
Mardi 25 février, soirée littéraire exceptionnelle à la librairie Monet. Le lieu était plein à craquer. Les nombreux admirateurs (et surtout les admiratrices) du célèbre romancier français Pierre Lemaitre ne pouvaient pas manquer la rencontre/causerie avec ce prix Goncourt 2013, à l’occasion de la présentation de son troisième opus de la tétralogie « Les Années glorieuses », Un avenir radieux, paru le 10 février 2025 aux éditions Calmann-Lévy.
D’emblée, l’animateur de cette soirée littéraire, le journaliste Michel Désautels, évoque le « grand souffle » dont les lecteurs doivent faire preuve pour suivre cet auteur prolifique dans sa saga romanesque. « Pourquoi insistez-vous sur le mode narratif du feuilleton qu’on croyait mort au feuilleton », lance Michel. « Comme Obélix, je suis tombé dans le feuilleton comme modalité narrative et je ne m’en suis pas sorti, dit Pierre. Mes premières grandes lectures addictives à l’adolescence étaient celles des grands feuilletonistes du 19e siècle, Balzac, Victor Hugo, entre autres. On a vu paraître leurs livres d’abord sous cette forme littéraire dans les colonnes des journaux de l’époque. »
Lemaitre raconte comment il a découvert au fil de son parcours littéraire que cette manière de raconter des histoires, mise aux oubliettes, est « extrêmement moderne ».
Écriture behavioriste
L’auteur s’attarde sur ce qui fait sa recette littéraire. À savoir, le mariage entre des procédures narratives du feuilleton et « une écriture assez behavioriste » basée sur l’action des personnages plutôt sur leur psychologie.
En fait, le roman de Pierre Lemaitre lui ressemble à bien des égards. « Dans la vie, je m’ennuie très vite. Ce qui fait que je veux que mon roman avance, lui aussi, vite », dit-il.
Abordant la question du genre de roman qui sied le mieux pour qualifier l’art littéraire de l’écrivain, Michel Désautels évoque le genre du roman historique par lequel les critiques littéraires en France qualifient souvent les livres de Pierre Lemaitre.
« Je comprends que la catégorie roman historique est une catégorie pratique pour les libraires, lecteurs ou bibliothécaires, indique-t-il, mais, du point de vue de l’analyse littéraire de mes écrits, cette catégorie ne tient pas du tout la route. »
Il explique que le roman historique, en tant que tel, est tellement laborieux par les recherches documentaires qu’il exige et la quantité colossale d’informations sur le passé que ses auteurs s’efforcent, souvent avec beaucoup de peine, à incorporer dans leur récit.
Tout passe par l’émotion
« L’outil privilégié du roman, c’est l’émotion qu’il crée chez le lecteur. En mathématiques, on a les équations. En sociologie, on a des statistiques. En philosophie, on a des concepts. Mais en littérature, on a uniquement l’émotion. Tout passe par l’émotion qu’un romancier essaie de faire passer par ses personnages contrairement à l’essai, note-t-il. Un roman sur un sujet peut parfois faire mieux comprendre le monde qu’un essai. En le faisant ressentir par l’émotion dans l’espoir que les lecteurs s’approprient le récit et les personnages à leur façon. » Pierre adopte cette conception de la littérature et de sa fonction qu’il qualifie de « démocratique ». Il cite Aragon : « La littérature est une machine à décrypter le réel. »
Un Goncourt, c’est lourd à porter
En échange avec le public, Pierre Lemaitre décrit les périodes historiques couvertes par ses romans, en commençant par la période de l’entre-deux-guerres abordée dans sa trilogie dont le premier livre Au revoir là-haut qui lui a valu le Prix Goncourt 2013. Son dernier opus Un avenir radieux (titre assez sarcastique) aborde les illusions des Trente Glorieuses.
Les lecteurs étaient surtout curieux d’en connaître davantage sur les caractéristiques les plus intimes de son processus d’écriture, son appréciation de la situation actuelle de l’édition du roman littéraire et surtout ses rapports émotionnels avec ses personnages. À ce propos, Pierre avoue la grande peine qu’il a parfois à faire le deuil de certains de ses personnages qu’il a mis des mois à construire et auxquels il a fini par s’attacher profondément. « Je ne vous cache pas que j’ai pleuré quand j’étais contraint par la logique intrinsèque de la trame du roman Au revoir là-haut de faire disparaître Albert Maillard. »
Abordant les responsabilités liées à la réception d’un prix Goncourt. « Cela fait peser sur les épaules une certaine pression, dit-il. On doit prouver qu’on mérite bien cet honneur. Et c’est lourd à porter ! »
Un avenir radieux est encore mieux !
« J’ai eu la chance d’avoir trouvé ma recette littéraire avec Au revoir là-haut qui a rencontré l’appréciation des lecteurs. Cette recette efficace me guide toujours avec le même bonheur et spontanéité sans avoir à modifier quoi que ce soit en fonction de la célébrité ou des attentes du lectorat », explique cet auteur qui a vu sa carrière d’écrivain lancée assez tardivement, à l’âge de 45 ans.
La rencontre fut suivie d’une séance de dédicaces du nouveau roman qui continue la saga de la famille Pelletier entre Beyrouth, Paris et Prague en pleine guerre froide dans une intrigue multiforme mêlant drame et espionnage où les personnages sont confrontés à des dilemmes tragiques entre intérêts personnels et devoirs moraux, entre raisons de cœur et raisons d’État.
À une question du public sur le roman qu’il préfère le plus, Pierre répond : « Entre nous, Un avenir radieux est encore mieux qu’Au revoir là-haut. Et il mérite bien lui aussi le prix Goncourt, mais… ! »
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