La végétation du Bois-de-Saraguay est identique à ce qu’elle était il y a 4 siècles. Photo : Archives / JDV

Il y a une histoire de l’engagement citoyen à Ahuntsic-Cartierville. Et, comme toute histoire, elle est jalonnée de succès et d’échecs.

Le JDV a sélectionné sept exemples du passé récent.

Le Bois-de-Saraguay, sauvé de l’oubli et du béton

Aujourd’hui protégé, le parc naturel du Bois-de-Saraguay a bien failli disparaître sous le béton. Témoignage vivant du paysage montréalais à l’époque où Samuel de Champlain s’y est arrêté lors d’un de ses voyages d’exploration, en 1615, ce boisé de 97 hectares a pu échapper au défrichage durant des siècles malgré son emplacement en bordure de terres agricoles exploitées dès le 17e siècle par les Sulpiciens.

En 1977, des résidents découvrent que le terrain est à vendre. Ils forment alors le Comité pour la mise en valeur du Bois-de-Saraguay. Jocelyne Leduc-Gauvin et d’autres voisins s’opposent aux projets de tours d’habitation qui menacent de rares espèces, comme l’érable noir, le chêne bicolore ou le micocoulier.

Le comité mobilise chercheurs, médias et organismes. En 1980, une consultation publique est organisée. L’année suivante, Québec classe le site « arrondissement naturel ». En 1984, il devient parc régional.

Mais la victoire est incomplète. Un projet de mise en valeur promis par les autorités est abandonné, et le bois est fermé au public. En 2009, la mobilisation reprend, et après une décennie de pression citoyenne, les travaux d’aménagement débutent enfin avec un budget de 2,5 millions de dollars. Cela dit, trois sentiers permettant aux marcheurs d’explorer cet espace vert, véritable vestige de la nature montréalaise originelle, avaient déjà été tracés en 2017.

Placette au bout de la rue Fort-Lorette. Photo : Archives / JDV
Une promenade qui fait réfléchir

Profitant d’un chantier pour la rénovation du mur de soutènement en amont du barrage Simon-Sicard d’Hydro-Québec sur la rivière des Prairies, huit résidents ont proposé l’aménagement d’une promenade riveraine. Leur projet, la promenade du Sault, aménagée le long des 1,3 km du mur, permettrait l’accès à l’eau.

La compagnie d’électricité avait renforcé trois sections de son infrastructure entre 2018 et 2019. Un enrochement massif, effectué en urgence et sans consultation, avait surpris les riverains, qui ont alors découvert un site fait de pierres grises qui bloquait complètement l’accès à l’eau.

De correspondance en consultation publique, de réunions en discussions, l’idée a fait son chemin même si la réalisation de la promenade dans sa totalité demeure encore hypothétique. L’initiative citoyenne a néanmoins permis de réfléchir autrement à des travaux d’infrastructures dans un milieu naturel urbain.

L’aménagement de la promenade du Sault figure dans le programme local de Projet Montréal. Les élus provinciaux et fédéraux ont également apporté leur appui à l’idée.

Hydro-Québec a aménagé une placette au bout de la rue Fort-Lorette, et une première promenade d’un peu plus d’une centaine de mètres permet de déambuler de la placette jusqu’au barrage, derrière l’église de la Visitation.

Les mesures d’apaisement de la circulation sont inscrites dans l’action courante de l’arrondissement. Photo : Archives / JDV
Un comité pour apaiser la circulation

Le Comité de circulation de Cartierville a été créé en 2009 par une poignée de citoyens qui luttaient pour l’apaisement du trafic automobile dans les quartiers résidentiels à proximité des autoroutes 15 et 13.

Ce regroupement informel – qui n’existe plus aujourd’hui – luttait contre la circulation de transit, un problème urgent de sécurité routière pour les résidents de Cartierville. Il se battait aussi pour réduire le trafic sur les rues, devenues des autoroutes. Il formulait des demandes et des requêtes, prenait la parole devant les élus, et rédigeait des cahiers de doléances qu’il adressait à toutes les instances concernées. En répétant inlassablement ces revendications, les actions portaient fruit ou du moins poussaient les autorités à agir.

En 2014, l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville avait consacré un budget global de 64 970 $ pour la réalisation des diverses mesures d’apaisement de la circulation. En 2015, la dépense globale était en hausse et avait atteint 74 383 $.

En 2017, des ralentisseurs étaient posés sur la rue Jean-Bourdon pour décourager les automobilistes qui voulaient gagner quelques secondes en empruntant les rues résidentielles à proximité des ponts des autoroutes 15 et 13 ainsi que du pont Lachapelle.

Aujourd’hui, l’apaisement de la circulation n’est presque plus une question. C’est devenu une évidence.

La façade de la Maison du peintre aujourd’hui. Photo : Philippe Rachiele /JDV
Sauver le patrimoine

La mobilisation citoyenne qui s’organise dans le cadre d’une consultation publique réglementaire peut servir à préserver le patrimoine.

Lorsque le propriétaire d’une maison patrimoniale, certes en mauvais état, a décidé de la démolir et de construire une nouvelle demeure plus moderne, il a fait face à la levée de boucliers des citoyens. Ils étaient animés par la volonté de préserver cette perception très particulière que l’on a lorsqu’on se promène dans le vieux village du Sault-au-Récollet.

La Maison du peintre, qui était la demeure du peintre et sculpteur automatiste André Turpin, était vouée à disparaître. Bâtie dans les années 1920, elle était l’une des seules à Montréal à être construite selon le style d’architecture Boomtown. Elle témoignait du début de la période ouvrière sur le boulevard Gouin et à Montréal.

Prêtée à André Turpin par un mécène, elle avait été laissée à l’abandon. Irrécupérable, elle avait été démolie au début de 2015. Plusieurs débats ont eu lieu alors entre résidents et élus d’Ahuntsic-Cartierville.

Face aux désirs du propriétaire, qui agissait certes de bonne foi, le Comité consultatif d’urbanisme de l’arrondissement se rangeait aux arguments des citoyens et recommandait de construire la façade du nouvel édifice à l’identique. Une démarche qui permit de préserver la trame paysagère du quartier.

Le projet Terra Nostra dans l’écoquartier Louvain est tel qu’imaginé par les architectes. Photo : Courtoisie SDA
Les espoirs du site Louvain Est

Il n’y a plus aucun doute : 800 à 1000 logements sociaux et communautaires seront construits sur le site de l’écoquartier Louvain Est.

Aujourd’hui, en cours de développement, le projet est l’aboutissement d’une longue mobilisation communautaire. Depuis 2007, des organismes locaux lorgnaient cette ancienne cour de voirie de la Ville. Lorsqu’en 2009 on annonça la fermeture des services municipaux et des laboratoires de matériaux installés sur place, la porte était ouverte pour transformer le terrain en nouveau quartier.

Alors que tous les espoirs étaient permis, en 2017, cela a failli ne pas avoir lieu. La Ville de Montréal avait enfin désaffecté la cour de voirie, et l’administration de l’époque du maire Denis Coderre y voyait une opportunité d’investissement – une vente au plus offrant, avec une possibilité de 30 % de logements sociaux. Le milieu communautaire plaidait plutôt pour une coréalisation avec la Ville et voulait consacrer le terrain à du logement locatif abordable.

En 2019, l’administration de Projet Montréal promettait de jouer un rôle actif dans la planification du développement immobilier projeté avec la mise sur pied du bureau de projet partagé. Le terrain de 7,7 ha a été finalement réservé à un développement immobilier à vocation sociale, et le milieu communautaire participe à l’élaboration du projet. La construction du premier ensemble immobilier de 323 logements par la Société de développement Angus a été lancée cet été.

L’entrée de la petite mosquée sur la rue Legendre. Photo : Archives / JDV
Une mosquée, mais pas dans ma cour

La petite mosquée de la rue Legendre fait partie de ces épisodes regrettables dans l’histoire contemporaine d’Ahuntsic-Cartierville.

Aménagée discrètement en 2014, dans les locaux d’un vieux restaurant incendié, il fallait, deux ans plus tard, une autorisation d’usage pour la maintenir dans une zone résidentielle. Dès lors, une vive opposition de membres du voisinage s’était manifestée. Des riverains s’étaient mobilisés pour refuser le lieu de culte musulman dans leur quartier.

Les raisons invoquées tenaient aux difficultés de stationnement et aux problèmes de circulation engendrés par la fréquentation de la mosquée. Pourtant, durant les deux années d’activité de l’établissement, peu de plaintes avaient été formulées à ce sujet.

Le processus réglementaire a abouti à la tenue d’un référendum qui a donné raison aux opposants à la mosquée. À l’époque, le conseiller de Saint-Sulpice, Pierre Desrochers, a souligné que le processus démocratique pour refuser la dérogation s’était déroulé dans les règles de l’art. Il soulignait aussi que le verdict rendu attristait les usagers du lieu de prière, et appelait tout le monde à mieux se connaître pour éviter la polarisation.

Sans doute faute d’une mobilisation citoyenne efficace, les usagers de la mosquée, des immigrants récents peu habitués aux règles de fonctionnement locales, se sont retrouvés seuls devant l’adversité. Finalement, c’est une mosquée qui a été interdite et le vivre-ensemble qui a été brimé.

Le plan du PPU Henri-Bourassa Ouest. Photo : Courtoisie arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville
Le PPU Henri-Bourassa Ouest, ou le couac de l’histoire

Le Plan particulier d’urbanisme (PPU) Henri-Bourassa Ouest, jugé « désuet » dans les documents décisionnels de l’arrondissement, est le fruit d’une grande mobilisation citoyenne. En 2012, un projet de 8 tours de condos totalisant 932 logements sur l’ancien site des garages du ministère des Transports du Québec (MTQ), près de la prison pour femmes Maison Tanguay, avait suscité une vive opposition. Le Comité pour un développement équilibré d’Ahuntsic Ouest, avec le slogan « stop la démesure », avait réclamé un droit de regard sur le développement du site de plus de 40 000 m².

L’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) a tenu une consultation publique, et sur les 124 mémoires déposés, seuls 4 étaient favorables au projet. Puis, la fermeture de la prison Tanguay et du Loblaws, le déménagement éventuel de la SAAQ et la possible désaffection de la prison de Bordeaux ont élargi le périmètre. Ce qui rendait opportune l’élaboration du PPU. Une fois adopté en 2016, celui-ci limitait les hauteurs, définissait les usages et réservait des espaces pour une école et un parc.

Aujourd’hui, un nouveau projet de tours sur l’ancien site du Loblaws et la reconstruction de la prison ont effacé le PPU, et la zone est devenue un secteur d’opportunité dans le cadre du Plan d’urbanisme et de mobilité (PUM) de la Ville de Montréal.

Ce texte a été publié dans la version papier du JDV du mois d’octobre.



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