Depuis quelques jours une pétition circule à Montréal pour réclamer le changement du nom de l’avenue Christophe-Colomb. Les signataires estiment inapproprié le fait de commémorer un personnage historique de plus en plus contesté, dont le rôle dans les massacres des autochtones n’est plus un secret. Le Journal des voisins révèle le passé de celui qui est à l’origine de la pétition, Ray Coelho, qui s’est fait connaître au sein de la mouvance de l’extrême droite. Enquête.
La Presse, Radio Canada, Qub Radio, Métro, TVA Nouvelles, City News… en quelques jours Ray Coelho s’est affiché dans de nombreux médias. Il a lancé une pétition pour renommer l’avenue qui porte le nom du «découvreur de l’Amérique», Christophe Colomb, à Montréal. Il lui reproche son rôle dans de nombreuses exactions historiques, et réclame un nouveau nom pour cette grande artère montréalaise (voir encadré en fin d’article).
L’homme de 34 ans passe toutefois sous silence son implication dans l’extrême droite, et est bien loin du cliché de wokiste que certains lui ont accolé.
«Étudiant en science politique à l’Université Concordia», ou encore «citoyen de Montréal». Deux qualificatifs accolés au nom de Ray Coelho, pour le présenter dans les articles parus ces derniers jours. Pourtant, l’homme n’est pas un étudiant comme les autres.
Il suffit en effet de quelques recherches sur Internet pour découvrir qu’il y a quatre ans seulement, Ralston Coelho était le candidat du Parti nationaliste canadien (PNC) pour la circonscription montréalaise de Lac-Saint-Louis, lors des élections fédérales de 2019.
Un parti aux accents néo-nazis
Celui qui se fait appeler Ray était en effet le porte-bannière de ce parti d’extrême droite qualifié de «néo-nazi» par le Réseau canadien anti-haine, un organisme à but non lucratif indépendant. Contacté par le Journal des voisins, Ray Coelho s’est montré très mal à l’aise à l’évocation de sa candidature en 2019: «C’est quelque chose dont je ne parle pas car je ne suis plus associé à ce groupe. Je ne fréquente plus ses membres.» À la question de savoir s’il regrette sa candidature au PNC, sa réponse est «oui».
Fondé en 2017 par Travis Scott, le PNC est officiellement reconnu en 2019. Une ambition: s’assurer que la population d’ascendance européenne reste majoritaire.
C’est un parti connu pour ses convictions anti-immigration et anti-LGBTQI+, ainsi que ses positions antisémites. Le parti comptait notamment parmi ses membres le suprémaciste blanc Paul Fromm, qui entretient des liens avec le Klu Klux Klan.
Malgré ses ambitions, le Parti nationaliste canadien est resté marginal. Il récolte même le pire résultat électoral des 22 partis présents aux élections fédérales de 2019, avec un total de 281 votes, selon les données d’Élections Canada. Le candidat Ray Coelho obtient de son côté 28 voix.
Le Parti nationaliste canadien est finalement radié en mars 2022. Travis Scott a quant à lui écopé d’un an de prison ferme en 2022, pour avoir tenu des discours haineux à l’égard des Juifs. Mais qu’est-ce qui a pu pousser un fils d’immigrés venus d’Inde à s’engager politiquement auprès de l’extrême droite néo-nazie?
Des lectures complotistes et antisémites
De ses activités sur les réseaux sociaux, il ne reste presque plus rien qui date d’avant 2020. Certains internautes s’interrogent d’ailleurs sur les véritables intentions de Ray Coelho.
On note sur son fil Facebook la publication en mai 2020 d’une photo de livres. Ray Coelho partage en effet ses lectures: Solving 9-11, en deux tomes, et The war on terror par Christopher Bollyn.
L’auteur y déroule une thèse complotiste, selon laquelle les attentats du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center seraient une orchestration d’Israël et des «Juifs». Une lecture que Ray Coelho recommande aux autres, pour «découvrir ce qui s’est passé».
Trois pétitions et une cagnotte participative
Ray Coelho en est à sa troisième pétition médiatisée. En 2021, il lance une pétition contre la fluoration de l’eau à Pointe-Claire, associée à une cagnotte participative qui a déjà récolté pas moins de 3640 $.
Puis début 2023, il en crée une nouvelle pour réclamer le changement du nom de l’avenue Colombus dans cette même ville (nom anglais de l’explorateur Colomb). Une demande qui a essuyé le refus du conseil municipal de Pointe-Claire.
Fin juin, c’est pour changer le nom de l’avenue Christophe-Colomb à Montréal qu’il lance une troisième pétition. «Je fais du porte-à-porte sur l’avenue Christophe-Colomb pour demander aux habitants de signer la pétition et la grande majorité est pour. Quand ils ne sont pas là, je laisse un prospectus dans la boîte aux lettres», explique-t-il.
Revenir à l’ancien nom de l’avenue Christophe-Colomb?
Depuis quelques années, Christophe Colomb, explorateur génois du 15e siècle, est la cible des militants. «Je propose que l’on revienne simplement à l’ancien nom qui était boulevard des Ormes, déclare Ray Coelho; c’est un joli nom qui fait référence à un arbre.» En avril dernier, avant la pétition du controversé Ray Coelho, le militant mohawk Sean French a sillonné l’avenue Christophe-Colomb de part en part, un drapeau warrior à la main, pour attirer l’attention de l’opinion publique.
Cette avenue de 8,5 km fait partie des artères principales de Montréal. De la rue Rachel au boulevard Gouin, elle traverse plusieurs arrondissements dont Ahuntsic-Cartierville. Alors que l’explorateur est toujours représenté dans la plupart des manuels scolaires comme celui qui a découvert les Amériques, son image glorieuse est pourtant entachée de nombreuses exactions.
«Christophe Colomb est associé à un héritage historique qui montre l’esclavage, le viol, le racisme, le génocide… C’est ce que les études disent, comme par exemple celle de l’université de Yale aux États-Unis. (…) Tout le monde peut le découvrir avec une simple recherche Google», souligne Ray Coelho. Le jeune homme déposera donc la pétition devant le conseil municipal de Montréal et espère qu’il se prononcera en sa faveur. Une décision qui pourrait pousser Pointe-Claire à en faire de même avec la rue Colombus.
En 2019, la Ville de Montréal avait déjà débaptisé la rue Amherst, un officier britannique ayant donné des couvertures contaminées par la variole à des autochtones. La rue a ainsi été renommée «Atateken», un nom mohawk qui rend hommage à l’histoire autochtone de la métropole. Aux États-Unis, des villes telles que Minneapolis, Los Angeles, San Francisco, Denver, Austin et Seattle ont également déboulonné des statues à l’effigie du conquérant espagnol.
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