Une partie de la population a des difficultés d’accès aux informations liées à la santé. Ce sont des personnes peu ou pas éduquées, des allophones ou bien des personnes âgées qui ont du mal à se débrouiller avec les outils technologiques. Des organismes communautaires en alphabétisation tirent la sonnette d’alarme. Selon eux, les problèmes de communication en santé rendraient les personnes encore plus malades.
«Un apprenant qui avait du mal à remplir le formulaire pour se mettre sur la liste d’attente d’un médecin de famille a abandonné sa demande», raconte Line Saint-Germain, animatrice en alphabétisation au Centre de ressources éducatives et communautaires pour adultes (CRECA), à Ahuntsic.
Sur la trentaine d’élèves qui fréquentent chaque année le centre, des situations difficiles se répètent.
«On en avait une qui devait envoyer par courriel la carte d’assurance maladie de sa fille pour des soins. Elle ne pouvait pas. C’est sa fille de neuf ans qui lui a fait. Elle en avait honte», souligne Mme Saint-Germain.
Une autre dame inscrite au CRECA avait du mal à renouveler une ordonnance en ligne.
«On n’abandonne pas nos apprenants. On essaye de faire les démarches avec eux, quand c’est possible. Toutefois, dès qu’on rentre dans quelque chose de gouvernemental, nous aussi, on se bute à des difficultés.»
Pour Mme Saint-Germain, ce sont les renseignements personnels, sur le code postal, sur les lieux de soins qui posent problème.
«Ce n’est pas comme quand on le fait pour nous-mêmes. Il n’y a rien de simple», déplore-t-elle.
Elle donne l’exemple de Clic Santé, la plateforme en ligne pour les prises de rendez-vous du système de santé publique.
«Ce que je vois en entrant sur le site, c’est qu’il manque un numéro de téléphone [très visible]», observe-t-elle. Cette alternative doit demeurer même si on plaide pour le virage numérique, selon elle.
Alerte
Pour interpeller le gouvernement, une pétition, signée par des organismes, dont le CRECA, des experts, des chercheurs réunis sous la coalition Communic’Action, doit être déposée à l’Assemblée nationale d’ici la fin du mois par Vincent Marissal, député provincial de Rosemont.
Elle demande la mise en place de mesures concrètes pour que les professionnels de la santé communiquent en langage clair avec la population.
La demande n’est pas seulement celle des organismes. C’est avant tout celle des personnes qui fréquentent les centres d’alphabétisation.
«On a fait une enquête auprès des participants [aux cours d’alphabétisation] dans l’ensemble du Québec. La revendication [portait sur le fait de] continuer à avoir des services en personne, [comme la] prise de rendez-vous en personne ou au téléphone», assure Amélie Bouchard, responsable des projets de «littératie» en santé à La Jarnigoine, [qui signifie Intelligence, talent, débrouillardise], le centre d’alphabétisation de Villeray.
Au moins deux personnes sur trois auraient des difficultés à comprendre et à utiliser l’information en santé au Québec, notamment sur les plateformes web ou mobiles.
«On le voit, le tout numérique, n’est pas fait dans une approche de langage clair», regrette Mme Bouchard.
Les statistiques datent de 2012, ce sont les dernières disponibles. Les plus anciennes datent de 2002. Cependant, Mme Bouchard est persuadée que ces chiffres sont encore valables.
«Il y a deux choses qui me disent que ça ne va pas en s’améliorant. Premièrement, entre les études de 2002 puis 2012, ça ne s’est pas amélioré. Deuxièmement, notre population est vieillissante.»
Plusieurs catégories
Elle précise que les gens concernés se situent dans plusieurs catégories.
«Ce sont les personnes qui ont les plus faibles niveaux de maîtrise de la langue, en général, pas juste en santé. Les personnes faiblement scolarisées, les aînés, celles en situation de handicap, aussi les immigrants allophones», énumère-t-elle.
Pour faire face à la situation, La Jarnigoine assure notamment des ateliers auprès du personnel soignant pour faciliter la communication.
«Cela fait deux ans qu’on donne des conférences ininterrompues et sans faire de publicité. Les gens nous le demandent. Je voudrais faire ma job d’animatrice en alphabétisation, mais [je consacre] trois quarts de mon temps maintenant dans les projets de « littératie » [en santé]», relève Mme Bouchard.
Elle est satisfaite, car les soignants sont sensibles à la cause. Le personnel hospitalier et celui des centres de santé est très motivé.
«Le seul message qu’on veut envoyer [au gouvernement], le [personnel] terrain est prêt à agir parce qu’il se rend compte qu’il perd du temps et de l’argent en n’étant pas bien outillé pour bien communiquer avec les patients», assure Mme Bouchard.
Octobre est le mois de la «littératie» en santé.
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