Éric Bussière, propriétaire de la cordonnerie Kelly. (Photo: Toma Iczkovits, collaboration spéciale)

La cordonnerie Kelly, située au 140 boulevard Henri-Bourassa Est, se cherche un nouveau local dans l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville. Une augmentation salée sur le loyer, doublée par les travaux annoncés du Projet Henri-Bourassa force le commerce à se relocaliser.

L’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville risque bien de perdre l’un de ses plus vieux commerces. Ouverte depuis 1939, la cordonnerie Kelly est forcée de quitter son fief, le boulevard Henri-Bourassa (anciennement appelé boulevard Kelly, d’où elle tire son nom).

Éric Bussière, propriétaire de la cordonnerie, vient d’apprendre l’arrivée d’une augmentation fatale de son loyer. L’addition s’élève en effet à plus de 12 000 $ supplémentaires, par année.

Un coup de grâce pour le commerce qui subit déjà de nombreux enjeux, comme les coûts de production et de marchandise qui augmentent depuis le début de la pandémie.

Un départ confirmé

En outre, la négociation n’est pas envisageable pour le commerçant qui travaille là depuis près de quarante ans. «Je vois mal une entente dans l’avenir où on pourra rester sur un pied d’égalité dans la négociation», confie-t-il au Journal des voisins (JDV), affirmant préférer ne pas renouveler son bail, qui s’arrête au 31 décembre 2023.

«L’augmentation est tellement élevée que je me suis dit qu’il n’y avait aucun moyen de ramener ça à un niveau raisonnable. Pour moi, il s’agirait du quart de l’augmentation, voire moins», soupire Éric Bussière.  

D’ici la fin 2023, c’est donc de nombreux souvenirs que le propriétaire de la cordonnerie doit mettre au placard. Son père avait acheté la cordonnerie en 1972, et commencé à former son fils dès la fin des années 1980 avant de lui léguer l’affaire.

Pour la clientèle, c’est avec panique et tristesse qu’elle reçoit la nouvelle. Chacun vient confier ses souvenirs du commerce à Éric Bussière. Pour certains, c’est même un chapitre de vie qui se ferme: voilà 60 ans qu’ils viennent ici faire réparer leurs biens.

Nouveaux propriétaires, mêmes problèmes

Éric Bussière témoigne n’avoir jamais eu d’enjeux d’augmentation de loyer avec les anciens propriétaires, représentant même «une valeur sûre» à leurs yeux, de par son ancienneté et sa fiabilité pour payer le loyer. Le bail se renouvelait automatiquement chaque année.

Or, à la suite d’un double meurtre survenu sur place en 2020, l’immeuble est vendu. Le bâtiment, constitué de huit baux commerciaux au rez-de-chaussée et d’une quinzaine de logements au deuxième, voit arriver de nouveaux propriétaires en 2022. Les problèmes, eux, subsistent.

«Des dégâts d’eau, j’en ai eu entre 12 et 15 dans la dernière année seulement», témoigne Éric Bussière. Il parle d’une bâtisse problématique notamment par des soucis de locataires irrespectueux au deuxième étage.

Vitres cassées, vandalisme et fumée de cigarette qui descendent dans sa boutique et créent un impact négatif sur sa clientèle… la liste est longue. Les propriétaires, eux, restent difficiles à joindre. Sa voisine, qui venait d’ouvrir boutique, est elle aussi forcée de mettre la clé sous la porte après une augmentation de loyer de 65 %.

 

Éric Bussière, propriétaire de la cordonnerie Kelly. (Photo: Toma Iczkovits, collaboration spéciale)

Projet Henri-Bourassa

Par ailleurs, l’administration Plante entame sous peu les travaux de son projet Henri-Bourassa, un couloir de 1,5 km dédié à la mobilité durable. En prévision: une cohabitation entre un axe du Réseau express vélo (REV) et un axe du Service rapide par bus (SRB) avec deux voies réservées aux voitures de chaque côté.

À Ahuntsic-Cartierville, les travaux débuteront dès 2024 pour la portion entre la station de métro Henri-Bourassa et le cégep Bois-de-Boulogne. Le projet, mené par la Ville de Montréal et la STM, laisse peu, voire pas, de place au stationnement.

Éric Bussière déplore le projet d’une piste cyclable sur Henri-Bourassa, alors qu’une piste est-ouest, plus sécuritaire, existe déjà sur le boulevard Gouin Est. Il redoute de perdre sa clientèle avec la perte du stationnement, qu’il qualifie déjà de «très compliqué» sans la présence de parcomètres.

«C’est venu mettre des clous dans le cercueil du commerce. Même si j’avais eu à négocier le bail… sachant que les travaux arrivent avec leur lot d’enjeux, j’aurais juste fait faillite plus tard», déclare-t-il au JDV. 

Il explique par ailleurs n’avoir pas été informé de la réunion d’information du 15 juin aux Jardins Millen, à l’instar de nombreux commerces sur Henri-Bourassa.

La cordonnerie Kelly fermera donc les portes de son local à la fin de l’année 2023. Elle gardera son nom et son histoire, et cherche activement un nouveau lieu où elle puisse élire domicile. Éric Bussière souhaite rester dans l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville, où demeure le plus gros de sa clientèle.



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Isabelle Léveillée
Isabelle Léveillée
1 Année

Bonjour Madame Vanderschelden,
Merci d’avoir écrit cet article qui décrit très bien la problématique à laquelle fait face la cordonnerie Kelly. J’utilise très souvent les services d’Éric Bussière car il fait un travail impeccable. J’espère que cette sensibilisation à son histoire va lui permettre de se créer des contacts qui vont l’amener à se trouver rapidement un local abordable tout près dans le quartier. Bonne journée.

sylvain bruneau
sylvain bruneau
1 Année

On construit beaucoup de condos sur des rues commerciales comme le Blvd St-Laurent. Il serait simple d’avoir un règlement pour que le 1er étage soit réservé aux commerces de quartier. Ça se fait partout en Europe et ça permet de conserver des locaux commerciaux moins dispendieux tout en intégrant dans le milieu urbain des commerces de commodités. C’est pratique, efficace et écologique. Mais l’administration municipale n’est pas très proactive en ce sens. On densifie mais sans intelligence. C’est la même chose pour les espaces verts inexistants sur la rue St-Laurant malgré le changement de vocation de biens des immeubles de vocation commerciale à résidentielle. Je souhaite que la la cordonnerie Kelly se trouve un local quelque part sur Flo ou la promenade Fleury.

Pépin, Marie Louise
Pépin, Marie Louise
1 Année

Merci également, pour cet article Madame Vanderschelden !
Ma famille fréquente cette cordonnerie depuis plus de 50 années. Un métier noble depuis la nuit des temps, un commerce essentiel qui fait partie de l’histoire du quartier et qui nous permet, entre autres, de lutter contre l’obsolescence.
Je souhaite sincèrement à Monsieur Bussières de trouver un autre local.
Solidairement

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