Un événement de camping urbain prévu dans deux parcs d’Ahuntsic-Cartierville crée la polémique. Citoyens et organismes communautaires dénoncent en effet un «symbole déplorable», quelques jours après le démantèlement d’un camp d’itinérants dans l’un de ces mêmes parcs. Pour apaiser les tensions, l’organisateur a décidé de déplacer la nuitée prévue au parc Basile-Routhier. Explications du Journal des voisins.
Passer une nuit à la belle étoile dans un parc de la ville? C’est ce que propose l’organisme GUEPE, les samedis 15 juillet et 2 août prochains. Objectif: permettre aux citadins novices d’expérimenter le camping et les sensibiliser à la biodiversité. Cet événement estival choque une partie des habitants de l’arrondissement. «Drôle d’idée ce camping urbain juste après le démantèlement d’un camp dans le même parc», s’étonne une retraitée.
Alors que certains voient ces événements comme une occasion de profiter de la vie urbaine en plein air, d’autres soulignent le contraste saisissant entre ces festivités et la dure réalité de la précarité sociale à Ahuntsic-Cartierville. D’autant qu’un démantèlement de camp a eu lieu il y a quelques jours seulement, dans l’un des deux parcs qui accueillent ces soirées. Les traces laissées par les tentes des sept personnes en situation d’itinérance qui ont été expulsées, y sont toujours visibles…
Pour rappel, le 22 juin dernier, sept itinérants ont été contraints de quitter le parc Basile-Routhier après l’émission d’un avertissement pour occupation illégale de l’espace public, par la mairie d’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville.
La mairie a pourtant délivré une dérogation pour permettre la tenue de deux soirées de camping urbain aux parcs Beauséjour et Basile-Routhier. Une décision paradoxale vivement critiquée par certains citoyens et organismes communautaires.
«Ce n’est pas équitable»
«Je peux comprendre que les habitants aient demandé le départ des itinérants qui devenaient nombreux. Mais quand j’ai vu votre article qui annonce cette activité de camping urbain, je me suis dis que si ce n’est pas ok pour les itinérants, ca ne l’est pas pour nous non plus. Ce n’est pas équitable. Je pense que ce n’est vraiment pas le temps de proposer ça, surtout qu’eux ne rentrent pas chez eux le lendemain…», témoigne Carole, Ahuntsicoise de 60 ans, auprès du Journal des voisins.
De nombreuses personnes partagent ce malaise. «Je trouve ça vraiment déplacé. Ça n’a pas de bon sens de faire ça alors qu’on vient de mettre des gens à la rue», estime Jean, un trentenaire qui est revenu s’installer dans le quartier de son enfance.
Du côté communautaire, le directeur de RAP Jeunesse, qui intervient quotidiennement auprès des personnes en situation d’itinérance, ne cache pas sa colère. «Pourquoi il y aurait des bons citoyens qui sont autorisés à faire du camping dans les parcs, même si ce n’est qu’une nuit, et les autres qui n’en ont pas le droit? On ne fait que créer une société à deux vitesses», estime René Oregon.
L’année dernière, plusieurs organismes communautaires, dont RAP Jeunesse, ont fait pression sur les organisateurs d’un événement identique, dans un contexte similaire. L’événement avait finalement été annulé. Une décision que ne souhaite pas prendre GUEPE, qui maintient les deux animations.
Les organisateurs déplacent la seconde nuitée au parc Beauséjour
Pour les organisateurs, il n’y a aucune raison d’annuler ces événements. «Ce sont des animations financées par le Fonds Diversité et inclusion sociale dans le cadre du programme Prévention Montréal. Ça nous permet d’offrir une activité encadrée à des gens qui n’en n’ont pas forcément les moyens. Tout le matériel de camping est fourni et nos naturalistes seront présents pour faire de la prévention et de la sensibilisation à la protection de la biodiversité», explique Nathalie Dion, directrice générale de GUEPE.
Même son de cloche du côté de la mairie: «L’arrondissement a donné une dérogation afin d’autoriser l’occupation de l’espace public pour ces deux événements. Ce choix a été fait pour favoriser le développement social.»
Se contentant de mettre l’accent sur les vertus de ces activités, la municipalité contourne sciemment la question de fond posée par l’équité sociale et la responsabilité collective…
À la suite des réactions, et à la polémique, GUEPE a toutefois décidé de déplacer son second événement qui devait se tenir au parc Basile-Routhier (celui où le camp a été démantelé récemment). «Je comprends tout à fait le contexte et les réactions. Nous avons donc décidé de déplacer notre second événement au sein du parc Beauséjour», assure Nathalie Dion.
Comme on demande aux itinérants de partir en ne faisant que déplacer le problème ailleurs, les citadins planteront donc leurs tentes dans le parc voisin. Comme si cela faisait une quelconque différence…
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