Le camion d’avitaillement Challenger 605, propriété de Bombardier, tel que photographié par notre collaborateur le jour-même de l’accident (Photo: archives JDV)

Il y a bientôt cinq ans, le 9 août 2016, un terrible accident survenu sur l’autoroute 40 entre les kilomètres 71 et 72, vis-à-vis la rue Lajeunesse, causait la mort du camionneur Gilbert Prince. Il a fallu plus d’une heure aux pompiers pour éteindre les énormes flammes émanant de son camion-citerne, duquel il était prisonnier. L’événement a de quoi marquer encore longtemps l’esprit des Ahuntsicois ayant assisté à ce terrible spectacle. Un rapport d’investigation du coroner a récemment été déposé concernant cette tragédie.

Rappel de l’accident

L’accident a eu lieu un peu avant 16h. Gilbert Prince se dirigeait vers l’ouest sur l’autoroute 40 quand il a été impliqué dans le carambolage qui lui a coûté la vie. Le carambolage a été causé par l’arrêt soudain d’un camion-citerne d’avitaillement qui circulait également sur l’autoroute 40 en direction ouest.

Le camion-citerne que conduisait M. Prince a percuté un autre camion aussi impliqué dans le carambolage. M. Prince est resté coincé dans sa cabine. L’impact de la collision a occasionné un déversement de diesel sur la chaussée sous son camion et un brasier s’est développé rapidement. M. Prince était incapable de s’extirper de son véhicule. Les pompiers dépêchés sur les lieux ont mis plus d’une heure pour éteindre les flammes. Lorsque le feu a été finalement maitrisé, la dépouille de M. Prince a été retrouvée à l’intérieur de son camion. L’asphyxie est la cause de son décès puisqu’il était au centre de l’incendie.

Selon le rapport de la coroner Stéphanie Gamache, deux raisons expliquent cet accident et le décès de M. Prince, deux raisons qui auraient pu être évitées.

Distance insuffisante

Premièrement, la distance entre le troisième véhicule impliqué dans l’accident et le camion de M. Prince était insuffisante. Le camionneur roulait trop proche.

« Cet élément contributif constitue une erreur de conduite malheureuse et fatale chez un camionneur expérimenté », note la coroner Gamache.

Le Code de la sécurité routière prévoit des règles spécifiques pour un partage sécuritaire de la route et la distance qui sépare les véhicules est un élément important de ces règles de base.

En conclusion de son rapport d’investigation, la coroner recommande à la Société d’assurance automobile du Québec de procéder à une campagne de sensibilisation concernant les distances sécuritaires entre les usagers qui circulent sur le réseau routier et de communiquer avec tous les corps de police de la province pour discuter de leurs initiatives en ce sens et ainsi favoriser la collaboration pour un partage sécuritaire optimal du réseau routier.

Système d’interverrouillage des freins dangereux

La seconde raison qui explique cet accident est le fait que la compagnie d’aéronautique propriétaire du camion-citerne d’avitaillement impliqué dans l’accident ait laissé perdurer une situation dangereuse en lien avec le système d’interverrouillage des freins de ce camion jusqu’à l’accident du 9 août 2016.

Le camion-citerne d’avitaillement qui s’est soudainement arrêté, causant le carambolage, est muni d’un dispositif d’interverrouillage qui permet d’appliquer les freins dans le but d’effectuer des chargements et des déchargements sécuritaires de son carburant (kérosène).

Il n’y a aucun mécanisme de contournement de ce dispositif d’interverrouillage des freins sur ce camion-citerne d’avitaillement.

Il est normalement utilisé sur le tarmac d’un aéroport pour l’avitaillement des avions. Par contre, leur immatriculation leur permet aussi de circuler sur la voie publique.

Voici ce qui s’est passé le jour de l’accident en lien avec ce dispositif d’interverrouillage des freins, tel qu’expliqué dans le rapport de la coroner :

« L’examen, par les enquêteurs de la CNESST, du camion-citerne d’avitaillement impliqué dans l’accident permet d’établir qu’il y a une usure généralisée du mécanisme d’ouverture du rideau métallique et un mauvais serrage des boulons retenant les verrous pivotants de ce mécanisme. Ces boulons n’étant pas serrés, ils deviennent alors sensibles aux impacts et secousses du réseau routier. Le 9 août 2016, ces boulons se déplacent durant le transport et permettent une ouverture partielle du rideau métallique, ce qui déclenche le dispositif d’interverrouillage et l’arrêt soudain de ce camion. L’absence d’un mécanisme de contournement du dispositif d’interverrouillage des freins empêche le conducteur du camion de le garer dans un endroit sécuritaire. »

Pas la première fois

Ce n’était pas la première fois que ce genre de situation dangereuse se produisait.

Selon les informations obtenues par les enquêteurs de la CNESST, lors des deux seuls autres déplacements du camion sur la voie publique au début de l’année 2016, quatre arrêts intempestifs ont été rapportés à la compagnie propriétaire du camion. L’enquête de la CNESST a conclu qu’il n’y a eu aucun suivi adéquat pour corriger ce probleème avant l’accident du 9 août 2016.

« En plus des témoignages obtenus concernant les arrêts intempestifs au début de 2016 relatés dans le rapport de la CNESST, un autre témoin explique aux enquêteurs qu’il travaille pour la compagnie d’aéronautique depuis de nombreuses années et que ce camion a subi de multiples arrêts soudains en raison du mauvais serrage des boulons retenant les verrous du rideau métallique latéral du côté conducteur du camion. Ce témoin indique qu’à chaque fois, cette situation a été rapportée à la compagnie, mais qu’aucun correctif n’a été effectué », peut-on aussi lire dans le rapport d’investigation.

Dans son rapport, la coroner estime qu’il est possiblement difficile de régler ce problème de façon définitive puisque les secousses du réseau routier occasionnent des vibrations qui ont vraisemblablement pour conséquence de dévisser régulièrement les boulons de serrage concernés.

« C’est peut-être la raison pour laquelle aucun entretien spécifique n’est effectué en lien avec cette problématique au fil des années », suppose-t-elle.

Manque de mesures

De plus, les enquêteurs de la CNESST constatent que les listes d’inspection approuvées par Transport Canada n’incluent jamais l’inspection des mesures de sécurité d’un dispositif d’interverrouillage des freins.

Le rapport de la CNESST note aussi qu’une composante tel le dispositif d’interverrouillage des freins du camion-citerne d’avitaillement n’est pas ciblé par l’inspection mécanique de la SAAQ non plus.

Le décès de M. Prince aurait donc pu être évité si des mesures plus rigoureuses en lien avec le dispositif d’interverrouillage des freins avaient été déployées.

Mesures maintenant implantées

Heureusement, c’est maintenant le cas. Depuis une modification des normes en lien avec l’accident, tout camion-citerne d’avitaillement qui est équipé d’un dispositif d’interverrouillage des freins, peu importe son année de construction, doit aussi être équipé d’un voyant lumineux et d’un mécanisme de contournement du dispositif d’interverrouillage des freins si ce véhicule est appelé à circuler à plus de 40 km/h sur une voie publique, apprend-on dans le rapport d’investigation.

Ces modifications sont pour la coroner « des améliorations de sécurité à la norme et permettront assurément d’éviter un accident comme le décès de M. Prince lorsque ce type de véhicule circule sur la voie publique ».

La coroner ajoute que le camion-citerne d’avitaillement impliqué dans cet accident est un véhicule d’une génération ancienne, qu’il a  fait l’objet d’un entretien déficient et que cet accident n’est aucunement un reflet des pratiques actuelles dans l’industrie du transport.

« Pour sensibiliser l’industrie du transport à cet accident mortel, un bulletin de sécurité sera émis aux associations de camionneurs et à d’autres entités du milieu par Transport Canada pour les sensibiliser à cet événement et leur rappeler les obligations d’entretien qui leur reviennent pour la sécurité de tous les usagers du réseau routier », indique-t-elle.

Frédérica Dupuis, conseillère principale des relations avec les médias chez Transports Canada, a confirmé cette affirmation auprès du journaldesvoisins.com.

« Transports Canada a publié un avis de sécurité ayant pour titre Système de freinage à sécurité de citernes routières utilisé lors du chargement et du déchargement. Cet avis vise à informer les propriétaires de citernes routières de la présence possible d’un système de freinage de sécurité et recommande aux propriétaires de vérifier périodiquement que ce système est en bon état de fonctionnement. »

En conclusion, ce tragique incident aurait pu être évité, mais au moins, le rapport d’investigation de la coroner Stéphanie Gamache semble indiquer que des mesures ont été prises et seront prises pour éviter qu’il ne se reproduise à nouveau.



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