(NDLR) Journaldesvoisins.com est, comme chacun le sait, un média d’informations locales quotidien sur le Web, plus que jamais! Toutefois, compte tenu de la situation géopolitique actuelle en Europe, nous avons jugé bon de publier à l’avance — dans l’intérêt de nos lecteurs et lectrices– cette chronique écrite par notre collaboratrice Diane Éthier, politologue et professeure retraitée de l’Université de Montréal, également résidante d’Ahuntsic-Cartierville. Nous avons la chance de compter Mme Éthier parmi nos collaborateurs et collaboratrices du mag papier depuis plusieurs années, elle qui nous permet de mieux comprendre les aléas de la politique internationale depuis notre lorgnette locale… À noter que cette chronique paraîtra également dans le mag papier qui sera en distribution dès ce vendredi. (La rédaction).

Trois systèmes d’équilibre des forces internationales se sont succédés depuis 1945: le monde bipolaire de la guerre froide entre l’URSS et les États-Unis (1945-1990) ; le monde unipolaire dominé par l’hégémonie des États-Unis (1990-2000) ; un système multipolaire caractérisé par l‘émergence de nouvelles puissances économiques et géopolitiques ( Chine, Russie, Inde, Brésil, Afrique du sud) au début des années 2000.

Mais, comme l’a soutenu Kenneth Waltz dans son ouvrage The Theory of International Politics (1979), un système multipolaire évolue nécessairement vers un système bipolaire. Et c’est ce qui s’est produit.

Désormais le monde est divisé entre deux camps rivaux

 Le camp des pays occidentaux (États-Unis et leurs alliés – Union européenne [UE], OTAN, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande- Royaume Uni) et le camp des pays euroasiatiques regroupés au sein de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), créée en 2001 à l’initiative de la Chine, et dont sont membres la Chine, la Russie, le Kazakhstan, le Kirghistan, l’Ouzbekistan, le Tadjikistan, l’Inde, le Pakistan et l’Iran. La rivalité entre ces deux camps est désormais présente sur plusieurs théâtres, dont l’ONU, et est à l’origine de plusieurs conflits dans le monde, dont les plus importants, mais non les seuls[1] concernent l’Iran, la Russie et la Chine.

Le conflit entre le camp occidental et l’Iran

Les États-Unis, appuyés par l’UE, veulent empêcher l’Iran de se doter de la bombe atomique, bien que l’Iran soit menacé par Israël, qui dispose de cette arme extrême.  Lors d’un accord signé en 2015 entre la France, l’Allemagne, les États-Unis, l’Iran, la Russie et la Chine, l’Iran a accepté de réduire ses capacités d’enrichissement de l’uranium et de renoncer à l’arme nucléaire, en contrepartie d’un abandon par Washington des sanctions économiques imposées à toutes les entreprises faisant affaire avec l’Iran.

Mais depuis, le président Donald Trump s’est retiré de cet accord et les présidents Barak Obama et Joe Biden ont maintenu ces sanctions. Isolée et grandement appauvrie par ces dernières, l’Iran s’est tourné vers la Chine.

En 2004, le pays a signé deux accords avec les entreprises chinoises Zhuhai Zhenrong et Sinopec Corporation qui prévoient l’importation de 110 millions de m³ de gaz liquéfié iranien pendant 25 ans pour un montant de 100 milliards de dollars US.

L’Iran a aussi augmenté ses capacités d’enrichissement de l’uranium jusqu’à 60%, un seuil à partir duquel elle peut produire une bombe atomique. C’est la raison pour laquelle les négociations sur le renouvellement de l’accord de 2015 ont repris à Genève en décembre 2020, mais avec un espoir de succès très relatif.

 Le conflit entre le camp occidental et la Russie

 Depuis la fin de la guerre froide et la disparition de l’URSS, qui furent effectivement une victoire des États-Unis[2], ces derniers ont tenté avec l’OTAN et l’UE d’affaiblir la Russie, qui elle veut conserver à tout prix son influence sur les ex-républiques de l’URSS.

En témoignent « la révolution orange » en Ukraine (2007), « la révolution des roses » en Georgie (2003) et « la révolution des tulipes » au Kirghistan( 2005), largement orchestrées par les Etats-Unis, qui ont permis de favoriser l’accession au pouvoir de régimes favorables au camp occidental dans ces ex-républiques de l’URSS.

En 2004 et 2007, 10 pays de l’Europe de l’est autrefois alliés du camp soviétique, sont devenus membres à part entière de l’UE et de l’OTAN. Celle-ci a élargi son influence et intégrant 30 pays, dont 10 ex-républiques de l’URSS à son « partenariat pour la paix ».

En 2014, l’UE a signé un accord d’association économique avec l’Ukraine, tout en appuyant la « révolution de Maidan » dans ce pays, qui visait à déloger du pouvoir le président Yanukovych, allié de Moscou. La Russie a riposté à ce qu’elle a qualifié « de coup d’état » par l’annexion de la Crimée et  un soutien aux prétentions autonomistes des républiques de Donesk et de Lougansk, dans l’est de l’Ukraine, où résident des populations russophones qui prétendent être négligées par le gouvernement de Kiev.

Les accords de Minsk, signés en 2014 entre la France, l’Allemagne, la Russie et l’Ukraine, qui prévoyaient l’instauration d’une fédération en Ukraine, qui accorderait l’autonomie à ces républiques, n’ont jamais été respectés par l’Ukraine.

Les États-Unis et l’UE ont néanmoins adopté des sanctions économiques très importantes contre plusieurs entreprises russes et 700 dirigeants de ce pays… ce qui a incité la Russie à se rapprocher de la Chine et à proposer, en décembre 2021, la négociation de deux traités avec les Etats-Unis et l’OTAN qui interdiraient (1) l’adhésion à l’OTAN de l’Ukraine et des ex-républiques de l’URSS et (2) l’installation de bases de missiles et autres équipements militaires du camp occidental dans les pays limitrophes de la Russie.

Jusqu’à ce jour cependant, les négociations entreprises entre la Russie, les Etats-Unis et l’OTAN, les 10, 11 et 12 janvier 2022 à Genève et Bruxelles ont abouti à une impasse.

Le conflit entre le camp occidental et la Chine

 Le principal ennemi des Etats-Unis est néanmoins la Chine, qui est devenue la première puissance économique mondiale, et qui menace leur hégémonie, d’autant plus que cette dernière a lancé en 2013 son projet des « routes de la soie » qui prévoit des projets d’un trillon de dollars dans les infrastructures de 70 pays.

En outre, la Chine a aussi initié le partenariat économique régional global, qui regroupe 15 pays de l’Asie de l’est, la plus grande zone de libre-échange au monde, entrée en vigueur le 1er janvier 2022.

Toutes les politiques intérieures et extérieures des États-Unis sont donc désormais axées contre la Chine. En témoigne le transfert de leurs troupes stationnées au Moyen-Orient vers la région Asie-Pacifique où les visées impérialistes de la Chine sont très présentes. L’UE a fait sa part en renouvellant des accords de coopération avec Taiwan, ennemi juré de la Chine.

[1] Cette rivalité est désormais présente en Afrique, en Amérique du sud et en Asie de l’est.

[2] Voir à ce sujet les mémoires de Margaret Thatcher « 10 Downing Street ».



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Sainz, Caroline
Sainz, Caroline
2 Années

Merci Madame Éthier, Très éclairant.

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