Le Village Scalabrini, dont le Journal des voisins vous présentait exclusivement l’ouverture au communautaire hier, a nécessité les efforts de nombreux acteurs pour sa construction. Le projet immobilier, exempté de taxes municipales et d’impôts, intrigue sur sa rentabilité et la destination de ses recettes, reversées dans la mission internationale de l’organisme de charité.
Idéalement situé à l’angle de la rue Sauriol Est et de la rue Millen, le Village Scalabrini est un projet immobilier mené par les Missionnaires scalabriniens, un organisme de charité multinational implanté dans 32 pays sur 5 continents et dont le siège social est au Vatican. L’organisation est divisée en 8 grandes provinces dans le monde entier.
La construction a été menée sur trois années consécutives, en partenariat avec le groupe Malo et le courtier immobilier Nancy Forlini de RE/MAX Solutions. Les travaux ont nécessité la décontamination totale du terrain, et ainsi retardé la finition de l’église Santa Rita, qui reste encore aujourd’hui en construction partielle.
Humà Design + Architecture, cabinet d’architecture, a participé à cette construction ambitieuse, dont les lignes viennent subtilement s’agencer dans leur environnement : les pierres proviennent du presbytère de l’église, maintenant détruit, et rappellent ainsi l’architecture de l’ancienne paroisse, mais aussi celle de l’école Fernand-Seguin.
Le projet a donc été commandité par les Missionnaires scalabriniens, qui ont acheté le terrain en 2002 à l’archevêché de Montréal pour une modique somme de 300 000 $ : à hauteur de 100 000 $ en comptant et 200 000 $ payables en dix ans (et dont la dette a été réglée dans son entièreté en 2012).
Un financement américain
Les Missionnaires scalabriniens fonctionnent par provinces : Montréal est comprise dans la division de l’ensemble de l’Amérique de l’Est, dont le siège social se trouve à New York.
Comme toutes les grandes firmes internationales, la communauté religieuse pratique l’interfinancement entre toutes ses filiales. Les ressources financières des Scalabriniens circulent donc constamment d’un pays à l’autre, dans le monde entier.
C’est donc bien le siège de New York qui a financé la construction du Village Scalabrini dans l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville, sous forme de prêt assimilable à une hypothèque.
Rentabilité
Aujourd’hui inscrit au rôle d’évaluation foncière, l’immeuble du 655, rue Sauriol Est aurait une valeur de 4 283 100 $ dont la valeur imposable est de 0 $, par la nature d’organisme de charité des Missionnaires scalabriniens. Les bâtiments religieux (église, synagogue, mosquées et temples) sont en effet exemptés de taxes municipales selon l’article 204-8 de la Loi sur la fiscalité municipale.
Questionné à ce sujet, le Padre Giuseppe Fugolo, trésorier de la communauté scalabrinienne, explique que ce montant ne représente que la valeur de l’église. Les travaux menés pour construire le Village Scalabrini, un projet de 51 logements réservés aux 55 ans et plus, auraient coûté « bien plus cher », selon l’instigateur du projet.
L’agence du revenu du Canada et Revenu Québec reconnaissent eux aussi la communauté religieuse comme un organisme de bienfaisance enregistré (OBE). Les Missionnaires scalabriniens bénéficient donc également d’un avantageux retour de 50 % des taxes TVQ et TPS sur la construction.
Les logements du Village Scalabrini sont des 3 ½, 4 ½ et 5 ½ dont les loyers varient de 900 $ à 2000 $ par mois. Les appartements sont loués au prix du marché et ne seront pas exempts d’augmentation au fil du temps. Ils devraient ainsi rapporter à la communauté scalabrinienne entre 600 000 $ et 800 000 $ par an. À ces bénéfices s’ajoutent d’autres petits revenus, tels que la location de leurs salles d’activités dans l’église.
Les dépenses quant à elle restent classiques à tout édifice (électricité, chauffage, assurances, réparations, conciergerie, etc.) et s’ajoutent au remboursement du prêt au siège social de New York par les Missionnaires scalabriniens de Montréal. Des événements prendront également place ponctuellement dans l’église, à l’occasion par exemple des fêtes religieuses, et représenteront eux aussi une dépense pour l’organisme.
Répartition des richesses
Il ne fait donc aucun doute que le siège social de New York, dont dépend la communauté montréalaise, ait compris tout l’intérêt financier du projet immobilier pour la mission scalabrinienne, avant de l’appuyer et de le financer. Le projet a aussi été approuvé par le Vatican.
Si une partie des bénéfices des loyers sera utilisée pour le maintien de l’église, la majorité sera réimplantée dans les missions scalabriniennes dans le monde entier.
Rosaria Monaco, coordinatrice du centre des services scalabriniens aux immigrants, assure que les recettes serviront en effet à l’aide internationale (en Haïti, au Vietnam, en Afrique ou en Amérique du Sud, par exemple), mais qu’«une part des retombées servira à la mission scalabrinienne au Canada» également.
Les revenus provenant des pays riches servent ainsi à financer les œuvres scalabriniennes d’un pays plus pauvre. Les communautés américaines sont elles aussi nombreuses et prospères. Elles ont par ailleurs lancé le modèle de Village Scalabrini : un projet immobilier dont les recettes servent à la mission humanitaire de l’organisme de bienfaisance.
Ces Villages ou Villas Scalabrini, présentes partout sur la planète, sont des résidences de vie pour les personnes âgées autonomes. Elles servent également de maisons de retraite pour les vieux pères scalabriniens.
Ici à Ahuntsic-Cartierville, c’est le Père Giuseppe Fugolo qui en sera le premier bénéficiaire, et par ailleurs le seul : manquant de prêtres à Montréal, ce sont finalement des personnes âgées autonomes qui vivront majoritairement au 655, rue Sauriol Est, dont les logements sont presque tous loués à l’heure actuelle.
Le Village de Montréal se différencie de ses cousins à l’étranger par sa mission communautaire qui rouvrira bientôt au sein de l’église Santa Rita, comme le Journal des voisins vous en faisait état hier.
Cette enquête a été réalisée en collaboration avec Jean Paul Dubreuil, recherchiste.
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