Alors que plusieurs pestaient contre la lenteur du déneigement, compte tenu de la grande quantité de neige qui est tombée sur Montréal depuis trois semaines, les propriétaires montréalais apprenaient mercredi dernier que leurs comptes de taxes allaient grimper de 3,3% en moyenne et ce, malgré les promesses électorales de Projet Montréal pour taxer les Montréalais sous la barre de l’inflation.

Pour les propriétaires d’Ahuntsic-Cartierville, la facture est plus salée encore, 3,5% en moyenne. On se retrouve au sixième rang (sur 19) dans le peloton de tête des arrondissements et ce, oui, devant le Plateau Mont-Royal. Pourtant, le nord de la ville, contrairement aux quartiers centraux, ne subit pas autant de pression dans l’immobilier.

Le sourire notoire de la mairesse Valérie Plante était moins large quand elle a dévoilé le premier  budget de son administration, où, a-t-on déploré parmi certains nationalistes québécois, l’anglais a été abondamment utilisé par la mairesse de la plus importante ville française d’Amérique…

Au lendemain du jour j, Mme Plante a reconnu les ratés en termes de communication, dans les explications du budget de l’an 1 de Projet Montréal. Elle a joué avec les mots;  désolé, la hausse des taxes est plus importante que l’inflation lorsque le contribuable recevra sa facture globale en février. Quand journaldesvoisins.com lui avait posé la question des taxes au Cégep Ahuntsic, l’automne dernier, elle avait été pourtant très limpide là-dessus, mais cela, c’était avant l’élection municipale…

Budget scruté de près…

Le budget sera épluché cette semaine par les directeurs de chaque service. Mais plusieurs ont lancé des messages en vue de sa révision, compte tenu qu’il envoie un très mauvais signal en début de mandat, notamment aux familles qui veulent s’installer dans la grande ville.

Pourtant, il y a une douzaine d’années, l’ex-maire Gérald Tremblay avait reculé après avoir présenté un budget un peu trop gourmand; il a reconnu son erreur (le lien de confiance brisée avec la population) et a finalement baissé les taxes.

« Ce fut un exercice de mécontentement assez général, le bris d’un engagement, et une perte de crédibilité, a estimé  Danielle Pilette du Département de Stratégie, responsabilité sociale et environnementale (ESG-UQAM). Mais l’effet éventuel sur l’électorat montréalais restera à démontrer et pourrait se révéler quasi-inexistant. Le problème par contre, c’est que ce budget montréalais  ne fait rien pour améliorer son attractivité pour les jeunes familles propriétaires. Et qu’il mécontente aussi les petits commerçants. L’art de susciter de l’adversité, il restera à voir s’il se prolonge ou pas » a-t-elle analysé pour journaldesvoisins.com.

L’ajout de 300 autobus hybride (surtout financé par Québec), annoncé la veille de la présentation du budget, a été un bon coup,  mais Mme Pilette rappelle que d’autres pans du programme de Valérie Plante sont liés à du financement de Québec et d’Ottawa et qu’elle aurait pu battre le fer pendant qu’il était chaud.

« Ce qu’on peut reprocher aussi à cette opération budgétaire, c’est de ne pas placer suffisamment de pression sur le gouvernement du Québec en faveur de ses citoyens. Il y avait une fenêtre d’opportunité unique en cette année électorale provinciale. Le gouvernement du Québec avait peur de la mairesse et des citoyens des comtés montréalais. C’était l’occasion de demander non seulement des autobus, mais aussi un programme encadré d’aide à la rénovation des logements. Surtout que les locataires résidentiels constituent une grande partie de l’électorat de l’équipe en place. Un ajout d’inspecteurs de la salubrité, ce n’est pas suffisant. Il faut aider et inciter les proprios à rénover, sous conditions de garder les logements locatifs un certain temps. Et pour un tel programme, il faut faire appel au gouvernement du Québec, peut-être aussi du Canada. Ce fut une occasion ratée, et aujourd’hui, la mairesse a certainement déjà perdu le momentum en influence auprès des gouvernements supérieurs », a-t-elle expliqué.

Autres tuiles

En réaction au budget, même une association de locataires, pourtant proche du parti au pouvoir, a déploré la hausse des taxes qui sera refilée à ceux qui payent un loyer. Et, en plus, dans un autre registre, les maires de l’agglomération sont allés au bâton pour dénoncer  l’augmentation des dépenses qui est imposée par Montréal à leurs villes, soit 5,4%.

« Ils (les maires de la banlieue) ont beaucoup d’influence auprès du gouvernement du Québec, encore davantage dans le contexte de l’élection prochaine », a noté l’experte des questions urbanistiques.

L’un des problèmes vient, dit-on, des coûts (encore) des conventions collectives des policiers et pompiers, pourtant déjà reconnues pour être déjà généreuses. Les signatures des contrats par l’ex-maire Coderre ont coûté «cher», a reconnu Benoit Dorais, qui a remplacé Pierre Desrochers (il était conseiller de Saint-Sulpice dans Ahuntsic) comme président du comité exécutif de la Ville. Bref, on a encore acheté la paix syndicale à gros prix…

Pour les policiers, la convention prévoit une modification des régimes de retraite et des hausses de salaires autour de 2% d’ici trois ans, sans compter les primes de toutes sortes. En retour, la ville a obtenu un (rare)  «gain» et embauchera une centaine d’apprentis-policiers pour gérer la circulation autour de chantiers, afin de couper dans le temps supplémentaire des plus grands.

Pour les pompiers, la Ville devra verser l’équivalent de 2,5% de leurs salaires pendant 15 ans en raison d’une vieille  clause portant sur les régimes de retraite.

Sur le plan judiciaire, il y aura des embauches pour réduire les temps d’attente en cour municipale, gracieuseté de l’arrêt Jordan. Preuve comme quoi l’embauche municipale coûte un «bras», la création de seulement sept postes coûtera 880 000 $.

En contrepartie, l’administration Plante-Dorais injectera 5,4 millions $ de plus dans le colmatage des nids-de-poule et revampera beaucoup plus de rues que l’an passé. De surcroit, l’on prévoit enfin sécuriser des dizaines d’intersections et des passages sous les viaducs.

En bout de piste, le budget serait de près de 5,5 milliards $. Et les dépenses augmenteraient de 5,2% par rapport à 2017 alors que l’inflation prévue (révisée par le Conference Board) serait de  1,7 pour cent à Montréal, une différence «énorme».

« C’est beaucoup, a estimé Danielle Pilette. Surtout que cette augmentation majeure inclut une augmentation des immobilisations payées comptant au budget de fonctionnement. Alors qu’on aurait pu procéder à la production du budget d’investissement (PTI) 2018-2020, faire le point sur le taux de réalisation du budget d’investissement 2017-2019 adopté par l’administration précédente, et en produire une analyse au bénéfice des citoyens, quitte à augmenter les dépenses de fonctionnement au prochain budget. À partir de l’augmentation des dépenses budgétées 2018, là, il faut davantage de revenus. D’où les augmentations de taxes. En vieille politique, c’est opportun de procéder dès maintenant  », a-t-elle toutefois reconnu.

En fait, on sait que les Québécois oublient vite malgré la devise officielle. On fait donc le pari que l’on ne parlerait même plus de ce budget dans quatre ans, à la prochaine élection.

Autre raison de cette stratégie, selon Mme Pilette, c’est le fait qu’en période de fort «dynamisme» du marché immobilier, les contribuables voient leurs investissements prendre de la valeur.

« C’est qu’une augmentation en début de mandat permet de ralentir le rythme des hausses par la suite, avec un maximum de rendement puisque le faible taux futur s’applique à une base fiscale déjà bonifiée (pensons à l’inverse de l’effet des intérêts composés) ».

Bon à savoir : dans la Ville de Québec, le compte de taxes est encore gelé pour presque tous les contribuables et ce, pour une deuxième année de suite alors qu’à Longueuil, la hausse frise le zéro pour cent. Enfin à Laval, la hausse  moyenne n’est que de 1,4%.

Si l’on fie à ce qui se passe à Montréal depuis belle lurette,  ne pensez pas à ça et sortez vos espèces sonnantes et trébuchantes le 1er mars.

 



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