Alors qu’on s’attend à un printemps sans histoire, les autorités sont prêtes à faire face à toutes les éventualités.
« Les crues devraient être modérées cette année dans toute la région de Montréal », explique Danielle Pilette, professeure de gestion municipale à l’ESG UQAM. « Nous avons connu une année froide, mais avec un dégel intermittent et progressif et moins de neige l’hiver dernier. Le risque de crue me paraît gérable. »
De son côté, Nicolas Milot, chef de bureau de projet sur la gestion du risque des inondations de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), explique:
« Les apports de neige ont été sous la normale l’hiver dernier dans le bassin versant en amont de la rivière des Outaouais. »
L’eau qui inonde les rues et les propriétés du territoire de l’arrondissement provient du nord de l’Ontario et du Québec, notamment d’Abitibi-Témiscamingue. Plusieurs barrages régularisent le débit d’eau de cette rivière et de ses affluents. L’eau finit par couler jusqu’au lac des Deux-Montagnes, qui alimente la rivière des Prairies.
Un hiver très neigeux combiné à un printemps pluvieux et un dégel subit augmente le risque d’inondations, comme en 2017 et 2019. Des pluies entre 35 et 50 mm, comme on en a eu dans la semaine du 4 avril, compliquent les choses.
« Pour le moment, il n’y a pas eu une grosse pluviométrie printanière, ajoute M. Milot. Actuellement, les crues sont légèrement sous la cote des deux ans. Ça devrait monter davantage les 2e ou 3e semaines d’avril, mais c’est normal. La grande inconnue : aurons-nous de gros épisodes de pluie qui se succèdent, avec des précipitations de 40 ou 50 mm sur plusieurs jours? Je constate qu’il n’y a rien pour écrire à sa mère avec ce qu’on prévoit pour les prochains jours. »
Bref, il n’y a rien d’alarmant.
La CMM offre un outil qui permet de visualiser les crues sur son territoire : cruesgrandmontreal.ca Il suffit de choisir le territoire qui nous intéresse sur la carte et d’agrandir. L’outil comporte une échelle de temps qui permet de visualiser les profondeurs de submersion prévues trois jours à l’avance. Le curseur facilite l’affichage des prédictions par tranche de trois heures. L’outil est destiné aux experts, mais permet aux citoyens de prévenir les mauvaises surprises. Au moment d’aller sous presse, tout était sous contrôle.
Notre-Dame-des-Anges
Dominique Paquin, directeur des travaux publics de l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville, n’est pas alarmé par le niveau actuel des eaux de la rivière des Prairies.
« Évidemment, chaque année, le tronçon le plus au nord de la rue Notre-Dame-des-Anges, dans Cartierville, est touché par la crue printanière, mais c’est la rue la plus basse de tout l’arrondissement, a-t-il confirmé au JDV. Bon an mal an, on érige une digue à cet endroit : elle est déjà en place depuis plus d’une semaine. C’est la seule intervention de nos services pour le moment. »
Les Travaux publics surveillent le niveau de la rivière des Prairies trois fois par jour à la station de mesure Lavigne. Après les pluies de la semaine du 4 avril, l’eau a monté quelque peu, mais, au moment de mettre sous presse, elle avait baissé.
Depuis les inondations de 2019, l’arrondissement prend les grands moyens pour rassurer les citoyens des zones affectées.
« Nous sommes aux aguets, reprend M. Paquin. Nous avons des fournisseurs de sacs de sable prêts à passer à l’action immédiatement, à notre demande. Nous avons un plan d’action en quatre phases et, à ce jour, nous n’en sommes même pas à la première, car l’eau n’a pas atteint un niveau alarmant. S’il n’y a pas de changement météo dramatique, tout devrait bien aller jusqu’au 15 mai, point culminant des crues printanières. »
L’arrondissement a aussi rencontré les résidants touchés par les crues le 10 mars pour les rassurer et les mettre au fait de ce que l’arrondissement déploie comme moyens de protection. Outre Notre-Dame-des-Anges, les autorités surveillent l’eau autour des rues Crevier, Cousineau, Jasmin, Olivier, du Ruisseau, Leblanc et Alliance. En 2019, l’arrondissement avait érigé 500 mètres de digues temporaires.
Un aménagement permanent, rue Crevier, permettrait d’éviter une centaine de mètres de digues temporaire. Les citoyens réclament une digue permanente depuis des années dans ce secteur. L’arrondissement travaille à un projet de digue de 300 mètres, qui est complétée à 75% selon les autorités. Le projet est mené par la direction du développement du territoire.
Une telle digue, au bout de Notre-Dame-des-Anges, est-elle envisageable?
« Nous devons obtenir au préalable un certificat d’autorisation délivré par le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. Notre objectif, pour 2022, consiste à fournir les plans au ministère de l’Environnement et d’obtenir ce certificat. Conséquemment, il est donc prématuré de statuer sur une quelconque date quant à la construction de cette digue », explique Michèle Blais, chargée de communication à l’arrondissement.
À long terme
L’eau de ruissellement joue un grand rôle dans les inondations.
« Plus on bétonne le territoire de Montréal, plus on ajoute de l’imprévisibilité aux crues printanières ou lors de coups d’eau durant des événements météo extrêmes, reprend Mme Pilette. L’eau provenant des toitures, des entrées pavées et des stationnements ruisselle vers les régions inondables. »
Mme Pilette considère qu’il faut végétaliser le plus possible le territoire, pour que la nature absorbe massivement l’eau de ruissellement.
« Il faut aussi végétaliser les rives et les digues, avec des arbustes et des arbres aux variétés indigènes, qui sont mieux adaptées aux conditions météo, ajoute-t-elle. Les racines renforcent le sol et jouent le rôle d’une éponge. Il faut naturaliser les espaces de stationnement par des matériaux alvéolés, multiplier les toits verts, les initiatives d’agriculture urbaine, végétaliser les rues et les boulevards le plus possible, partout à Montréal. »
Évidemment, on a beaucoup construit dans des milieux humides à Montréal. Mais avec le réchauffement climatique, certaines maisons sont désormais menacées, alors qu’elles étaient épargnées par le passé.
Devrait-on démolir les immeubles situés en zone inondable?
« Relocaliser tout le monde dans la région de Montréal implique des propriétés évaluées à plus de trois milliards de dollars, reprend M. Milot. Ce n’est pas envisageable. On a vécu deux événements difficiles en trois ans, mais les risques d’être inondés demeurent à 1% pour le moment. On diminuera ces risques si on fait de la protection des rives et du verdissement intensif à l’échelle de la région métropolitaine, pour mitiger les effets de l’eau de ruissellement. C’est la meilleure chose à faire. »
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