Philippe Durocher, orthésiste et propriétaire du Laboratoire Bergeron, dans l’atelier de confection de prothèses et d’orthèses. (Photo: François Robert-Durand, JDV)

«Se sentir bien dans ses baskets» ou, au contraire, «être dans ses petits souliers»: la langue française semble accorder beaucoup d’importance à la manière dont nous sommes chaussés. Et si le bien-être passait effectivement par nos pieds? Rencontre avec Philippe Durocher, orthésiste, président et directeur du Laboratoire Bergeron depuis 20 ans.

Cet article est paru dans la version imprimée du Journal des voisins,
le Mag papier de juin-juillet 2023, à la page 29.

Face à l’étalage de souliers en vitrine, on s’imagine d’abord une simple boutique de chaussures. Puis, en entrant, on remarque bientôt de longues rangées de dossiers colorés derrière le comptoir. Chaque pochette intercalaire représente l’histoire d’un client, et ces histoires s’empilent là depuis des années. Au Laboratoire Bergeron, boulevard Henri-Bourassa Est, tout est pensé pour le confort.

On le voit dans le choix de matériaux extensibles des chaussures ou dans le large éventail de tailles qui dépassent souvent ce qu’on trouve dans le commerce. Il y a aussi un rayon rempli d’objets conçus pour aider le corps dans ces mouvements quotidiens: immobiliser un genou, répartir des tensions sous le pied, créer de nouveaux appuis.

Ces objets sont des orthèses et se déclinent de nombreuses façons: semelles, chaussures, plâtres, collet cervical, etc. Bien que des orthèses existent pour l’ensemble de nos articulations, les orthèses plantaires sont les plus demandées.

Une rencontre déterminante

À l’image de son métier, Philippe Durocher a trouvé dans le domaine de l’orthèse exactement ce qu’il lui fallait. Entrepreneur né, il commence ses études à l’école des Hautes études commerciales (HEC) en administration, mais réalise qu’il lui manque quelque chose. Puisqu’il est habile de ses mains, un ami lui conseille la technique d’orthèses et de prothèses du collège Montmorency, seule formation offerte au Québec à cette époque.

Philippe Durocher, propriétaire du Laboratoire Bergeron dans la boutique. (Photo: François Robert-Durand, JDV)

Au cours de ses études qui le passionnent, un de ses enseignants n’est autre que le fils de Normand Bergeron, un orthésiste de renom ayant fondé son propre laboratoire en 1971. Très vite, il est embauché par ce dernier qui songe de plus en plus à prendre sa retraite. Les deux orthésistes s’entendent très bien et partagent une vision commune du métier. Philippe Durocher rachète alors l’entreprise, un an seulement après avoir obtenu son diplôme.

Chaque pied est unique

La boutique compte trois salles d’examens, où l’orthésiste ausculte ses clients. L’examen prend entre 45 minutes et une heure. Il observe le pied du client, sa démarche, sa posture. Chacun de ses mouvements est passé au peigne fin et l’empreinte de son pied est prise dans une plaque de cire. Derrière, c’est l’atelier.

Un client égaré pourrait être troublé d’y observer autant de moulures de pieds, mais c’est un décor habituel pour un orthésiste. Après l’examen, l’empreinte est reconstituée en plâtre et sert de base à la fabrication de l’orthèse.

La précision avec laquelle chaque pli, chaque relief du pied est reproduit est remarquable: «Cette étape est cruciale dans la fabrication puisqu’un millimètre peut tout changer», précise-t-il. Le Laboratoire conçoit également des prothèses de pied. Alors que l’orthèse compense une fonction, la prothèse, elle, vient remplacer un membre absent.

Le Laboratoire Bergeron, sur Henri-Bourassa Est. (Photo: François Robert-Durand, JDV)

Philippe et son équipe accueillent des clients dès l’âge de 5 ou 6 ans: «Les enfants naissent souvent avec les pieds plats; normalement la situation se résorbe naturellement avec le temps, mais si ce n’est pas le cas, on va le corriger», explique-t-il. Des jeunes en pleine croissance, des personnes pratiquant une activité sportive soutenue et des aînés composent la plus grande partie de la clientèle. Avec le temps qui passe, certaines déformations sont inévitables, mais des mesures peuvent être prises.


Entre science et artisanat

À la frontière entre les sciences de la santé et l’artisanat, le domaine de l’orthèse-prothèse est exigeant et demande du savoir-faire. De l’anatomie à la biomécanique, il s’agit de comprendre les interrelations entre chaque structure du corps.

Il y a aussi toute une technique à connaître pour fabriquer une solution aux problèmes. Là où un médecin agit directement sur son patient, l’orthésiste transforme son environnement pour soulager la douleur. Quels matériaux utiliser? Quelles techniques appliquer? Finalement, il y a un aspect très humain: «L’orthésiste qui rencontre le client est aussi celui qui fabrique l’orthèse, qui la livre et qui effectue le suivi. Il y a un vrai lien qui se crée», conclut-il.



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