importants. Ils structurent notre identité, notre histoire, nos valeurs, ce sont des repères pour tous les Français. »

Celle qui ne s’est jamais sentie aussi française et européenne que depuis qu’elle habite à l’étranger est enchantée de son expérience québécoise, même si elle est arrivée ici pendant la pandémie.

Nos Français plus à gauche

Selon une étude de l’observatoire français de l’expatriation, 90 % des Français vivant chez nous seraient satisfaits de leur expérience et la recommanderaient à d’autres. Ils se sentiraient épanouis et respectés.

Les Français qui vivent chez nous sont légèrement plus à gauche politiquement que ceux de l’Hexagone : aux dernières législatives, ceux de Montréal ont voté à 61,98 % pour Florence Roger, la candidate de la NUPES du candidat de gauche Jean-Luc Mélenchon.

C’est toutefois l’ex-numéro deux de la Caisse de dépôt et placement du Québec, Roland Lescure, candidat de la France en Marche (parti du président Macron) qui l’a emporté dans la première circonscription des Français à l’étranger (qui comprend le Canada et les États-Unis), avec 55,6 % des voix. Début juillet, M. Lescure a été nommé ministre de l’Industrie du gouvernement d’Élisabeth Borne.

À la présidentielle, les Français de Montréal ont voté pour le candidat de gauche Jean-Luc Mélenchon au premier tour et pour le président Emmanuel Macron au second.

Faible présence commerciale

À Montréal, les entreprises d’origine française sont massivement concentrées au centre-ville et dans le Vieux-Montréal.

Notre arrondissement compte au moins une entreprise tenue par des Français d’origine, la Chocolaterie Bonneau, rue Fleury. Signalons aussi l’agence l’importation de vins Sélect Vins, détenue à parts égales par des Québécois et la multinationale française Advini. Cette société est située rue Mazurette, dans le quartier Chabanel.

« Je ne fête pas vraiment le 14 juillet, car j’ai plus d’amis Québécois que Français », déclare Yves Bonneau, maître chocolatier et propriétaire de la chocolaterie du même nom.

« Cela dit, le 14 juillet demeure une fête importante pour les Français. Et moi aussi, j’ai beaucoup de souvenirs d’enfance, surtout les feux d’artifice que l’on tirait à partir de la Creuse, la rivière qui traversait ma ville natale de Leblanc, située dans le département du Berry, au centre de la France. On les regardait depuis la rive ou le pont. »

M. Bonneau est arrivé au Québec en 2011. « Venir ici, c’était un choix économique au départ. C’est devenu un choix de cœur », ajoute-t-il.

Par ailleurs, une véritable institution de la culture française, la Pâtisserie de Gascogne, a vu le jour à Cartierville, boulevard Gouin, près de la rue Lachapelle. Elle fut fondée en 1952 par M. Francis Cabanes et son épouse Lucie. À la suite d’une chicane de famille, la célèbre entreprise, qui avait sept succursales et 200 employés, a fait faillite en 2018.

Les origines du 14 juillet

Pourquoi les Français fêtent-ils le 14 juillet? Cette date est une des nombreuses fêtes liées à la Révolution française et commémore la prise de la Bastille en 1789. Le jour férié a été institué à la suite d’une loi proposée par le député Benjamin Raspail le 6 juillet 1880. Ironiquement, la loi ne mentionne pas la prise de la Bastille dans le texte, jugée trop sanglante.

La prise de la Bastille est un événement emblématique de la Révolution française. Le 14 juillet, des émeutiers prennent d’assaut la Bastille, une forteresse parisienne qui sert de prison royale.

Malgré les croyances de l’époque (qui sont parvenues jusqu’à nous), cette prison ne détenait qu’une infime minorité de prisonniers politiques. La majorité y était incarcérée pour des crimes importants (comme le faux-monnayage) ou des comportements intolérables en société (folie, libertinage) à la demande des familles des prisonniers.

La prise de la Bastille fut effectivement violente. Depuis plusieurs jours, l’armée royale et des troupes mercenaires encerclent Paris, qui est en proie à des agitations révolutionnaires. Inquiets, de nombreux Parisiens se rendent aux Invalides et s’emparent d’armes de guerre, principalement des fusils. Ils marchent vers la Bastille, qui est défendue par une garnison de 32 soldats suisses et 82 vétérans de guerre, sous la direction du gouverneur de Launay. Sous les assauts des émeutiers, ils tirent et font une centaine de morts. Après des combats d’une dizaine d’heures et malgré des renforts militaires, les émeutiers finissent par prendre le dessus, pillent la prison et se saisissent du gouverneur de Launay, dont la tête sera tranchée et promenée au bout d’un pic dans les rues de Paris.

L’événement constitue un tournant radical de la Révolution française, qui marque la fin de l’administration royale en France.

Les historiens parlent d’un séisme politique qui ébranlera les capitales européennes et même la Russie impériale. Les politiciens et diplomates étrangers présents à Paris lors de cet événement parlent d’un « spectacle inouï, qu’une foule inexpérimentée s’empare d’une forteresse bien gardée par des soldats d’expérience, avec une sauvagerie féroce qui saisit les spectateurs ». Pour d’autres, c’est « le plus grand événement qui soit jamais arrivé au monde ».

Après la Révolution française, le marquis de La Fayette donna des exemplaires des clés de la Bastille au révolutionnaire américain et premier président des États-Unis, George Washington. On peut les admirer dans la résidence de Washington, à Mount Vernon, en Virginie.

Aujourd’hui, les fêtes du 14 juillet, partout dans le monde, se distinguent par des bals populaires. Celui de Montréal est une tradition très courue et se déroule devant l’Union française, au square Viger, dans Ville-Marie, à partir de 17 h (en version moderne, avec l’animatrice de Radio-Canada Catherine Pépin comme D.J. et autres groupes), suivi d’une soirée dansante à 22 h à l’intérieur de l’édifice de l’Union française, sous le thème de la « French Touch ». Eh oui!



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