Plusieurs résidants d’Ahuntsic-Cartierville, mais aussi de plusieurs autres endroits à Montréal et même d’ailleurs au Québec ont reçu récemment, sans y être abonnés, des copies du journal The Epoch Times, un média pro-Trump en croisade contre le Parti communiste chinois.
Un mystérieux journal
The Epoch Times est un journal multilingue fondé en mai 2000 par John Tang et un groupe de Sino-Américains lié à Falun Gong, un mouvement spirituel que plusieurs qualifient de sectaire.
Le journal possède des éditions locales et un réseau de correspondants dans le monde entier, notamment au Canada.
Il est reconnu pour ses positions d’extrême droite, son soutien à l’ancien président des États-Unis, Donald Trump, et sa propagation d’idées conspirationnistes.
Résidants mécontents
Nombreux sont les résidants d’Ahuntsic-Cartierville à avoir reçu un exemplaire de ce journal. Pour certains, ce n’était pas la première fois. Et plusieurs ne semblent pas apprécier cette livraison non sollicitée, d’autant plus qu’elle partage des positions très controversées, parfois mensongères, voire choquantes.
« J’ai trouvé ça haineux. Ouf! », dit une résidante ayant feuilleté rapidement le journal. — « Je me demandais justement ce que nous pouvions faire, individuellement et collectivement, pour que cette merde cesse d’être distribuée. C’est de la propagande crasse et dangereuse », s’indigne une autre.
À la poubelle directement
La majorité des personnes interrogées par journaldesvoisins.com disent avoir directement jeté le journal au recyclage ou au compost.
Plusieurs se sont même permis de l’humour dans leur réponse.
« J’aurais eu peur de contaminer le compost avec un torchon pareil », répond une citoyenne à une autre disant l’avoir mis dans le fond de son bac à compost.
Certains y ont trouvé d’autres utilités.
« Est-ce bien le journal à saveur conspirationniste? Si oui, il est très utile pour absorber l’eau de nos bottes d’hiver. » — « Je lui ai donné la place qu’il mérite : au fond de la litière! »
Situation préoccupante
Si le journal en a fait rigoler quelques-uns, Xavier Camus, professeur de philosophie au cégep et blogueur spécialisé dans l’analyse du discours d’extrême droite, considère que la distribution de cette publication est préoccupante.
« On parle d’une organisation religieuse controversée qui livre sa propagande directement chez les gens. On y fait de la désinformation à propos de la pandémie et on y véhicule une idéologie proche de l’extrême droite, s’indigne-t-il. En ces temps difficiles où plusieurs personnes sont plus isolées et plus vulnérables qu’à l’accoutumée, il est inquiétant de voir cette secte religieuse – Falun Gong – faire du prosélytisme et conforter des théories conspirationnistes qui prennent déjà trop de place sur les médias sociaux. Ce n’est pas le temps d’en ajouter par la poste. »
Postier suspendu
Un postier employé par Postes Canada à Regina depuis de nombreuses années, Ramiro Sepulveda, a été suspendu trois jours sans solde pour avoir refusé de distribuer The Epoch Times en raison de son contenu qu’il qualifiait « d’ordurier ».
Plusieurs de ses collègues l’ont soutenu et ont décidé eux aussi de ne plus distribuer le journal.
Réponse de Postes Canada
Questionnée à ce sujet par le JDV, Valérie Chartrand, relationniste auprès des médias chez Postes Canada, répond qu’« en tant qu’administration postale du Canada, Postes Canada est tenue de livrer tout envoi que l’expéditeur a payé et bien préparé, à moins qu’il ne soit considéré comme un objet inadmissible. Les tribunaux ont indiqué que le rôle de Postes Canada n’est pas de censurer le courrier ou de fixer les balises de la liberté d’expression au pays. Il s’agit d’une différence notable entre Postes Canada et les entreprises de livraison du secteur privé ».
Réponse du Epoch Times
En réponse au récent tollé généré par la distribution non sollicitée du journal au Canada, The Epoch Times a émis une réponse.
Leur déclaration indique que l’édition récemment envoyée est une stratégie de publicité légale et reconnue pour faire connaître leur journal et augmenter leur lectorat. Des milliers de personnes leur auraient transmis des commentaires positifs.
La déclaration nie toute accusation de publier de la désinformation et de tenir un discours d’extrême droite.
Le média se dit heureux de la position qu’a décidé de conserver Postes Canada dans ce dossier et dénonce tous ceux qui appelleraient à la censure du média.
Les réponses obtenues des résidants d’Ahuntsic-Cartierville révèlent que s’il ne peuvent empêcher la distribution du Epoch Times chez eux, les citoyens peuvent toutefois exercer leur propre censure de façon individuelle en se débarrassant du journal.
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