Laissé à l’abandon depuis sa fermeture au public en 2008, le Site des Moulins du Sault-au-Récollet récolte nombre de graffitis. (Photo: Courtoisie SHAC)

Le Site des Moulins du Sault-au-Récollet fête bientôt son 300e anniversaire. C’est en effet en 1724 que le site voit le jour, avec la construction d’une digue. Deux ans plus tard, le premier moulin est érigé. Pour l’occasion, la Société d’histoire d’Ahuntsic-Cartierville organise deux soirées ouvertes au public. L’occasion de (re)découvrir le passé riche de ce lieu-phare de l’arrondissement.

La Société d’histoire d’Ahuntsic-Cartierville (SHAC) organise deux soirées pour célébrer le Site des Moulins du Sault-au-Récollet: les 18 août et 1er septembre 2023.

Au programme pour les deux dates: dès 19 h une visite guidée théâtrale, à la découverte de l’histoire populaire et patrimoniale du lieu. Idéale pour toute la famille, elle fera un retour dans le passé grâce à une performance des animateurs de la Maison du Pressoir. Le public est invité à se rendre directement à la Maison du Meunier en cas de beau temps. Si la pluie est au rendez-vous, la soirée se déroulera à la Maison du Pressoir.

Puis à 20 h, une projection en plein air retracera les grands moments historiques du Site des Moulins du Sault-au-Récollet. La SHAC présentera en effet des extraits de ses nouvelles capsules vidéo historiques, réalisées en partenariat avec Musées numériques Canada.

«Le Site des Moulins est un lieu extraordinaire. On dit souvent loin des yeux, loin du cœur: le site se trouvant dans le Nord de la ville, il reste bien souvent méconnu. Construire ainsi une digue pour harnacher le pouvoir d’une rivière dans les années 1720, il n’y a pourtant pas d’équivalent au Québec!» témoigne Stéphane Tessier, interprète en patrimoine.

En outre, un site Internet dédié à l’histoire du lieu sera accessible à partir du 10 août prochain. Financé par Musées numériques Canada, Les moulins de l’Île-de-la-Visitation au Sault-au-Récollet hébergera une vingtaine de capsules vidéo, mais aussi des cartes, des illustrations et des faits historiques.

Mise à jour le 10 août 2023: le nouveau site est en ligne.

300 ans d’Histoire

Si Ahuntsic-Cartierville accueillait aussi à l’époque le Moulin du Gros-Sault (aux abords de l’île Perry), le Site des Moulins du Sault-au-Récollet est unique en son genre. Véritable prouesse technique pour l’époque, c’est grâce au meunier Simon Sicard que le site voit le jour. C’est en effet le seul au Québec à comprendre trois moulins, érigés sur une digue, ainsi qu’un bassin d’eau.

En 1724, le chantier débute avec la construction de la digue qui relie encore aujourd’hui l’île de la Visitation à l’île de Montréal. Le premier moulin à scie est ensuite érigé en 1726, suivi du moulin à farine en 1727, devenu l’actuelle Maison du Meunier. Plus tard, un troisième moulin (à farine puis à carder) vient compléter le site.

Les Moulins du Sault-au-Récollet ont servi à la production de carton durant la révolution industrielle. (Photo: courtoisie SHAC)

Leur usage a évolué au fil du temps, bien que les historiens le répartissent en grandes périodes. Lors du régime seigneurial, les moulins servent notamment à produire de la farine, en transformant le blé. Les riverains vont également y payer leur taxe aux seigneurs.

Dès la moitié du 19e siècle, des hommes d’affaires tels que Pascal Persillier (dit Lachapelle) entrent en scène. Personnage clé de l’histoire de Montréal, c’est lui-même qui fera construire le pont Lachapelle et le pont Viau.

Durant la révolution industrielle, les Moulins du Sault-au-Récollet sont améliorés avec l’arrivée des turbines. Le site, qui produisait alors des clous, devient un producteur de carton.

Exporté en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale, ce carton sert à couvrir les fenêtres des Londoniens lors des bombardements allemands. Au Québec, la production sert quant à elle à la construction (isolation des toits) ou encore aux semelles des chaussures.

La production cesse finalement dans les années 1960, puis laisse place à la dernière période des Moulins. Les années 1970 voient en effet l’arrêt total des turbines et autres mécanismes: les bâtisses servent désormais au stockage et à l’entreposage.

Bien que détruit en partie dans les années 1990, le Site des Moulins témoigne encore des différentes époques dans sa construction. Toutefois, sa clôture a ouvert la porte à l’exploration urbaine de quelques artistes. (Photo: Anne Marie Parent, JDV)

Valeur populaire

De plus, les Moulins du Sault-au-Récollet témoignent d’une riche histoire populaire, étant au cœur d’une vie de village durant plusieurs siècles. Le meunier était le principal acteur de cette histoire.

Engagé pour trois ans, celui-ci doit faire ses preuves avant de signer un nouveau contrat de 99 ans. Responsable d’un apprenti, le meunier occupe une profession qui se pratique bien souvent de père en fils. Véritables agents commerciaux (par la vente de leur farine), les meuniers doivent parfois se frotter à la colère des villageois.

«Les révolutions surviennent bien souvent lorsque les gens ont faim. Si un meunier était mauvais ou que sa farine l’était, le village était en rébellion. Le meunier en devenait alors la cible», explique Stéphane Tessier.

Entré dans notre vocabulaire populaire, le métier de meunier n’était donc pas de tout repos. L’expression Moulin rouge, par exemple, désigne la mort d’un meunier au sein de son moulin. Les poussières de farine provoquaient en effet bien souvent des incendies, comme celui de 1946 qui détruit les mécanismes de la Maison du Meunier du parc-nature de l’Île-de-la-Visitation.

Quant à l’expression Entrer comme dans un moulin, qui fait référence aux allées et venues des ânes au sein de ceux-ci, elle ne concernait en tout cas pas les femmes de l’époque! Il était en effet interdit pour elles d’entrer au moulin, à moins que la différence d’âge avec le meunier soit significative. Autrement, le meunier devait se frotter à plus d’un cancan de la part de ses voisins.

La Maison du Meunier, sur le Site des Moulins du Sault-au-Récollet. (Photo: Anne Marie Parent, JDV)

Défense du patrimoine

La Ville de Montréal acquiert finalement le Site des Moulins du Sault-au-Récollet en 1979, ainsi que la Maison du Pressoir. Cette dernière entre alors au Patrimoine culturel du Québec. La Ville détruit ensuite une partie du site en 1998. Malgré tout, le lieu témoigne encore des différentes époques de construction.

Depuis 2008, le site est fermé au public pour des raisons de sécurité. L’organisme Cité historia, alors responsable du Site des Moulins, fait faillite en 2016.

Dès lors, l’entretien du site commence à manquer. La végétation, mise au cœur de la refonte du lieu, fragilise désormais les fondations des murs et dalles de ciment. Nombre de graffitis témoignent également du passage de quelques réticents aux règles.

Un nouvel organisme est toutefois en cours de création, laissant entrevoir un lendemain pour le site historique. La SHAC collabore en effet avec l’arrondissement et le Service des grands parcs pour rendre sa superbe aux Moulins. Par ailleurs, la SHAC recherche activement une personne qui réalise des maquettes pour son projet autour du Site des Moulins du Sault-au-Récollet.



Restez informé

en vous abonnant à notre infolettre


Vous appréciez cette publication du Journal des voisins? Nous avons besoin de vous pour continuer à produire de l’information indépendante de qualité et d’intérêt public. Toute adhésion faite au Journal des voisins donne droit à un reçu fiscal.

Nous recueillons des données pour alimenter nos bases de données. Pour plus d’informations, veuillez vous reporter à notre politique de confidentialité.

Tout commentaire sera le bienvenu et publié sous réserve de modération basée sur la Nétiquette du JDV.

S'abonner
me prévenir de
guest
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Voir tous les commentaires
Vous pourriez aussi aimer ces articles

Les femmes d’acier ont enfin leur murale hommage

Le chalet du parc Saint-Simon-Apôtre rend désormais le juste hommage aux femmes…

Protéger notre patrimoine, un enjeu

Le 1er mai dernier, une nouvelle saison des Rendez-vous citoyens du Journal des…
Bague de Jésuite Fort-Lorette

Fort-Lorette livre de nouveaux secrets

Les premières découvertes de la dernière campagne de fouilles sur le site…

Ahuntsic-Cartierville : encore riche en zones humides il y a 75 ans!

Cette chronique de Jacques Lebleu, président de la Société d’histoire d’Ahuntsic-Cartierville, est…