Sur la voie publique, en 2023 et 2024, l’utilisation d’armes à feu a quasiment disparu à Ahuntsic-Cartierville. Tandis que les infractions routières et les voies de fait ont augmenté. Néanmoins, à la faveur du développement des technologies, l’action de la police se complique avec la recrudescence d’infractions commises dans la sphère privée : fraudes, pédocriminalité, radicalisation, sans oublier les violences intrafamiliales qui portent parfois, en elles, les germes des futurs crimes.
Avec 1,26 homicide comptabilisé en 2023 pour 100 000 habitants, la Région métropolitaine de recensement (RMR) de Montréal est un endroit sûr. Ahuntsic-Cartierville aussi.
Au Canada, si le volume et la gravité des crimes déclarés par la police et mesurés par l’Indice de gravité de la criminalité (IGC), ont augmenté de 2 %, en 20 23, le nombre de victimes d’homicides est en recul avec 778 cas contre 882 en 2022. Montréal n’échappe pas à la règle avec 54 victimes d’homicides, l’an passé, contre 66 en 2022.
Fait notable, le taux d’affaires de pornographie juvénile a augmenté de 52 % en 2023 pour s’établir à 53 cas pour 100 000 habitants.
Effet de loupe
En mai dernier, le meurtre à Ahuntsic-Cartierville d’un leader d’un gang du centre-ville a eu un effet de loupe. Pourtant, les chefs des postes des quartiers d’Ahuntsic (PDQ 27) et de Bordeaux-Cartierville (PDQ 10) l’affirment : « La violence par armes à feu est globalement en baisse ces dernières années à Ahuntsic-Cartierville et l’activité des gangs n’est pas un enjeu. »
Du reste, comme le note le Pr Rémi Boivin de l’UdeM, personne ne sait lors de la commission d’un fait que le criminel appartient à un gang. A posteriori, la justice peut le déterminer, mais rarement avant. Ce que confirme Émilie Thuillier, mairesse de l’arrondissement : «Il est difficile d’attribuer a priori un acte à un gang ou au crime organisé.» Néanmoins, si des parents ont des doutes sur la radicalisation éventuelle de leur enfant ou s’il fréquente des milieux violents, «ils peuvent se tourner vers le Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence.
Sentiment de sécurité
«La tendance à la baisse des événements de violence armée observée au cours des derniers mois s’est confirmée au début de 2024», se réjouit le commandant Jean-Michel Brunet, chef du PDQ 27. «Ces résultats encourageants semblent montrer que notre stratégie reposant sur la visibilité policière, les enquêtes criminelles, la prévention et le renseignement donnent des résultats.»
Pourtant, malgré la baisse des homicides en 2023, près de deux Montréalais sur trois (65 %) disent que Montréal est moins sûre qu’il y a cinq ans. Ils ont le sentiment de vivre moins en sécurité.
Pour la mairesse de l’arrondissement, «chaque personne a son propre ressenti d’un événement. Montréal est une ville sécuritaire par rapport à des villes comparables. Ahuntsic-Cartierville l’est vraiment aussi, même si de temps en temps des événements influent sur notre sentiment de sécurité».
PDQ 27 et PDQ 10 : acteurs de la prévention
Depuis le 1er septembre, officiellement, deux nouveaux policiers, des «pp», pour patrouilleurs à pied, sillonnent le territoire d’Ahuntsic. Ils incarnent cette volonté affichée de proximité et de prévention. «Les patrouilleurs à pied sont capables de parler aux personnes en itinérance et de réagir en cas de crise», rapporte le commandant Brunet.
«Pour être un policier ici, au Québec, il faut vouloir aider son prochain, atteste aussi Yanik Laneville, chef du poste de quartier 10. […] Les statistiques demeurent assez stables [en matière] de vols simples (+3 %). La présence de commerces à grande surface et de centres commerciaux a nécessairement une influence sur l’occurrence des vols à l’étalage.»
Multiples acteurs
La police est formée aux enjeux de santé mentale, mais avoue «avoir besoin du soutien des organismes de prévention et des CIUSSS [centre intégré de santé et de services sociaux]».
«Nous ne travaillons pas tout seuls, confirme Jean-Michel Brunet. Sans tous nos partenaires tels que Concertation-Femme, Entre-Maisons, la Table de concertation sur les violences conjugales, RAP Jeunesse et même la Protection de la jeunesse, Initiative de Ré-Insertion Sociale en santé mentale (IRIS), programme régional spécialisé dans l’accueil et l’intégration des demandeurs d’asile (PRAIDA), PCAC (Prévention du crime Ahuntsic-Cartierville) avec lesquels nous menons des opérations préventives conjointes, la police ne peut pas agir efficacement.»
Au demeurant, Yanik Laneville annonce au Journal des voisins qu’à compter de janvier 2025, une équipe EMMIS [Équipe mobile de médiation et d’intervention sociale] interviendra dans l’arrondissement.
Sécurité routière
Plus généralement, selon le commandant Brunet, «la sécurité routière constitue l’un des enjeux importants dans l’arrondissement, car notre territoire comprend trois points importants qui donnent accès à Laval et de gros axes de transit comme les avenues Papineau, Christophe-Colomb et les rues Berri, Lajeunesse». La police note, par ailleurs, que dans les collisions les personnes âgées sont surreprésentées.
Fraudes en hausse à Ahuntsic
Celles-ci sont, par ailleurs, plus nombreuses parmi les victimes de fraudes à la carte bancaire, par exemple. Ahuntsic a connu une augmentation des fraudes de 73 % au cours du 2e trimestre de 2024 par rapport à la même période en 2023.
À noter que, pour les auteurs, les risques encourus sont moindres : selon M. Laneville un vol qualifié avec une arme à feu peut valoir cinq ans d’emprisonnement, tandis que «l’auteur d’une fraude de moins de 5000 $ aura une peine d’à peine deux ans. Au-delà de 5000 $, le fraudeur encourt 14 ans de prison, si la fraude a une incidence sur les marchés publics.»
Du reste, le 26 septembre dernier, s’appuyant sur une étude publiée sur le site de Project Syndicate, le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie s’est inquiété de l’expansion des fraudes et a alerté contre une «pandémie mondiale du crime organisé».
Violences intrafamiliales
Néanmoins, les facteurs de risque de la criminalité ne sont pas qu’exogènes. Ils prennent souvent racine dans la sphère privée. D’après les résultats de l’Enquête québécoise sur la violence commise par des partenaires intimes, environ 35 % des femmes en couple ont déjà subi au moins un acte de violence psychologique, 22 % au moins un acte de violence physique et 17 % au moins un acte de violence sexuelle.
Ce qui explique peut-être la présence d’agents VCI [Violence Conjugale Intrafamiliale] dans chaque poste de quartier. La police l’a bien compris : les traumatismes vécus dans la sphère privée et les fractures intrafamiliales rendent fertile le terreau de la criminalité.
Concertation-Femme
«En un an, nous avons accueilli les témoignages d’une centaine de femmes se déclarant victimes de violences conjugales, informe Maysoun Faouri, directrice générale de Concertation-Femme, un organisme à but non lucratif offrant aux femmes des services communautaires. La plupart ne veulent pas dénoncer leur mari, car elles ont peur que l’intervention de la police ne fissure la famille.»
«L’année passée, nous avons tenu un kiosque avec les agents du PDQ 10 à l’entrée du magasin Costco au Marché central, raconte Maysoun Faouri. Cette année, ce sera le 27 novembre.» Le lieu reste à déterminer.
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