Les travaux sont arrêtés au 10150 St-Laurent (Photo: jdv G. Morin-Lefebvre). Photo de la une: l’entrée principale encore en chantier, comme le reste (Photo: jdv P. Rachiele)

Les futurs locataires du 10150 Saint-Laurent, angle Sauriol. doivent une fois de plus s’armer de patience. Après neuf mois de retard accumulé par l’entrepreneur, Groupe BSR, les travaux de construction des 126 logements des trois immeubles contigus dans lesquels plusieurs d’entre eux devaient emménager en décembre 2017 sont  suspendus par la Commission de la Construction du Québec (CCQ). Selon la CCQ, Groupe BSR n’a pas été en mesure de se conformer à la loi en possédant la licence requise pour effectuer des travaux.

Un chantier paralysé et des courriels en guise d’excuses : voilà ce qu’a eus Marie-Claude Breault, locataire avec bail mais sans logement, du 10150 boulevard Saint-Laurent. On lui avait promis un appartement clé en main pour décembre 2017. Et depuis, les retards se multiplient chaque trois mois.

« Je suis plus que déçue », s’exclame-t-elle. « J’ai signé mon bail en juin 2017 ! »

L’ancienne résidante de Prévost dans les Laurentides avait choisi le quartier pour sa famille. Elle a maintenant emménagé temporairement dans un appartement un et demi, à proximité. La locataire estime n’avoir trouvé rien d’autre correspondant à ses standards, outre le logement pour lequel elle avait signé un bail en juin 2017.

« J’avais même inscrit ma fille à l’école et à des camps d’été. J’avais acheté pour 15 000 $ de meubles », déplore la locataire.

Conservant son bail malgré tout, la mère de famille se réjouit d’être bien outillée financièrement et professionnellement pour faire face à ce problème.

« Je suis capable de me trouver quelque chose en attendant, mais ce ne sont pas toutes les familles qui peuvent le faire. Des appartements de deux chambres ou trois chambres de qualité il n’y en a pas beaucoup. C’est ça que je trouve surtout ordinaire », s’attriste-t-elle.

Mandat de la Cour supérieure

(Photo: jdv G. Morin-Lefebvre)

En se rendant sur le chantier en juillet dernier, journaldesvoisin.com a constaté que des affiches de la Commission de la Construction du Québec (CCQ) avaient été placardées sur une cloison et ordonnaient la suspension des travaux, suspension obtenue par mandat de la Cour supérieure du Québec.

La CCQ s’assure la conformité des entreprises en construction en administrant la Loi R-20, selon laquelle chaque entrepreneur doit maintenir une licence [ndlr: autorisation officielle] de la Régie du bâtiment. L’ordonnance a pris effet le 14 août 2018.

« Pour que la suspension de travaux soit levée, il faudra que l’entrepreneur démontre qu’il est licencié pour faire des travaux », affirme Mélanie Malenfant, chef de section aux relations publiques et affaires corporatives pour la CCQ.

L’obligation de suspendre les travaux n’est pas un moyen utilisé couramment, selon Mme Malendant. 

« Si on est rendu à un arrêt de chantier, ça veut dire que la situation est assez problématique, car ce n’est pas le premier moyen que l’on prend d’habitude. On commence généralement par un simple constat d’infraction », explique-t-elle.

Ainsi, le délai dépendrait du temps que l’entreprise prend pour se conformer à la loi.

« Des fois ça va très rapidement, l’entreprise est prise en défaut, elle se conforme, et voilà c’est terminé, indique-t-elle. Dans ce cas-ci, c’est qu’il y a eu certaines implications et que l’entreprise n’a pas pu démontrer qu’elle s’était conformée à la loi. »

Licence nécessaire

«En juin, Groupe BSR détenait une licence, a déclaré Sylvain Lamothe, conseiler en communication à la Régie du Bâtiment du Québec, à journaldesvoisins.com, mais elle a été annulée le 5 juillet pour un non paiement de droits de maintien. En ce moment, il n’y a aucune licence en vigueur qui leur permet  d’œuvrer dans dans le milieu de la construction.»

Selon Sylvain Lamothe, il y a des obligations lorsque l’on a une licence, l’une d’entre elles est de payer les droits de maintien avant la date d’échéance. Il précise par ailleurs en quoi consiste une licence de construction:

«La licence de la Régie du Bâtiment du Québec donne certains droits comme exécuter des travaux, soumissionner, etc. Un entrepreneur doit détenir une licence RBQ, et après, peut se spécialiser dans un type de licence. Il y a 60 sous-catégories de licences. C’est un peu comme un permis de conduire», a expliqué le porte-paroles de la Régie.

Selon M. Lamothe, pour obtenir une licence, un entrepreneur en construction doit respecter certaines obligations administratives, dont la réussite d’un examen.
«Si le dossier est complet, on peut obtenir une licence d’ici 30 jours. Mais si le dossier est incomplet et que par exemple, l’examen n’est pas réussi, alors là on peut avoir des délais de deux à cinq mois.»

À l’instar de Mme Malenfant de la CCQ, le porte-paroles de la Régie a insisté:

«On ne suspend pas un chantier pour rien. Cela a des conséquences sur les consommateurs et les travailleurs. La non-possession de licence est une bonne raison pour arrêter un chantier. L’entrepreneur s’expose à des amendes salées s’il fait exécuter des travaux sans licence.»

« Aucun problème », dit le constructeur

Groupe BSR dit avoir toujours été de « plein droit », précisant qu’il s’agirait plutôt d’un « changement de licence » effectué pour « des raisons fiscales ».

À la Régie du Bâtiment du Québec, on explique que l’on ne détient aucune information selon laquelle il y aurait eu une demande de changement de licence de la part du Groupe BSR, et qu’avant de faire une demande de changement, un entrepreneur doit avoir une licence en règle.

De son côté, le président de la compagnie, Ronen Basal, contacté la semaine dernière, a déclaré au journaldesvoisins.com que les travaux devaient reprendre le 4 septembre et l’immeuble devait être terminé dans quatre à six semaines.

« Nous allons recevoir la licence cette semaine et nous allons commencer le projet la semaine prochaine », affirmait Ronen Basal, président du groupe BSR, la semaine dernière.

Ronen Basal expliquait également avoir eu des retards dans l’excavation ainsi que des problèmes avec Hydro-Québec, pour justifier la situation. Tout cela devait être réglé cette semaine, promettait-il.

« Notre but n’est pas de prendre l’argent des locataires, le but c’est de remplir l’immeuble et de le finir », ajoutait-t-il.

Certains remboursés, d’autre pas encore

Sur la question des remboursements des arrhes versées par les locataires à la signature des baux, le propriétaire accuse aussi des retards, mais affirme qu’il a remboursé la moitié des locataires, et remboursera l’autre dans les dix prochains jours.

« On a dix autres chantiers qui roulent, donc ce n’est pas évident de répondre à tout le monde », estime-t-il.

Au 4 septembre, toutefois, Marie-Claude Breault ne constatait aucun changement à l’état du chantier.

« Quatre à six semaines, ils me disent ça depuis longtemps. Il n’y a aucun résultat », réplique-t-elle. «Pourquoi c’est si long s’ils n’ont pas de problèmes ? »

Sur Facebook, plusieurs autres locataires s’impatientent et montrent du doigt le Groupe BSR, dénonçant leur «manque de transparence ». L’un d’entre eux, Annie Doyon, a décidé de casser le bail déjà signé, sans le logement à la clé. Elle a emménagé dans un nouveau logement samedi dernier. Elle a envoyé une demande de remboursement, et aux dernières nouvelles, cette dernière était restée sans réponse.

« Je suis surprise d’apprendre tout cela. Nous avons été gardés de côté sans savoir ce qui se passe », écrit-elle «Même si le 10150 est terminé en 2019, c’est trop tard pour nous. Je ne veux pas vivre sous le toit d’une compagnie manquant d’organisation. »

De son côté, Mme Breault continue de suivre le dossier.

« Je suis spectatrice et j’attends », conclut-elle.

Et dernières nouvelles…

Au 5 septembre, journaldesvoisins.com a remarqué de visu que les travaux n’avaient pas encore repris.

Quant au permis de l’arrondissement, également nécessaire pour les travaux sur le chantier, et qui était affiché également sur les lieux, il était valable jusqu’au 9 juillet dernier.

Finalement, journaldesvoisins.com a constaté que le groupe Facebook que certains des locataires lésés avaient mis sur pied et qui portait le nom «Les arnaqués du BSR group » est disparu du réseau social au cours des derniers jours.

Avec la collaboration de Christiane Dupont et Philippe Rachiele



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