Installé à Ahuntsic-Cartierville par hasard en 1972, Luis Gini est revenu plus tard pour s’y installer à demeure. L’enracinement va bon train: Luis et sa conjointe Ana tissent leurs liens dans le quartier et dans l’espace citoyen du Québec.
le Mag papier de juin-juillet 2023, aux pages 36-37.)
Arrivant d’Uruguay en novembre 1972 pour étudier à HEC Montréal, Luis Gini a trouvé un appartement à l’angle du boulevard Henri-Bourassa Est et de la rue Saint-Firmin. Il venait d’élire domicile à Ahuntsic-Cartierville et même d’y travailler pendant ses études, dans une usine qui imprimait des tissus, angle Chabanel et de l’Esplanade, dans le District Central, à l’époque le quartier Chabanel, appelé familièrement le «quartier de la guénille».
«J’ai par la suite déménagé sur le Plateau-Mont-Royal, mais en 1993, je suis revenu vivre à Ahuntsic à deux coins de rues d’où j’habitais, à mon arrivée au Québec», raconte Luis.
Fort de son bac et de certificats obtenus aux HEC, ainsi que d’une certification APICS (spécialisée dans la chaîne d’approvisionnement), Luis Gini a monté les échelons dans le secteur des entreprises manufacturières, passant d’aide opérateur de machinerie à gestionnaire. Il a également été coach et consultant en gestion.
«J’ai pris ma retraite en 2020 à l’âge de 68 ans, la pandémie ayant compliqué un peu ma vie, se rappelle-t-il. J’ai pris deux semaines de vacances et je ne suis pas revenu au travail par la suite!»
Partenaire de tango, puis de vie!
En couple avec Ana Mejía, qu’il a rencontrée en dansant le tango, Luis sourit en relatant qu’ils vivaient dans deux mondes parallèles. Ils sont tous les deux titulaires de diplômes en administration d’universités québécoises et ont travaillé auprès d’entreprises à titre de gestionnaires trilingues. Mexicaine venue étudier à l’Université Laval à Québec en 1994, Ana y a obtenu une maîtrise en administration des affaires.
«En 2000, on m’a nommée déléguée commerciale et chef de bureau de la Délégation commerciale du Mexique à Montréal. J’ai entre autres participé à l’installation de Bombardier aéronautique au Mexique», déclare la femme d’affaires, pas encore retraitée. Elle est maintenant présidente-fondatrice d’Arrivie, un service d’accompagnement d’entreprises québécoises accueillant des travailleurs étrangers.
S’ils ne dansent plus le tango en salle, Luis et Ana ont gardé des liens très forts avec leurs pays d’origine.
La richesse de trois cultures
Le couple ne reste pas cantonné dans ses références latino-américaines, loin de là! «On a fait consciemment le choix de connaître le Québec, pour être capable de dire « Nous, on est Québécois »», dit Luis, évoquant un formidable séjour sur la Côte-Nord et leur prochain voyage en camping au lac Saint-Jean.
Ils affectionnent entre autres le tourisme autochtone, qui leur permet d’en savoir davantage sur les Premiers Peuples. «On s’est enrichi en découvrant le Québec, tout en ayant gardé contact avec nos pays», ajoute-t-il. «Exactement, renchérit Ana: on est chanceux d’avoir trois cultures»… «et même quatre», précise Luis, dont le grand-père était italien!
C’est pour cette raison que le couple se plaît tant à Ahuntsic-Cartierville. «J’aime le caractère multiethnique de notre quartier; il a une âme», lance Luis. Sa compagne approuve: «J’ai placé une affiche sur notre terrain que m’a offerte mon fils. Elle indique: Peu importe vos origines, vous êtes les bienvenus dans notre communauté.»
Bon voisinage
Devant chez eux, ils ont aussi installé un croque-livres: «Nous discutons avec les gens qui viennent porter des livres, par exemple sur ce qu’ils aiment lire.» Un mini club de lecture improvisé, quoi! Luis y a également déposé une boîte chapeautée d’un message à l’intention des voisins qui ne seraient pas en mesure d’aller porter leurs bouteilles vides au point de dépôt de verre de la Place Fleury. Quand la boîte est pleine, il va lui-même la porter à l’un des deux conteneurs à Ahuntsic, conteneurs qui sont nés d’un projet du comité citoyen Verrecycle.
«L’entraide et la solidarité dans la communauté est nécessaire et fondamentale, soutient-il. En plus, ça fait du bien!»
Ana concède qu’il faut parfois «encourager» cette aide: «La solidarité doit s’extérioriser. Il faut provoquer des gestes positifs, des échanges et des discussions.»
Engagement citoyen
Pour mieux comprendre les enjeux qui préoccupent les citoyens, ils ont créé le Collectif de convergence citoyenne Ahuntsic-Cartierville (CCC-AC), un comité composé de voisins et voisines provenant «de situations professionnelles, d’âges et d’horizons variés, mus par une volonté commune de nous engager activement dans la vie de notre cité […]. La crise climatique, la langue française, l’éducation, la justice sociale et la démocratie participative sont les sujets à partir desquels nous voulons ouvrir cet espace d’échange d’idées», peut-on lire dans le manifeste du Collectif rédigé en juillet 2022.
Donner la parole aux citoyens une fois aux quatre ans aux élections n’est pas suffisant pour changer les choses, surtout en regard du haut taux d’abstention aux urnes. «Nous nous rencontrons à l’Espace des Possibles, rue Lajeunesse, qui nous prête la salle. L’idée est de se réunir, de choisir un sujet de conversation et d’en discuter. C’est un exercice de réflexion collective. Si on peut mobiliser les citoyens, ils seront acteurs de changement», continue Luis.
Luis et Ana ont-ils le goût de s’engager également en politique? C’est déjà fait! Lui au comité de coordination à Québec Solidaire Crémazie en 2016, elle comme candidate au conseil d’arrondissement à Montréal-Nord en 2021. Le retraité participe maintenant sur le plan citoyen et non plus politique. Nul doute que le CCC-AC soulèvera une vague de changements à l’échelle locale qui se répercuteront dans toute la société québécoise, alimentés par l’esprit de coopération et de solidarité de Luis et des autres membres du Collectif.
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