Quelques mois après avoir été partiellement détruite à coup de masse, la statue d’Ahuntsic a encore été victime de vandalisme en juillet. Les plaques de la sculpture, ainsi que celle du père Nicolas Viel, ont été peinturées, relançant ainsi le débat sur leur présence.
Cette fois-ci, les monuments n’ont toutefois pas été trop endommagés. En effet, une pellicule de plastique avait été placée sur les écriteaux, agissant ainsi en tant que protection. La pellicule a été changée et les inscriptions ont été couvertes depuis.
Ce sont les textes, jugés racistes, qui seraient à l’origine de la série d’actes. Ils mentionnent notamment que les morts d’Ahuntsic et Nicolas Viel ont été causées « par de méchants Hurons ». Ces derniers sont aussi décrits comme étant des « barbares ». Selon Patrick Goulet, marguillier à l’église de la Visitation devant laquelle les statues sont situées, l’institution religieuse est consciente du problème :
« Avec raison, ça choque les esprits. Le texte d’origine est problématique. On reçoit souvent des appels de gens indignés. »
Il note que tant et aussi longtemps qu’une solution ne sera pas trouvée, les écriteaux resteront couverts.
L’importance de contextualiser
Les intervenants consultés par le journaldesvoisins.com (JDV) sont unanimes : il est hors de question de modifier les plaques. Ils jugent qu’il serait plus sage de contextualiser ce qui est écrit.
« En tant qu’historien, je crois que modifier est hors de question. Les faits historiques ne sont pas à cacher, mais c’est important de bien les expliquer », déclare Yvon Gagnon, président de la Société d’histoire d’Ahuntsic-Cartierville (SHAC).
L’historien Médérik Sioui, lui-même d’origine huronne-wendat, est du même avis : « Je ne suis pas un partisan du déboulonnement des statues. C’est l’origine du nom du quartier [Ahuntsic], mais ça pourrait être mieux raconté, sans dénigrement des Wendats. »
Selon Yvon Gagnon, le fait de couvrir les inscriptions est problématique :
« Couvrir montre qu’on cache quelque chose. Tant qu’il n’y a rien permettant de contextualiser, les textes vont porter à confusion. Sans cela, le vandalisme va se poursuivre. »
L’histoire derrière les statues
Bien que les monuments aient été érigés en 1903, les textes, eux, dateraient de 1636. Pour M. Gagnon, il est donc important de comprendre l’origine de leur érection, au début du 20e siècle :
« C’était une époque où les Canadiens français cherchaient des héros et voulaient en créer. Pour en avoir, il fallait que ce soient des martyrs et ça semble être pour cela qu’Ahuntsic et Nicolas Viel ont été choisis. »
Malgré son nom d’origine huronne-wendat, Ahuntsic, qui signifie « petit et frétillant », aurait en fait été un Français. Ce dernier aurait d’ailleurs vécu pendant un certain temps dans une communauté autochtone, ce qui expliquerait ce surnom. Au dire de Médérik Sioui, il s’agit d’un bel exemple d’inclusivité qu’il faut souligner :
« Ahuntsic avait bien appris à vivre avec les Premières Nations. Il s’agit d’une occasion d’expliquer l’histoire et de raconter ce cas d’intégration. Il y a beaucoup de choses intéressantes et instructives à dire sur ce sujet. »
Un dénouement sous peu?
Sans fixer de date au calendrier sur la suite des événements, Patrick Goulet s’attend à ce qu’une issue à cette saga ait lieu sous peu :
« Il n’y a pas encore d’échéancier puisqu’à court terme, on veut sécuriser le texte en le gardant caché. Mais dans les prochains mois, il devrait y avoir quelque chose de fait pour mieux expliquer le contexte. »
Ce n’est toutefois pas quelque chose qui se fera du jour au lendemain. Puisque les monuments sont situés dans l’aire de protection de l’église de la Visitation du Sault-au-Récollet, un immeuble patrimonial, une altération nécessiterait une autorisation gouvernementale. Ce ne serait cependant pas le cas si une plaque additionnelle est placée à proximité.
Il existe pourtant une plaque apposée au mur de l’église en 1981 et jugée moins raciste, mais elle n’est pas très visible ni ne met en contexte le texte d’origine écrit au 17e siècle.
Peu importe la décision prise, M. Goulet explique qu’elle sera faite en concert avec les acteurs impliqués. Ceux-ci comprennent entre autres la SHAC, le Conseil du patrimoine religieux du Québec, la fabrique de la paroisse de la Visitation, ainsi que les divers paliers gouvernementaux impliqués.
Il souhaite que ces épisodes malheureux prennent fin et que ces statues deviennent « un élément de fierté ».
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Qu’est-ce que les historiens du futur vont penser de notre époque où, pour épargner les petites minorités ultra sensibles qui ont des positions victimaires, se retrouveront face à une histoire réécrite pour des raisons purement idéologiques? Pour vaincre le racisme, il faut des témoignages historiques qui sont authentiques et ne tentent pas de réécrire les faits historiques. Quels crétins que ces iconoclastes! Ils veulent nous devenions des citoyens analphabètes.
«Personne ne sait de quoi hier sera fait!»
Jean-Paul Lahaie