Pour réaliser la future Promenade des Berges, entre les parcs de l’Île-de-la-Visitation et Louis-Hébert, les autorités municipales devront surmonter plusieurs obstacles.
Alors qu’Émilie Thuillier, la mairesse sortante d’Ahuntsic-Cartierville, en a fait une pièce majeure de son programme électoral, la future administration de Projet Montréal aura fort à faire pour convaincre plusieurs citoyens, organisations et institutions directement touchées par le projet.
Pour faire avancer le projet, une administration Thuillier entend mener discussions, consultations et négociations en collaboration avec « tous les partenaires impliqués », quitte à les étirer jusqu’en 2025. Mais que, s’il le fallait, elle irait jusqu’à acquérir des terrains pour le faire aboutir.
« Nous n’en sommes pas encore là, commente Jérôme Normand, conseiller membre de l’équipe Thuillier et fortement impliqué depuis des années dans le projet de promenade. On veut avant tout trouver des solutions terre-à-terre, préparées des firmes spécialisées en architecture du paysage, pour désamorcer les appréhensions des propriétaires riverains concernées. On veut faire appel à l’intelligence collective et à la bonne foi de tous. On veut un projet réalisé pour le bien commun, sécuritaire, calme, beau… Il n’est pas question de brandir l’arme de l’expropriation à ce stade, mais, oui, nous avons cet outil à notre disposition. »
Lors d’une conférence de presse tenue jeudi dernier (7 octobre) au parc Maurice-Richard, l’équipe Thuillier a réitéré sa volonté d’aménager une promenade piétonne universellement accessible directement sur les berges, tel que réclamé depuis des années par les citoyens de l’arrondissement, d’ici 2025.
Edmond-Laurendeau
Pour le moment, les divers propriétaires privés et institutionnels concernés refusent catégoriquement le projet. Sauf un.
En conférence de presse, la mairesse sortante a rappelé que le CIUSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal lui avait fait parvenir une lettre d’appui. Les terrains du CHSLD Edmond-Laurendeau (rattaché au CIUSS) bordent la rivière.
Paroisse
Mais d’autres propriétaires institutionnels refusent le projet.
« Notre position n’a pas changé », a confirmé vendredi dernier la porte-parole de l’Archidiocèse de Montréal, Erika Jacinto.
« Une accessibilité trop facile pourrait entraîner des accidents et des poursuites », expliquait alors Caroline Clermont, responsable des bâtiments à l’Archidiocèse.
Une position que nuance le conseiller Jérôme Normand, de Projet Montréal. Vendredi, M. Normand a dit au JDV que les responsables de la Fabrique de l’Église de la Visitation, qui administre le monument historique, étaient « très ouverts au projet ».
Des citoyens qui désirent conserver l’anonymat nous ont fait part du fait que refuser de partager les terrains derrière l’église n’était « pas très catholique »!
Ignace-Bourget
Par contre, l’Archevêché confie la gestion de la résidence Ignace-Bourget à l’organisme charismatique Le Chemin-Neuf, qui est aussi impliqué dans celle de l’église de la Visitation.
« Un projet bien conçu peut faire du sens à cet endroit, du moment qu’il y a un dialogue ouvert entre les autorités, les marguillers et le diocèse, ainsi qu’avec Hydro-Québec; cela s’inscrit dans l’idée d’ouverture propre à une paroisse », déclare Jean-Hubert Thieffry, prêtre et guide spirituel du Chemin Neuf, lors d’une entrevue menée fin septembre. « Mais en ce qui a trait à la résidence Ignace-Bourget, nous souhaitons conserver la quiétude des lieux et nous sommes contre le projet d’une promenade érigée directement sur les rives de la rivière, ajoute-t-il. Les étudiants qui logent chez nous viennent chercher du calme dans un contexte de retraite spirituelle. Nous souhaitons conserver ce calme, ce poumon, ce lieu de ressourcement, qui est tout de même ouvert à tous. » .
Des citoyens, qui désirent conserver leur anonymat, nous ont écrit pour signaler que Chemin Neuf occupait également un terrain situé au 1725, boul. Gouin Ouest, derrière la résidence Edmond-Laurendeau, face au CPE du Passe-Temps. Une confusion demeure entre les différents acteurs au sujet de l’utilisation de ce terrain.
Berthiaume-du-Tremblay
La directrice de la résidence Berthiaume-du-Tremblay (un complexe de résidences pour aînés incluant le Quartier des Générations) a refusé notre demande d’entrevue, pour nous répondre ceci par courriel :
« L’ensemble de notre personnel et de nos gestionnaires travaille actuellement en priorité sur la gestion de la 4e vague [de la pandémie] ainsi que sur les enjeux de la vaccination obligatoire pour tout le personnel. »
Par contre, Jérôme Normand nous a confirmé qu’il avait rencontré les dirigeants de la résidence et qu’il « sentait une certaine ouverture ».
Signalons qu’un rapport d’aménagement d’une promenade sur les berges préparé pour Hydro-Québec par la firme Civiliti mentionne au passage qu’une promenade passant à proximité des résidences pour retraités permettrait de lutter contre le sentiment d’isolement qui affecte les aînés.
Le JDV n’a pas contacté les autres propriétaires, notamment les Frères de Saint-Gabriel ou ceux des deux résidences privées situées à proximité du parc Louis-Hébert, avec qui le conseiller Normand entretient des discussions régulières.
Rappelons que trois résidences privées donnent directement sur les berges, soit une maison unifamiliale à l’ouest du parc Louis-Hébert, et deux duplex à l’est de ce parc, toujours sur Gouin. Ces citoyens se sont regroupés sous le nom de Mobilisation Parc Louis-Hébert et s’opposent au projet de promenade sur les berges. Ils l’ont fait savoir lors des consultations menées par Hydro-Québec dimanche dernier (3 octobre).
Hydro-Québec
La position d’Hydro-Québec est la même depuis des mois : la société d’état écarte pour le moment l’aménagement d’une promenade sur l’enrochement qu’elle a aménagé récemment et propose plutôt une promenade passant en partie en bordure du boulevard Gouin, et non de la rivière. Hydro n’est pas propriétaires des terrains riverains, même si elle dispose d’une servitude d’environ 10 mètres pour effectuer ses travaux.
Rappelons que la société d’État a mis de côté un projet d’aménagement sur les berges avec stations interprétatives (imaginé en collaboration avec la firme Civiliti). Hydro allègue qu’il faut que les propriétaires riverains donnent leur accord pour qu’un tel projet voie le jour.
Appuis politiques
Contactée par le JDV, l’équipe de la députée de la circonscription provinciale de Maurice-Richard, Marie Montpetit, rappelle qu’elle participe depuis plus d’un an à la Table de travail pour l’aménagement de la rive en regard du projet de réfection du mur de soutènement en amont du barrage Simon-Sicard.
« Elle y a encouragé, avec d’autres membres, la recommandation principale de la Table qui est la création d’un sentier piétonnier riverain, continu et accessible universellement, écrit par courriel son attaché politique Jonathan Boursier. Au travers les consultations qui se poursuivent, Mme Montpetit continuera de défendre que le prochain aménagement mise sur le caractère naturel et patrimonial du secteur. »
Par contre, M. Boursier rappelle dans le même courriel que :
« Concrètement, les maîtres d’œuvre du projet demeurent Hydro-Québec et la ville de Montréal/arrondissement Ahuntsic-Cartierville. Toutefois, ils peuvent compter sur l’appui de Mme Montpetit pour un accès étendu aux berges. »
Dans un courriel séparé, l’attaché réitère qu’il « se tient actuellement une consultation [NDLR : celle du dimanche 3 octobre] et la parole est aux citoyennes et citoyens. »
Enfin, du côté de la députée fédérale d’Ahuntsic-Cartierville Mélanie Joly, nous n’avons reçu aucune réaction malgré nos multiples demandes. Toutefois, en fin d’entrevue avec le JDV, quelques jours après la dernière élection fédérale, Mme Joly réitérait qu’elle s’engageait «également à appuyer les initiatives visant à protéger et à mettre en valeur les berges de la rivière des Prairies».
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En espérant que ce projet, si souhaité par une majorité de citoyens du Sault, ne soit pas contrecarré par les résidents riverains, comme ce fut le cas pour le projet qui devait réhabiliter les ruines de l’externat de Sophie-Barat…
Je n’ai pas eu le bonheur de participer aux nombreuses séances d’information organisées par Hydro-Québec. Pourtant je me tiens informé et c’est toujours après la tenue de ces réunions que j’en apprends l’existence. Je dois être abonné aux mauvais médias.
Hydro-Québec a donc tenu des réunions relativement à la conservation ou à la consolidation du mur de soutènement, qui permet en quelque sorte l’existence du réservoir d’eau de la rivière, du barrage et de la centrale hydro-électrique Rivière des Prairies.
Biologiste de formation diplômé de l’UQAM je demeure cependant impressionné par la quantité de matériaux déversés dans la rivière pour assurer le survie du mur de soutènement. J’espère qu’Hydro-Québec a présenté plusieurs scénarios techniques avant d’arrêter son choix sur des moyens où plusieurs tonnes de roches ont été utilisées.
Je ne me souviens pas d’avoir entendu mes professeurs vanté l’option du remplissage des berges comme étant une option valable ou positive pour la santé de la rivière et des berges. Je comprends l’engouement de mes concitoyennes et concitoyens envers le projet d’une promenade riveraine. Je trouve cependant que tous les acteurs travaillent à la pièce, parfois par le fait accompli, sans vue d’ensemble, sans rigueur.
Hydro Québec a peut être calculé un tonnage de roches qui lui a permis d’épargner des études d’impact et une consultation menée par des sages indépendants comme le BAPE le fait depuis 40 ans. Les choses apparaissent déjà assez enchevêtrées, je suggère qu’une sérieuse démarche de réflexion et de consultation doit être réalisée selon les règles de l’art. Le bonheur national pour tous, cela demande des efforts et de la transparence.
La méthode d’enrochement retenue par Hydro-Québec ne constitue pas une réelle réfection du mur de soutènement mais offre simplement un soutien physique extérieur temporaire à une structure fatiguée. La société d’état a considéré de réelles méthodes de réfection mais décidé de ne pas investir les fonds nécessaires. La question fondamentale, qui n’est pas discutée publiquement, est celle du choix entre la mise hors service de la centrale dont le niveau de production est présentement insignifiant ou d’un important réinvestissement pour remplacer le matériel de production qui a dépassé sa fin de vie utile. Les enrochements ne servent qu’à repousser la décision. Celle-ci pourrait maintenant être facilitée par l’annonce en septembre de la signature d’un contrat entre Hydro-Québec et son partenaire américain Transmission Developpers, sélectionnés pour fournir de l’électricité à l’État de New York à partir de 2025. Vu la situation présente, le gouvernement pourrait imposer un moratoire sur ce projet mal parti le temps de régler la question de fond.
Tout d’abord, un petit rappel historique. Le territoire de pratiquement chaque parc riverain de l’arrondissement et de plusieurs autres parcs a été constitué par un mélange de rachat de gré à gré et d’expropriation de terrains. D’Ouest en Est, les parcs du Bois-de-Liesse, Beaurivage, Belmont, des Bateliers, de la Merci, Nicolas-Viel et de l’Île-de-la-Visitation ont tous été constitués ainsi. Plus loin du rivage, ce fut notamment le cas du parc Ahuntsic – un symbole de l’arrondissement.Cette pratique est tout à fait normale dans une ville capable de penser au bien commun et à une sage planification du territoire.
J’ai posé la question à la conseillère des propriétés immobilières d’Hydro-Québec à la journée Porte ouvertes du 2 octobre. Celle-ci a confirmé que la société d’État est bel et bien propriétaire de bandes de terrain en continu, allant du parc-nature de l’île de La Visitation jusqu’au parc Louis-Hébert.