Cet article est tiré du numéro de la rentrée du Journal des voisins (version imprimée) dont le dossier principal est consacré au climat.
S’adapter au réchauffement climatique et réduire les GES (gaz à effet de serre) émis par les transports ou par le bâtiment, cela signifie agir concrètement sur la vie des gens. En cela, outre les solutions innovantes telles que la création d’un espace Colibri pour limiter la circulation des gros camions dans les rues d’Ahuntsic-Cartierville ou encore celle de parcs et de rues éponges pour faire face aux inondations, l’implication de la population dans les politiques menées s’avère incontournable.
La Ville de Montréal, le Québec et même le Canada ont pour objectif «d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050». Vastes programmes qui nécessitent une mobilisation tous azimuts et notamment celle des citoyennes et citoyens. Montréal en a fait la pierre angulaire de son Plan climat 2020-2030, adopté en décembre 2020. Le gouvernement y a contribué à hauteur de 117 M$ pour la carboneutralité du parc immobilier municipal et pour l’installation de 800 bornes de recharge publiques pour les véhicules électriques. Ce plan climat contient 46 actions regroupées en cinq chantiers d’intervention, dont le premier vise précisément la mobilisation de la communauté montréalaise.
Un événement mobilisateur récurrent
La troisième édition du Sommet Climat Montréal, organisé en mai dernier par le Partenariat Climat Montréal (PCM), s’inscrit dans cette démarche. Cet instrument mobilisateur a été l’occasion d’annonces importantes en matière de réduction des GES, d’économie circulaire et de finance durable.
Sommet du climat 2024 : quelques annonces
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- – Près de 10 M$ accordés par le gouvernement à un projet de récupération de la chaleur qui va réduire les émissions de GES de 10 000 tonnes (Énergir, gouvernement du Québec)
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- – Plantation de plus de 200 000 arbres dans l’Est de Montréal (gouvernement du Canada et Montréal dont 40 000 000 $ pris en charge par la Ville, soit 60 % de la valeur totale)
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- – Huit universités ont annoncé qu’elles allaient collaborer pour «accélérer l’action climatique […] en partageant leurs savoirs et leurs pratiques»
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- – Création d’un comité stratégique pour diversifier l’approvisionnement énergétique de la ville par la création de réseaux thermiques urbains (Montréal, gouvernement du Québec et Hydro-Québec)
Circulation routière en hausse
Ces efforts conjoints semblent inéluctables au regard des chiffres. Certes, les émissions de GES ont baissé de 26 % depuis 1990, selon L’inventaire 2022 du Bureau de la transition écologique et de la résilience (BTER). La Ville table pour sa part sur une réduction de 55 % d’ici 2030. Néanmoins, celles-ci ont atteint 11 179 kt éq. CO2, en 2022. Ce qui représente une hausse de 7 % par rapport à 2021. Avec 42,7 %, le secteur des transports est le premier émetteur de GES, dont 71,9 % rien que pour le transport routier.
D’où vient cette hausse? Le BTER l’impute à une utilisation accrue des véhicules. Selon Statistique Canada en mai 2023, la proportion des personnes qui se rendaient au travail en automobile était pourtant inférieure de 2,7 points à ce qu’elle était en mai 2021 à Montréal. Néanmoins, avec 72,8 %, cette statistique reste élevée et l’utilisation de l’auto solo [une seule personne dans une voiture pour effectuer un trajet routinier] semble bien ancrée dans les pratiques individuelles.
Pour infléchir cette tendance, les leviers semblent multiples : le transport collectif, l’autopartage et la mobilité active avec notamment le REV [Réseau express vélo, soit 191 km de voies cyclables protégées dans Montréal].
Transport collectif : la clé?
Pour désengorger les axes routiers, le développement des transports collectifs s’avère essentiel. «Sur Henri-Bourassa, par exemple, plus de 50 000 personnes transitent par jour grâce au transport collectif, informe Julie Roy, élue municipale et présidente de la Commission sur l’eau, l’environnement, le développement durable. C’est l’un des plus gros axes de toute la STM [Société de transport de Montréal]. Et le transport actif [comme le vélo] ne pourra jamais rivaliser; le vélo est juste un complément.»
Dans son rapport d’activité 2023, la STM a comptabilisé plus de 288 millions de déplacements, soit une augmentation de 21 % comparativement à 2022. Cette augmentation s’explique selon la STM, «entre autres, par le retour en présentiel de télétravailleurs, par la reprise du tourisme et par la gratuité à 65 ans et plus, mesure promue par la Ville ».
Ainsi, en 2023, la ligne de bus 121 Sauvé – Côte Vertu était la deuxième la plus achalandée du réseau, à Montréal. Selon les données collectées par la STM pour le Journal des voisins, environ 173 308 déplacements quotidiens ont été enregistrés, en moyenne, sur les lignes d’autobus transitant par l’arrondissement sur la période la plus achalandée, du 25 mars au 16 juin 2024.
Densification urbaine
D’ailleurs, certains souhaitent déjà la création de nouvelles infrastructures de transport pour mieux «quadriller» la circulation. Ainsi, Mark Purdon, professeur à l’UQAM, préconise la création d’un organisme «chapeautant la planification de l’aménagement territorial, les transports routiers et les transports collectifs. Nous voyons des organisations comme celle-ci en Californie et elles ont très bien réussi à identifier les mesures politiques nécessaires pour obtenir les réductions requises. La CMM [Communauté métropolitaine de Montréal qui regroupe 82 municipalités] aspire peut-être à [jouer] ce rôle, mais l’ARTM [autorité régionale de transport métropolitain] et le MTQ [ministère des Transports et de la mobilité durable du Québec] planifient encore souvent le transport en commun et le transport routier séparément. Le Fonds pour le transport en commun du Canada, récemment annoncé par le gouvernement fédéral, facilitera le financement des efforts régionaux de décarbonation.»
En effet, le Fonds pour le transport en commun du Canada devrait permettre d’accorder 20 milliards de dollars sur 10 ans aux régions métropolitaines (annonce du 17 juillet 2024).
«[Pour réduire les GES], une densification douce par la requalification du zonage autour du REM permettrait de transformer des bungalows en duplex, par exemple, plaide pour sa part David Alfaro Clark, urbaniste. Il faudrait aussi créer une entité publique pour avoir une vision d’ensemble pour redévelopper la ville et coordonner les aménagements afin de ne pas être à la remorque des promoteurs.»
Autopartage vs auto solo
Comme de telles mesures ne sont pas pour demain, quelles actions sont à privilégier dans Ahuntsic-Cartierville? Encourager l’autopartage pour les véhicules privés ou l’utilisation de Communauto [3263 abonnés Flex dans l’arrondissement en 2022; source : Plan local de déplacements d’Ahuntsic-Cartierville, (PLD)] fait aussi partie de l’équation visant à réduire les émissions de GES.
Vers un espace Colibri à Ahuntsic-Cartierville?
Par ailleurs, comme le transport routier génère beaucoup de GES, le JDV a appris qu’une piste encore plus sérieuse était à l’étude en ce moment : la création d’un espace Colibri dans le nord de l’Île-de-Montréal, comme à Maisonneuve et sur le Plateau (Iberville). Il desservirait non seulement Ahuntsic-Cartierville, mais aussi Saint-Laurent et Montréal-Nord.
De quoi s’agit-il? «Tous les camions arrivant du pont iraient déposer leurs stocks dans un hub de logistique qui serait situé, par exemple, au Marché central ou sur Henri-Bourassa, décrit Julie Roy. Ensuite, ils repartiraient sur les axes principaux sans [emprunter] les rues locales. Le “dernier kilomètre” [à effectuer] pour la livraison serait alors réalisé de manière plus douce avec des vélos cargos ou avec des tout petits camions électriques.»
«Nous n’avons pas d’échéancier pour l’instant, précise-t-elle, mais c’était dans le PPU District Central [Plan particulier d’urbanisme] voté en juillet dernier, argumente-t-elle.»
Comment convaincre?
L’Arrondissement veut favoriser l’implication des habitants, comme avec son PLD, qui a été élaboré à la suite d’une démarche de consultation publique à laquelle un millier de personnes ont participé.
Il multiplie aussi les initiatives comme la subvention pour le vélo d’hiver, «qui a un grand succès», selon Julie Roy, avec plus de 500 dossiers reçus chaque année pour cent places accordées. Cette aide à l’achat des pneus d’hiver pour vélo, d’environ 200 $, vise à «convaincre les cyclistes qui hésitent à franchir le pas et à faire du vélo tout au long de l’année».
Pour persuader les récalcitrants, l’Arrondissement se veut rassurant. «[Nous n’appliquons pas] un programme dogmatique, assure Julie Roy. Nous nous basons non seulement sur les bonnes pratiques appliquées dans plusieurs villes, mais aussi sur le rapport du GIEC et sur tout ce que les scientifiques nous disent sur l’urgence climatique.»
Plus de 1,4 milliard de dollars seront investis dans les cinq prochaines années (2024-2029) par le gouvernement pour réduire les GES dans le bâtiment. De plus, depuis le 31 décembre 2021, le Règlement sur les appareils de chauffage au mazout interdit progressivement le recours au mazout.
L’adoption en janvier dernier de la Loi sur la performance environnementale des bâtiments (PL 41), prévoit d’instaurer un système de déclaration, de cotation de la performance énergétique des grands bâtiments (résidentiel, commercial et institutionnel); de rehausser les exigences visant les nouvelles constructions et les rénovations (en cours de développement); d’encadrer l’utilisation des combustibles fossiles dans les bâtiments.Julie Roy souhaite pour sa part «une accélération [des réductions de GES] dans le secteur du bâtiment avec le développement des thermopompes».
Cette technologie intelligente utilise l’électricité pour chauffer ou refroidir un bâtiment.
Mark Purdon partage le même avis : «L’utilisation élargie des thermopompes pourrait permettre de réduire considérablement la consommation d’électricité dans les bâtiments.»
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