
Peintre-graveur et enseignant, Albert Dumouchel (1916-1971) possédait aussi, fait moins connu, un excellent œil de photographe.
Peintre-graveuse et enseignante également, Suzanne Beaudoin (1920-2018) a veillé sur le patrimoine de son quartier avec la Société pour la conservation du Sault-au-Récollet. Louis-Philippe Beaudoin, relieur et fondateur de l’École des arts graphiques de Montréal, était son père. Suzanne a fréquenté l’École des Beaux-arts de Montréal de 1939 à 1942, puis étudié la lithographie et l’eau-forte [procédé de gravure en taille-douce sur une plaque métallique] à Paris.
En 1943, elle épouse Albert Dumouchel, un maître graveur dont la notoriété dans le milieu des arts québécois est ascendante. Dès 1947, le couple s’installe au 1737, boulevard Gouin Est, dans le village du Sault-au-Récollet. Leur demeure, que bien des gens connaissent aujourd’hui comme la «maison au toit bleu», est située face à la rue du Fort-Lorette. Elle a été construite dans le deuxième quart du 19e siècle pour le menuisier Joseph David. La famille David a donné au village plusieurs artistes, ébénistes et sculpteurs, notamment David Fleury-David (1780-1841), qui est reconnu pour son œuvre majeure, la décoration intérieure de l’église de la Visitation-de-la-Bienheureuse-Vierge-Marie. Marie Louise Pépin a écrit un article fort intéressant sur cette maison unique[1]. Elle y relate que «chez les Dumouchel, le salon fut un véritable lieu animé où l’on recevait des artistes, des étudiants d’Albert et des amis».
Manifeste Prisme d’yeux
Albert enseigne à l’École des Arts graphiques, sur la rue Kimberley. Le 31 mai 1947, le premier numéro de la revue Ateliers d’arts graphiques, sous la direction artistique d’Albert Dumouchel et la direction technique d’Arthur Gladu, y est lancé. Ce numéro, qui connaît peu de diffusion, réunit des œuvres des élèves de l’école, d’artistes automatistes [dont Paul-Émile Borduas] et d’autres gravitant autour d’Alfred Pellan et des futurs signataires du manifeste Prisme d’yeux (Alfred Pellan, Léon Bellefleur, Mimi Parent, Roland Truchon, Albert Dumouchel et Arthur Gladu). Rédigé par Jacques de Tonnancour et publié par Alfred Pellan le 4 février 1948, son lancement, à la librairie Tranquille, arrive quelques mois avant celui du Refus global, un texte au ton plus radical.
Pendant ces années d’intense création, l’un de ses étudiants, le jeune Roland Giguère, se distingue particulièrement. Il deviendra le seul artiste à recevoir deux Prix du Québec, l’un pour son œuvre littéraire, le Prix Athanase-David, et l’autre pour l’ensemble de son œuvre plastique, le Prix Paul-Émile-Borduas.

Expositions internationales
Albert participe à de nombreuses expositions internationales en peinture comme en gravure, discipline pour laquelle il est particulièrement renommé. L’École des arts graphiques devient l’Institut des Arts graphiques de la province de Québec en 1958, peu de temps après son déménagement au 8955, rue Saint-Hubert. L’institut sera intégré au Collège Ahuntsic en 1970. Au moment de son décès prématuré, à Saint-Antoine-sur-Richelieu, le 11 janvier 1971, il avait produit plus de 2000 œuvres.
Suzanne est une pionnière de l’enseignement des arts plastiques dans les écoles de la commission des écoles catholiques de Montréal (CECM). Au cours des années 1970, elle est professeure d’art au Cégep du Vieux Montréal. Elle participe elle aussi à des expositions nationales et internationales. De 1976 à 1977, elle occupe le poste de vice-présidente de la Société des artistes professionnels du Québec. Depuis 2023, un parc municipal honore sa mémoire à l’intersection de l’avenue Christophe-Colomb et du boulevard Crémazie Est.

Édifice Albert-Dumouchel
Un immeuble culturel honore la mémoire d’Albert : l’édifice Albert-Dumouchel au 10300, rue Lajeunesse. Il héberge la Maison de la culture et la bibliothèque Ahuntsic ainsi que le Café de Da. Le 28 novembre, date du lancement de la 16e édition du bulletin semestriel Au fil d’Ahuntsic, Bordeaux et Cartierville de la Société d’histoire d’Ahuntsic-Cartierville (SHAC), notre société en a fait son adresse d’affaires. Elle y dispose d’un modeste local de conservation.
La SHAC y attendra le retour de l’œuvre Le cavalier solitaire, un bois gravé de 1970, et de sa matrice. Mme Pépin a joué un rôle important pour faire connaître cette œuvre, autrefois présente à la bibliothèque Ahuntsic[2]. À la suite des sollicitations de Mme Émilie Thuillier, mairesse de l’arrondissement, auprès du Bureau d’art public de Montréal, son retour rue Lajeunesse est prévu au moment où les rénovations au premier étage de l’édifice Albert-Dumouchel seront terminées.
[1]PÉPIN, Marie Louise, Une maison patrimoniale et un atelier au Sault-au-Récollet, Au fil d’Ahuntsic, Bordeaux et Cartierville, no10, novembre 2021, pages 24 à 32.
[2]PÉPIN, Marie Louise, Le cavalier solitaire, Au fil d’Ahuntsic, Bordeaux et Cartierville, no10, novembre 2021, pages 33 à 35.
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