laurentien-dscf0385
Le boulevard Laurentien pour lequel aucune voie cyclable n’est prévue après des travaux de 30M$ (Photo : Philippe Rachiele)

Dans la foulée de la série noire d’accidents impliquant des cyclistes, dont certains ont perdu la vie, après des collisions, notamment avec des poids lourds, la Ville de Montréal se décide à réagir et adopte la Vision Zéro Accident, mise de l’avant en Suède, et qui consiste à repenser la circulation et la structure de la trame urbaines pour assurer la protection des plus vulnérables que sont les piétons et les cyclistes. Tout un défi…culturel en fin de compte.

Comme les Ahuntsicois et les Cartiervillois ont pu le constater, mettre en place ici même dans Ahuntsic-Cartierville la Vision Zéro Accident telle qu’annoncée par le maire Coderre pose déjà un défi difficile à surmonter : les réfections importantes de la rue Papineau et du boulevard Laurentien déjà prévues pêchant par excès de timidité ou par déni des cyclistes, selon les divers regroupements de cyclistes, dont Ahuncycle et Vélo Québec.

Penser avant de faire du neuf

Marc Jolicoeur, directeur de la recheche à Vélo Québec, note l’absence de voies cyclables dans des projets de réfection actuels ou à venir de la rue Papineau, dans Ahuntsic, et du boulevard Laurentien, dans Cartierville.  Les deux artères, Papineau et Laurentien, laissent passer une importante circulation de transit dans Ahuntsic-Cartierville, d’autant plus dangereuse pour les gens en transport actif.

Les travaux sur Papineau sont déjà en cours tandis que ceux prévus sur Laurentien ne seront pas entrepris avant un an, ayant été retardés. « Dans ces deux artères, signale M. Jolicoeur (NDLR : à la fin des travaux), les cyclistes seront obligés d’emprunter les voies réservées aux autobus, mais seulement aux heures de pointe dans une direction le matin, et dans l’autre le soir », indique-t-il. Toutefois, les voies réservées aux autobus sont également prévues pour accueillir les voitures en stationnement en-dehors des heures de pointe. Donc, quid des cyclistes?

De son côté, Ahuncycle, regroupement de cyclistes d’Ahuntsic-Cartierville, croit qu’il aurait fallu se saisir de l’occasion pour penser aussi « cyclistes », faute de quoi on trahit l’essence même de Vision Zéro Accident qui inclut automatiquement les cyclistes sur les grandes artères. « C’est une belle occasion ratée que de ne pas faire dès maintenant à très peu de coût des pistes cyclables protégées lors de la réfection sur Laurentien/Lachapelle et Papineau car cela va coûter beaucoup plus cher de tout refaire dans dix ans », dit Jean-Pierre Sylvain du groupe de transport actif Ahuncycle.  « Tout comme pour les automobilistes, les cyclistes privilégient les liens directs plutôt que les détours qu’on veut les obliger à prendre » ajoute-t-il.

Solutions de pis-aller

Sur Papineau, donc, en-dehors des heures de pointe, les cyclistes devront utiliser la rue au même titre que les voitures et camions quand les voies réservées aux autobus seront remplies d’autos en stationnement. Aux heures de pointe, s’ils ne veulent pas rouler de concert avec le trafic automobile en transit qui se déplace rapidement sur l’artère, l’alternative consistera pour les cyclistes à emprunter les trottoirs pour assurer leur sécurité, trottoirs que l’administration municipale a prévu d’élargir de façon marquée dans son projet de réfection. Toutefois, il est possible que l’utilisation des trottoirs, même agrandis, par les cyclistes risquent fort de déplaire aux piétons. D’autres « chicanes » en perspective?

Par ailleurs, sur Laurentien, outre l’utilisation des voies réservées aux autobus en-dehors des heures de pointe, si les cyclistes ne veulent pas rouler avec le trafic automobile, le projet de réfection d’origine prévoit qu’ils devront transiter par la rue Cousineau, une rue résidentielle, loin des commerces, trajet qui rallongera d’autant leur transport actif, une solution de pis-aller qui a suscité une levée de boucliers au sein même du regroupement d’utilisateurs de vélo de l’arrondissement, Ahuncycle, à la présentation du projet.

Beaucoup d’argent en jeu

Tous ces projets coûtent beaucoup d’argent. Le budget prévu pour la réfection actuellement en cours de la seule rue Papineau est de l’ordre de 22M$; celui qui est prévu pour Laurentien est de 30M $. Rien de spécifique aux cyclistes adeptes du transport actif pour se déplacer n’a été pensé dans ces deux projets alors que c’est précisément ce à quoi correspond le programme Vision Zéro Accident tel que l’ont conçu, à l’origine, les Suédois.

Ce qui revient à dire qu’Ahuntsic-Cartierville, et Montréal, ont un long chemin à faire pour devenir un arrondissement et une métropole vraiment bike friendly, à l’instar de Stockholm.  Vélo Québec estime que cette nouvelle initiative est en elle-même « une excellente nouvelle dans le sens qu’à l’avenir, les politiques de la Ville devront être justifiées en fonction de cette Vision Zéro », dit Marc Jolicoeur.  Il affirme qu’il y a des résistances au changement à vaincre et souligne, parmi les nombreuses recommandations formulées par Vélo Québec, la nécessité de bien desservir le centre-ville et de s’attaquer à la question de la sécurité des cyclistes lors du franchissement des barrières aux autoroutes et aux voies ferrées ».

Ce qui est prévu

Des mesures telles que la révision du plan de camionnage et la limitation de la vitesse à 30km/h dans les rues résidentielles et à 40 km/h sur certaines artères sont parmi les mesures-phares de la nouvelle stratégie Vision Zéro Accident pour tout Montréal, présentée le 14 septembre par le maire Denis Coderre en compagnie des responsables du transport de la Ville.

L’arrondissement Ahuntsic-Cartierville pourra certes profiter de ces nouvelles limitations de vitesse au moment de leur implantation. Reste à voir comment cela se traduira véritablement dans les faits. L’administration Coderre promet également d’installer d’ici la fin de 2017, 76 intersections munies de nouveaux feux à piétons à décompte numérique, 67 intersections sécurisées et 57 passages inférieurs avec des mesures de sécurité additionnelles. La Ville annonce, aussi, la mise en place de 100 SAS Vélos.

Interrogé par journaldesvoisins.com, sur le contexte de la mise en œuvre de ce plan et ses principaux apports, Marc-André Gadoury, responsable du dossier vélo à la Ville, évoque l’essor actuel du transport actif. « Un déplacement sur cinq se fait à pied ou à vélo », indique-t-il, affirmant que Montréal est bien placé pour assurer « un leadership dans le futur réseau des villes canadiennes qui adoptent la Vision Zéro Accident ».

Des mesures concrètes?

Au chapitre des mesures concrètes, le responsable du dossier vélo de Montréal met l’accent sur l’effort en vue de l’harmonisation de la limitation de la vitesse sur tout le territoire de la métropole et souligne la mise à contribution des représentants associatifs, notamment l’association du camionnage du Québec pour s’attaquer à la question de la circulation des poids lourds en ville.  « Le changement de culture espéré passe par des mesures concrètes », estime M. Gadoury. Il cite en exemples l’ajout d’arrêts aux intersections pour permettre aux piétons, et surtout les plus vulnérables, de traverser en sécurité.

Long chemin à faire !

Du côté de l’Opposition officielle, on indique que le nouveau plan est « une reprise d’annonces déjà faites dans le Plan de transport 2008 et qui n’ont jamais été réalisées ». Parmi les nombreuses critiques adressées par l’Opposition, notons celle relative au camionnage. À ce propos, Projet Montréal estime que « la Vision Zéro n’apporte pas de solution » et rappelle que le Plan de 2008 avait annoncé des mesures relatives à « la grosseur des camions, les routes de camionnage et les heures de livraison ». « Huit ans plus tard, rien de tout cela n’a été fait », constate l’Opposition. Ce parti dresse un bilan « décevant » de l’actuelle administration en matière de protection des pistes cyclables. « La Ville n’est même pas capable de sacrifier quelques places de stationnement pour sécuriser une piste cyclable », martèle le chef intérimaire de cette formation, Luc Ferrandez.

Pour en savoir plus sur la vision Zéro Accident, cliquez ici.

(Avec la collaboration de Christiane Dupont et Philippe Rachiele)



Restez informé

en vous abonnant à notre infolettre


Vous appréciez cette publication du Journal des voisins? Nous avons besoin de vous pour continuer à produire de l’information indépendante de qualité et d’intérêt public. Toute adhésion faite au Journal des voisins donne droit à un reçu fiscal.

Nous recueillons des données pour alimenter nos bases de données. Pour plus d’informations, veuillez vous reporter à notre politique de confidentialité.

Tout commentaire sera le bienvenu et publié sous réserve de modération basée sur la Nétiquette du JDV.

S'abonner
me prévenir de
guest
0 Commentaires
Les plus vieux d'abord
Nouveau d'Abord Avec le plus de votes
Commentaires en ligne
Voir tous les commentaires
Vous pourriez aussi aimer ces articles

Trois ans encore avant de faire place nette dans Saraguay

Après plusieurs années d’attente et de mois de travaux, trottoir, piste cyclable,…

Où est passée la place pour personnes handicapées?

Une lectrice du Journal des voisins (JDV), qui souhaite garder l’anonymat, nous…

Première balade de vélo d’hiver pour la cohorte de la subvention de 2023-2024

Une cinquantaine de personnes, adultes et enfants, n’ont pas eu froid aux…

Le transport collectif au cœur des enjeux climatiques dans nos quartiers

Cet article est tiré du numéro de la rentrée du Journal des voisins (version…