Protéger le patrimoine bâti. Permis de transformation au 355-361, boulevard Henri-Bourassa Est. (Photo : François Robert-Durand, JDV)

Selon Claudine Déom, professeure à la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal, les villes, arrondissements et municipalités possèdent des moyens légaux et réglementaires assez efficaces pour protéger leur patrimoine architectural quand il n’est pas classé. Cependant, il faudrait peut-être dépasser le seul argument historique ou esthétique dans la conservation du vieux bâti.

«Quand on parle des outils-là, on parle de la Loi sur le patrimoine culturel et de la réglementation municipale», souligne-t-elle.

Elle sait de quoi elle parle. Mme Déom est responsable de la maîtrise en aménagement, option conservation du patrimoine bâti. Elle mentionne la Loi sur le patrimoine culturel qui est certes de compétence provinciale, mais qui peut servir le palier municipal.

«Depuis 1985, les municipalités ont le droit de s’en prévaloir pour protéger des lieux qu’elles considèrent être patrimoniaux pour des raisons qui ne sont pas l’esthétique, l’architecture, l’association à un personnage ou à un événement important», explique-t-elle.

Cela permet de protéger notamment des éléments qui ne sont pas classés. Il s’avère un outil utile pour des situations où l’intérêt patrimonial ne saute pas aux yeux.

«C’est un petit peu difficile dans le domaine de la conservation ou du patrimoine, lorsqu’on entre dans ces zones où l’on peut se questionner sur des bâtiments ou des ensembles de bâtiments qui n’ont pas nécessairement une valeur clairement avouée, facile à comprendre et à appréhender. D’autant plus qu’ils constituent en grande partie ce qui fait notre tissu urbain», relève Mme Déom.

Cela vaudrait pour une maison shoebox, par exemple, dont on ne perçoit pas immédiatement la valeur historique ou architecturale. [NDLR : Rappelons que le Journal des voisins a couvert la saga d’une de ces maisons qui a finalement été tellement transformée qu’elle en est méconnaissable.]

«Quand on parle de l’église de la Visitation, que l’on soit catholique ou pas, que l’on soit jeune ou vieux, il y a certainement moins d’efforts à investir pour nous convaincre d’une perte collective de ce type de produit culturel si jamais cette église-là, et je ne peux pas être prophète de malheur, venait à disparaître», illustre-t-elle.

Plus près encore

Des textes légaux au niveau municipal servent aussi à baliser le développement urbain et peuvent avoir un effet protecteur sur les aspects patrimoniaux. 

«Il y a une réglementation d’urbanisme qui est un petit peu plus qualitative et elle est souvent employée dans les arrondissements», dit-elle en évoquant le Plan d’implantation et d’intégration architecturale, le PIIA. L’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville en possède un.

«Il est utile pour protéger et intervenir, mais il ne s’agit pas de protéger dans le sens de ne plus toucher. C’est intervenir avec un respect des caractéristiques du tissu et la réglementation qui est en vigueur», précise-t-elle.

Ce règlement détermine, selon les secteurs, comment mener les interventions pour entretenir un bâtiment. Cela peut toucher autant à la couleur de la peinture des murs qu’à la forme d’une fenêtre ou à la nature des matériaux de construction. Il s’agit de respecter un certain nombre de critères et ceux-ci sont expliqués aux citoyens quand ils vont demander un permis.

Et si c’était une question d’écologie?

Ce qui navre beaucoup les défenseurs du patrimoine, ce sont les démolitions pour construire plus grand et plus moderne.

Claudine Déom plaide pour une prévention qui évite les démolitions, non seulement sous l’angle de la protection du bâti historique, mais aussi du point de vue la préservation de l’environnement.

«Je pense qu’il est essentiel de se poser des questions. Est-ce que le gaspillage est requis? Est-ce que la démolition est nécessaire? Je ne suis absolument pas en train de dire que tout est important sur le plan de la culture, de l’histoire ou de l’esthétique. Je ne dis pas que tout est d’intérêt patrimonial. Mais je pense que nous vivons dans un monde où il faut se demander si c’est encore bon», expose-t-elle.

Elle plaide pour une approche qui intègre la valeur écologique dans l’acte de conserver le vieux bâti, alors ce qui se dit au sujet de la crise climatique devrait inciter les gens à arrêter de remplir des espaces et à envoyer des bâtiments au rebut. 

«Quand on démolit une maison, même si elle n’a pas une valeur architecturale retentissante, c’est de l’énergie intrinsèque qui est gaspillée. Par ailleurs, on va reconstruire; cela veut dire du béton, de l’acier, vraisemblablement de l’aluminium. Cela représente beaucoup de consommation de ressources», développe-t-elle.

La prévention des démolitions et la préservation du cadre bâti relèveraient alors de la protection de l’environnement. Un sacré changement de paradigme.

Ce texte a été publié dans la version imprimée du Journal des voisins, le Mag papier de février 2023, à la page 19. Il fait partie du Dossier Urbanisme, duquel plusieurs autres articles sont reproduits. 

Des histoires d’horreur dans l’arrondissement

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