Ruelle entre Grande-Allée, St-Laurent, Henri-Bourassa et Gouin le 6 octobre 2021 (Photo : jdv – Philippe Rachiele)

Un propriétaire averti en vaut deux! C’est ce que peut se dire le nouveau propriétaire de la portion de ruelle entre Grande-Allée et Saint-Laurent au nord du boulevard Henri-Bourassa. Averti, parce que les riverains contre-attaquent! Ils se sont unis pour déposer une demande d’injonction en Cour supérieure pour avoir de nouveau accès à cette «ruelle» en dépit des prétentions du propriétaire. Par ailleurs, tournure intéressante: les candidats à l’élection se jettent aussi dans la mêlée, alors que les élus sortants obtiennent des réponses qui pourront être des solutions.

Alors que les riverains de la ruelle Grande-Allée/St-Laurent fourbissaient leurs armes au cours des dernières semaines pour passer à l’offensive, les trois candidates à la mairie d’Ahuntsic-Cartierville ont rencontré les riverains de la «ruelle» ou ont visité la «ruelle» pour mieux connaître les enjeux de cet achat privé de portion de ruelle derrière les résidences des rues Grande-Allée et St-Laurent, au nord du boulevard Henri-Bourassa.

Par ailleurs, un cabinet d’avocats représentant les riverains a signifié par huissier au propriétaire de la ruelle que les procureurs des riverains allaient déposer une demande d’injonction à la Cour supérieure prochainement. Cette requête doit être entendue le ou vers le 26 octobre. Tous les riverains de cette portion de ruelle ont un droit de passage sur la ruelle, droit notarié sur le contrat d’achat de leur propriété, ou sur leur bail.

Parallèlement, les élus, l’arrondissement et la Ville-centre ne sont pas non plus restés les bras croisés; la période électorale agissant sans doute comme accélérant au dossier. Il semble que de nouvelles données permettront aux riverains de retrouver l’usage de la ruelle, pour peu que le propriétaire tienne compte de ces nouveaux développements.

Les politiciens en campagne

La candidate d’Ensemble Montréal à la mairie de l’arrondissement, Chantal Huot, a rencontré les riverains lundi 27 septembre dernier en début de soirée et malgré toute l’empathie qu’elle a pu démontrer envers eux qui sont aux prises avec cette situation problématique, elle ne peut, à court terme, que sympathiser avec eux, justement, en concluait une riveraine interviewée par journaldesvoisins.com. Mais la démarche a compté.

De son côté, la candidate de Mouvement Montréal à la mairie de l’arrondissement, Kassandre Chéry Théodat, racontait sur sa page Facebook avoir croisé le propriétaire de la ruelle en allant y faire un tour, sur place, vendredi 8 octobre.  Selon Mme Théodat, ce dernier lui aurait dit, après qu’ils en aient tous deux discuté, qu’il «avait réfléchi et qu’il ne bloquerait plus l’accès à la ruelle aux riverains, pour le moment». Toutefois, il n’a pas mentionné la procédure juridique qu’il avait reçue la veille et qui a sûrement eu l’effet escompté.

La mairesse actuelle et candidate de Projet Montréal, Émilie Thuillier, a été à quelques reprises en contact avec les riverains, mais les solutions au problème ne semblaient pas se concrétiser rapidement, même si l’arrondissement et le contentieux de la Ville-centre travaillaient à ce dossier. Le 14 octobre, toutefois, la donne a changé.

Contre-attaque

Ceci dit, par l’entremise de leurs avocats, vendredi 8 octobre, les riverains ont fait signifier par huissier un recours juridique au propriétaire, recours par lequel ils demandent à la Cour supérieure du Québec de leur accorder une injonction interlocutoire et permanente. Cette injonction, si accordée, leur donnerait accès à leurs cours arrière par cette portion de ruelle, selon leurs droits de passage tels qu’inscrits dans l’acte d’achat notarié de chacune des propriétés riveraines.

Dans un document étayé de 20 pages émis par le cabinet d’avocats Thibault Joyal Inc., sous la signature de Maître Amélie Gagné, procureure des demandeurs, et de Maître François-Alexandre Gagné, l’un des riverains se représentant seul, les 24 propriétaires et/ou locataires, solidaires, font front commun.

En résumant succintement, ils enjoignent la Cour de leur redonner le droit d’accès à la portion de ruelle –droit dont ils disposent légalement tel qu’abondamment démontré dans la requête–; d’interdire au propriétaire d’y garer les camions de son entreprise; et de faire exécuter le jugement qui sera rendu par le juge, nonobstant appel.

Le proprio avisé par huissier

La requête a été signifiée au propriétaire de la ruelle, le vendredi 8 octobre. Au 15 octobre, ce dernier n’avait pas encore répondu à la procédure, selon un des procureurs au dossier. Si le propriétaire de la ruelle ne se présente pas ou n’est pas représenté au jour de l’audition de la requête, il est prévenu qu’un jugement par défaut pourrait être rendu contre lui.

Le plus important de la requête se lit au quatrième point du document:

«Chacun des demandeurs possède aussi un droit de passage notarié sur l’entièreté de la ruelle.»

À souligner que cette portion de ruelle appartenant à Corneliu Tunea n’est que l’un des trois terrains constituant cette ruelle; les deux autres terrains de la ruelle appartenant à deux autres propriétaires, dont un terrain donnant accès au boulevard Henri-Bourassa.

Ainsi, si les deux premiers propriétaires voulaient également bloquer le passage à tous dans leur portion de ruelle, le propriétaire Tunea aurait, lui aussi, goûté à cette «médecine».

Droit de passage à respecter/camions stationnés illégaux

De leur côté, les élus ont fait diligence.

Dans le dernier courriel expédié aux riverains qui l’ont fait suivre au JDV (et que le bureau de la mairesse a également porté à l’attention de notre média), il appert que le droit de passage notarié des riverains dans la portion de ruelle doit être respecté, malgré la vente aux enchères dudit terrain.

«Nous avons enfin reçu la confirmation que, contrairement à l’information que nous avions eu au tout début, les droits de passage pré-existants sont bel et bien maintenus lors d’une vente pour non paiement de taxes. Ceux d’entre vous qui disposaient d’une servitude sur le lot 1 999 309, ont toujours le droit de traverser ce lot pour se rendre à leur propriété. La question du respect d’une servitude de passage est une question civile entre vous et le propriétaire du lot, l’arrondissement ne peut intervenir afin de faire respecter les droits de passage.»

On comprend donc que, le cas échéant, la demande d’injonction qui doit être entendue le 26 octobre prochain sera toujours pertinente, puisque jusqu’à présent, le propriétaire ne semblait pas vouloir se conformer à la demande des riverains, «de façon civile» comme l’écrit la mairesse. Aura-t-il suffisamment réfléchi entretemps, attaqué de tous côtés ?

Par ailleurs, concernant le droit ou non du propriétaire de cette portion de ruelle de se servir du terrain pour y garer ses camions, la mairesse poursuit:

«Pour ce qui est de la question du stationnement de véhicules dans la ruelle (sur le lot 1 999 309), après vérification auprès du service d’urbanisme, le règlement d’urbanisme de l’arrondissement (article 571) interdit le stationnement de tout véhicule sur un terrain vacant, ce qui est le cas du lot 1 999 309. Nous avons donc entamé les démarches afin d’aviser le propriétaire qu’il n’est pas autorisé à stationner des véhicules sur ce terrain et qu’ils doivent être retirés. Ce n’est pas au service de police de faire appliquer ce règlement, mais aux inspecteurs de l’arrondissement.»

Donc, si le propriétaire n’obtempère pas, ce sont les inspecteurs de l’arrondissement qui doivent intervenir; mais, évidemment, ces derniers ne sont pas toujours disponibles.

Ceci dit, si cette portion de ruelle est un terrain dit vacant, qu’en est-il des autres ruelles privées? Notons, à titre d’exemple, le cas de la ruelle St-Laurent/Clark entre Mongeau et Prieur: le propriétaire de cette ruelle privée a-t-il le droit d’y garer son véhicule récréatif? Une ruelle est-elle considérée comme un terrain vacant, ou sont-ce seulement des portions de ruelles qui sont considérées comme un terrain vacant? Toutes questions auxquelles il n’y a pas de réponse à ce jour…

Mais il semble que la Ville-centre et l’arrondissement veuillent éviter le genre de situations problématiques vécues par les riverains de Grande-Allée/St-Laurent à l’avenir.

«Enfin, suite aux événements que vous venez de vivre ces dernières semaines, nous explorons actuellement avec nos services des pistes de solutions pour éviter qu’une situation semblable se reproduise dans votre ruelle ou dans d’autres ruelles privées.  Nous en avons notamment identifié une que nous comptons mettre en oeuvre rapidement après l’élection du 7 novembre (elle implique des démarches qui sont suspendues en période électorale). »

À suivre.



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