Saviez-vous que plusieurs anciens ruisseaux, qui coulaient autrefois sur l’île de Montréal à un moment ou à un autre de son histoire, ont tout simplement disparu de l’espace public? L’arrondissement Ahuntsic-Cartierville n’est pas étranger à ce phénomène qui intéresse les chercheurs depuis plus d’un siècle.
Journaldesvoisins.com a joint la professeure adjointe en aménagement à l’École d’architecture de l’Université de Montréal, Valérie Mahaut, l’une des rares spécialistes en rivière urbaine au Québec. Son constat est surprenant: l’île de Montréal aurait perdu près de 82 % de ses ruisseaux en 150 ans. Ces derniers ont été canalisés ou tuyautés, selon Mme Mahaut.
Après avoir consulté plusieurs cartes historiques durant plus de quatre ans, la chercheuse et son équipe ont mis sur pied une série de treize cartes topographiques retraçant les anciens ruisseaux sillonnant l’île de Montréal. Cela dit, Mme Mahaut n’exclut pas la possibilité que de petits ruisseaux n’aient pas encore été répertoriés sur sa carte, car la chercheuse « n’a pas eu l’occasion d’aller dans chaque arrondissement pour obtenir des cartes hyper détaillées ».
Ruisseaux enfouis
Au fil des époques, les ruisseaux ont notamment été enfouis sous terre pour des raisons de sécurité publique, explique Mme Mahaut.
« À l’époque, on jetait un peu tout et n’importe quoi dans les ruisseaux. Forcément, ça devenait des endroits assez insalubres », illustre-t-elle, ajoutant que l’industrialisation est en grande partie responsable de l’enfouissement de plusieurs cours d’eau qui coulaient jadis sur l’île.
Ainsi, dans les moments phares de l’industrialisation, alors que des maladies liées au manque d’hygiène apparaissaient, l’enfouissement des ruisseaux devenait une solution de premier recours, analyse la professeure de l’Université de Montréal.
Mme Mahaut évoque également une évolution de la perception et de la « signification des odeurs » d’un siècle à l’autre.
« Un cours d’eau polluée peut dégager une certaine odeur. Et ces odeurs-là commencent à être de plus en plus gênantes pour la population. »
Enfin, les tracés des anciens ruisseaux nuisaient à la circulation des véhicules, dont le nombre n’a fait que gonfler au fil des années, ajoute la professeure.
Réparation d’un cours d’eau
Dans un article publié le 30 juin dernier, journaldesvoisins.com apprenait que la Ville de Montréal comptait investir 3525 $ dans la « réparation d’un cours d’eau » à l’angle des rues Tolhurst et Fleury Ouest. À la base, les travaux prévoient l’aménagement d’une saillie de trottoir dans le cadran nord-ouest de l’intersection.
Intrigué, journaldesvoisins.com a voulu savoir si cette « réparation d’un cours d’eau » avait un quelconque lien avec l’enfouissement d’un ancien ruisseau. Or, selon les estimations de la professeure Valérie Mahaut, il n’y aurait pas eu de cours d’eau qui passait à l’angle des rues Tolhurst et Fleury Ouest.
L’ex-conseiller municipal dans Ahuntsic-Cartierville, Pierre Lachapelle, explique que la réparation d’un cours d’eau vise la plupart du temps à réparer un problème dans le drainage de l’eau.
Le cas d’Ahuntsic-Cartierville
Selon les estimations de Valérie Mahaut, le principal ruisseau de l’arrondissement était le ruisseau Provost. Avant d’être enfoui, il se jetait dans la rivière des Prairies au nord, environ à la hauteur de la rue Tolhurst, en croisant notamment la voie ferrée.
Le ruisseau Provost aurait ainsi coulé à environ 200 m au sud de l’intersection des rues Fleury et Tanguay, selon une mention de 1934 (tracé turquoise) et une autre de 1909 (tracé vert clair, mais peu fiable), mentionne Mme Mahaut dans un extrait de carte commentée qu’elle a fait parvenir au journaldesvoisins.com.
Un plan du début du 20e siècle et « de meilleures précisions » (en bleu clair sur la carte) indiquent que ce ruisseau passait à 600 m plus au sud de l’intersection Tolhurst et Fleury, ajoute Mme Mahaut.
Cette position est confirmée par deux cartes encore plus anciennes: celle de Hopkins de 1879 (tracé brun), et celle de Adams en 1904 (tracé pistache).
Il y avait également un ruisseau qui passait au travers de la Carrière St-Michel, et qui se frayait un chemin jusqu’à la rivière des Prairies.
Rouvrir les ruisseaux au grand jour?
Gare à l’idée de remettre à ciel ouvert des ruisseaux canalisés pour amasser les eaux de pluie, prévient la spécialiste en rivière urbaine. Selon certains, cette initiative permettrait d’améliorer le système d’assainissement de la Ville de Montréal, qui est parfois déficient. Mais Mme Mahaut n’est pas du même avis.
« Le lit dans lequel les ruisseaux coulent, sans doute des tuyaux, est profondément enfoui. Il ne faudrait pas se retrouver avec des fossés, où les gens pourraient être incités à jeter des déchets, dit-elle. Et on ne peut abattre des bâtiments pour remettre des ruisseaux là où ils étaient à l’origine », conclut Mme Mahaut.
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Quand j’étais adolescent à Ville St-Laurent, il y avait près de chez-moi, entre les deux travées du (bien nommé alors) Boulevard du Ruisseau, un ruisseau qui coulait à l’air libre. On pouvait également en voir certains tronçons dans un espace vert à l’ouest du Boul. O’Brien. Je crois qu’il s’agit du ruisseau Raimbault.
Est-ce que les travaux de Mme Mahaut sont disponibles au grand public?
Bonjour,
Voici un lien qui mène à certains travaux de Mme Mahaut sur les ruisseaux.
ici
Si cela ne fonctionne pas, essayez ce lien :
On enlève des bâtiments pour faciliter les transports pourquoi pas pour faire renaître la vitalité de notre Venise perdue !
Pour le Journal des Voisins; en passant vous avez oublié un S à articleS ! 🙂