Itinérance 101 : quelles sont les causes de l’itinérance et qu’est-ce qui la caractérise? Nous vous présentons le dernier volet de notre dossier en trois parties sur les itinérants d’Ahuntsic-Cartierville.
L’itinérance est presque toujours le résultat de plusieurs facteurs conjugués. Aux facteurs connus (pauvreté, exclusion, toxicomanie, alcoolisme, maladie mentale, dépression…) s’ajoute maintenant une conjoncture économique particulièrement difficile sur le plan du logement.
La crise du logement, qui affecte l’ensemble de Montréal et, évidemment, l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville, se caractérise par une forte augmentation du prix des loyers. Or, on retrouve très peu d’appartements à loyer modique dans l’arrondissement. Même les logements de mauvaise qualité, souvent qualifiés de taudis, sont désormais très chers.
Le prix des logements et la rareté des loyers modiques ont toujours alimenté l’itinérance. Désormais, ces facteurs expliquent de plus en plus la croissance du nombre de sans-abris.
Avant tout, on peut se poser la question suivante : qu’est-ce qu’un itinérant? La réponse est plus complexe qu’il n’y paraît. La majorité d’entre nous ne fréquentons pas ces personnes et ne connaissons pas les contours de cette réalité particulièrement diversifiée.
Nuances
En fait, les spécialistes d’Ahuntsic-Cartierville interrogés par le Journal des voisins n’utilisent pas le mot itinérant. Ils préfèrent parler de personnes en situation d’itinérance.
Ainsi, une personne peut se retrouver en pareille situation de façon occasionnelle, à temps partiel ou à plein temps. Les spécialistes en citent trois types :
- itinérance situationnelle : personnes qui sont temporairement sans logement, mais qui parviennent à en trouver un après avoir vécu un certain temps dans la rue. C’est le type d’itinérance le plus fréquent;
- itinérance cyclique : personnes qui alternent entre des périodes où elles ont un logement et d’autres où elles vivent dans la rue;
- itinérance chronique : personnes qui n’ont pas occupé un logement depuis une longue période. C’est la forme d’itinérance la plus visible. Elle est moins fréquente que l’itinérance situationnelle, mais elle entraîne de nombreuses interventions et des coûts sociaux importants.
Les experts font aussi une nette distinction entre l’itinérance visible et l’itinérance cachée. L’itinérance visible est une situation où la personne n’a pas de domicile fixe permanent ou d’abri. Ou, si elle se trouve un lieu pour vivre, il n’est pas conçu pour l’habitation par un être humain (Latimer et Bordeleau, 2019).
On observerait donc cette forme d’itinérance dans les rues, les rangs, les parcs, les édifices ou les terrains abandonnés ou sans surveillance. Un cas a fait la manchette ces dernières années : le campement le long de la rue Notre-Dame, dans Hochelaga-Maisonneuve, qui a été démantelé par la Ville en 2020.
L’itinérance cachée se démarque par le fait que la personne est hébergée de manière temporaire chez autrui (parents, amis, proches ou partenaires sexuels), notamment dans un motel ou un hôtel, sans qu’on puisse parler de domicile fixe permanent. Cette définition s’applique aux maisons de chambres (Latimer et Bordeleau, 2019). Les femmes itinérantes se retrouvent davantage dans ce groupe.
Les personnes à risque d’itinérance
Les travailleurs sociaux et les organismes communautaires se préoccupent beaucoup de prévention et accordent une attention particulière aux itinérants potentiels. Ces personnes vulnérables, qui ne sont pas à proprement parler des sans-abris, sont toutefois à risque de le devenir.
Ces individus sont, selon les spécialistes, au bord de ce qu’ils qualifient de point de bascule, soit un événement, une circonstance, un changement de vie qui fait que la personne perd son lieu habituel de résidence et devient, du même coup, un sans–abri.
Ce risque survient dans toutes sortes de circonstances : perte d’emploi, éviction, incendie, fugue du foyer familial, sortie de prison, départ de la DPJ, divorce, dépression, sortie d’hôpital, événement psychologiquement traumatisant… En itinérance, chaque cas, chaque histoire personnelle est unique.
L’errance et l’itinérance
Certains intervenants font une distinction entre un itinérant et un errant.
L’errant a des allures et des comportements qui s’apparentent à ceux d’un itinérant. Le jour, cette personne quête aux intersections ou devant les commerces. Elle boit de l’alcool sur la place publique et fouille les poubelles. Le soir, elle rentre toutefois à son domicile.
On parle ainsi d’errant, pas d’itinérant, puisque cette personne dispose d’une adresse permanente.
Mais cette résidence n’est peut-être pas toujours assurée, sécuritaire ou adéquate. Pour plusieurs experts, l’errance est une forme de vulnérabilité résidentielle assimilable à l’itinérance cachée. À leurs yeux, un errant est donc un itinérant caché.
Ce troisième texte conclut le dossier sur l’itinérance.
À lire :
1er volet du dossier sur l’itinérance (27 février 2023).
2e volet du dossier sur l’itinérance (28 février 2023).
À écouter : balado sur Pierre Braun, itinérant et musicien.
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