(Photo : Alain Martineau, JDV)

Alors que la Coalition avenir Québec (CAQ) se fait pour le moins discrète dans la circonscription de Crémazie qui deviendra Maurice-Richard dès le déclenchement de l’élection québécoise du 1er octobre, les autres formations politiques se préparent pour le grand rendez-vous électoral après quatre ans de régime libéral.

La ministre de la Culture et députée sortante de Crémazie, Marie Montpetit (Parti libéral du Québec-PLQ), sollicite un deuxième mandat et, à moins d’un revirement, Frédéric Lapointe (il vient de lancer sa campagne pour l’investiture) sera sur les rangs pour le Parti québécois (PQ).

Sachant que le chef de la CAQ désigne ses candidats, Québec solidaire (QS) devrait donc être la seule formation politique à tenir ce qu’on appelait autrefois une «convention» pour déterminer son porte-étendard.

Question de mettre un peu de piquant en vue de l’assemblée d’investiture qui aura lieu dimanche 29 avril au pub Le brouhaha, les deux candidats déclarés, Haroun Bouazzi et Raphaël Rebelo, ont eu l’occasion de présenter leur programme respectif pour la circonscription jeudi soir dernier, à ce même établissement, où s’étaient entassés une centaine de militants.

Chaque candidat avait trois minutes pour répondre à diverses questions dont leur motivation en politique, leur rôle comme député s’il gagne, ou leur plan pour convaincre les électeurs à opter pour QS. Un match quand même amical.

Nouvelle génération

Les deux candidats de la formation souverainiste de gauche sont représentatifs de bon nombre de cette  nouvelle génération d’hommes et femmes politiques au Québec; motivés à changer le monde, engagés socialement et politiquement dans la société civile, etc.

Les deux, très articulés, sont aussi dans le même groupe d’âge de nos élus des trois paliers de gouvernement.

Haroun Bouazzi, 39 ans, habite au sud d’Ahuntsic, (dans Gouin, la circonscription de Gabriel-Nadeau Dubois) et semble être le candidat de l’ «establishment» de QS.

Ce champion de la lutte contre le racisme systémique et l’islamophobie a cofondé l’Association des musulmans et des Arabes pour la laïcité au Québec (AMAL-Québec).

M. Bouazzi, détenteur d’une maitrise en génie informatique, a entre autres l’appui d’André Frappier qui s’est présenté plus d’une fois pour Québec solidaire dans Crémazie, mais en vain.

Parlant quatre langues, il travaille «pour le fédéral» dans un organisme venant en aide financièrement aux PME.

Arrivé seul au Québec à l’âge de 20 ans, ce  Tunisien d’origine a reconnu avoir mangé des croûtes.

« J’ai vécu à la marge, je sais ce que c’est », dira-t-il aux partisans solidaires,  n’hésitant pas à dénoncer les inégalités sociales et ralliant le programme très à gauche de QS. «Il faut assumer ses choix », a martelé le diplômé de Polytechnique, à ce sujet.

À son avis, le Parti Québécois a fait «mal» au mouvement souverainiste avec sa Charte des valeurs et il pense qu’il y a moyen d’attirer dans la circonscription Maurice-Richard les 35% d’électeurs issus des communautés culturelles dans le projet d’indépendance, car, selon lui, les gens de certains pays (hors-Europe) sont déjà sensibilisés aux questions de libération nationale.

Fatigué quant au débat identitaire ici, il soutient ne pas vouloir embarquer dans ce qu’il appelle «le bain de boue». Outre le PQ, il a aussi dénoncé l’ «austérité libérale» et fustigé la CAQ, « la formation qui rassemble les pires défauts du PLQ et du PQ », dit-il.

Mais philosophe, il a reconnu que la tâche ne sera pas facile pour son parti :

«On a un travail de terrain énorme à faire pour rassembler et convaincre les gens».

Rebelo, le gars du coin

Raphaël Rebelo a pour sa part investi Ahuntsic en 2012, année au cours de laquelle il avait pris part aux nombreuses manifestations du Printemps érable afin de dénoncer les hausses importantes des droits de scolarité sous le gouvernement Charest.

Il avait même créé le groupe «Profs contre la hausse», lui  qui a  commencé à enseigner les mathématiques au Collège Ahuntsic en 2010.

M. Rebelo, 33 ans, nés de parents artistes, cycliste à longueur d’année avec sa jeune famille et adepte du «zéro déchets», veut être «un catalyseur de changement».

Il est d’ailleurs de toutes les luttes sur les plans social et syndical dans le nord de la ville : défense de l’accueil psycho-social au CLSC Ahuntsic, participation au mouvement contre l’austérité ou contre le prolongement de l’autoroute 19 à partir de la 440 à Laval.

Ce spécialiste des mathématiques connait fort bien les jeunes et compte utiliser ce qu’ils aiment, comme Instagram, pour les convaincre d’adhérer aux valeurs de QS.

Pour lui, le combat dans Maurice-Richard se fera contre les libéraux et Marie Montpetit qui dit-il, « vient dans la circonscription seulement quand elle a un chèque à montrer ».

Le jeune candidat affirme avoir rencontré de nombreux citoyens, groupes communautaires, syndicats et élus  municipaux avant de faire le saut en politique active.

Il est d’ailleurs très à l’aise quand vient le temps de parler des enjeux locaux, comme le développement immobilier, qui doit être «public», sur les terrains de Louvain Est.  M.  Rebelo a martelé a plusieurs reprises qu’il tenait mordicus à implanter des assemblées citoyennes, qu’il pourrait tenir même battu…

Contre le privé et la loi 19

Chose certaine, les deux candidats n’ont pas hésité à dénoncer ensemble le sous-financement des écoles publiques, se rangeant pour la fin des subventions aux parents qui envoient leurs enfants dans le privé.

« L’école secondaire Sophie-Barat déborde », a déploré M. Bouazzi alors que son collègue notait son sous-financement tout en parlant des problèmes de vétusté de l’école à vocation scientifique Fernand-Seguin.

Ils souhaitent tous deux que les écoles publiques aient les mêmes moyens que les Mont-Saint-Louis et Regina Assumpta, deux populaires écoles secondaires privées d’Ahuntsic.

Au sujet du prolongement de l’A-19, les deux sont sans surprise sur la même longueur d’ondes.

Raphaël Rebelo estime que la coupe est déjà pleine sur Papineau :

« On va allonger la file », a-t-il averti, craignant comme beaucoup d’autres une hausse appréciable du trafic automobile.

Mais Haroun Bouazzi a admis que ce ne sera pas facile de faire reculer le gouvernement Couillard sur la 19 compte tenu de l’attrait de l’automobile dans la société.

« Il faudra travailler avec les groupes écologiques pour faire reculer Québec  », a-t-il lancé.

Quelque 450 membres de Québec solidaire ont droit de vote au congrès de mise en nomination, dimanche prochain, en après-midi. À suivre.

 



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