Cet éditorial est paru dans la version imprimée du Journal des voisins,
le Mag papier de juin-juillet 2023, à la page 2.

Caricature du MAG de juin-juillet 2023 / Crise du logement. (Illustration: Martin Patenaude-Monette)

En matière d’habitation, on trouve de tout à Ahuntsic-Cartierville: des logements de luxe et des taudis; des immeubles flambant neufs et des maisons centenaires; des bungalows et des tours à condos; des petits plex et des grands blocs d’appartements. Mais si vous essayez ces jours-ci de trouver un logement à louer ou à acheter, vous constaterez vite que les logements disponibles — et abordables! — se font rares dans l’arrondissement.

Relativement épargné jusqu’ici par la crise du logement qui s’aggrave depuis des années à Montréal, Ahuntsic-Cartierville fait maintenant face aux pressions spéculatives observées auparavant dans les quartiers centraux. Les conséquences ne se font pas attendre: explosions des loyers, évictions de locataires et reprises de logements; difficultés d’accès à la propriété pour les jeunes acheteurs, hausse de taxes foncières, surenchères immobilières.

Ici comme ailleurs, la pandémie a empiré la situation. Les mises en chantier, dont les coûts ont bondi, ne suffisent pas à combler les besoins — en tout cas pas ceux des moins nantis. Et on ne peut pas dire que les gouvernements supérieurs soient particulièrement proactifs pour soutenir la création de logements hors marché.

Les deux tours du projet Voltige, à l’angle du boulevard l’Acadie et de la rue Sauvé. (photo : François Robert-Durand, archives JDV)

Ottawa aura beau vanter ses nouvelles mesures de soutien au logement comme le Compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP) ou la bonification du crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation, il y a bientôt 30 ans que le gouvernement fédéral s’est retiré du financement du logement social et communautaire. Et voilà maintenant que Québec s’en lave les mains également en mettant au rancart le programme Accès-Logis, qui (sous-)finançait les projets de logements sociaux et communautaires, au profit du nouveau Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ) qui prétend vouloir «accroître l’offre de logements abordables et adéquats» en finançant des projets sur le marché privé!

Avec des moyens financiers limités et des pouvoirs restreints, la Ville de Montréal a bien du mal à passer de la parole aux actes en matière d’habitation sociale et communautaire. Ainsi, juste dans notre arrondissement, quelque 1500 ménages auraient besoin d’une place dans un HLM, une coop ou un OSBL d’habitation.

Le premier HLM construit dans Ahuntsic-Cartierville, sur la rue Émile-Journault, dans le district de Saint-Sulpice. (Photo: François Robert-Durand, JDV)

Il existe pourtant de vastes immeubles, parfois complètement vides, qui pourraient loger des dizaines de familles. Un exemple: l’ancien couvent des Sœurs de la Miséricorde, à Cartierville, vacant depuis 2019 et dont la conversion est bloquée à la suite de la faillite douteuse d’un promoteur (voir nos reportages parus en février 2020 puis en octobre 2020 sur cet édifice abandonné). Évidemment, il faudrait y réaliser des travaux de quelques millions de dollars, des millions que ni Québec, ni Ottawa ne semblent vouloir mettre sur la table.

On aurait pu s’attendre à ce que Effie Giannou, conseillère de Bordeaux-Cartierville, Emilie Thuillier, mairesse d’arrondissement, André A. Morin, député provincial, ou Mélanie Joly, députée et ministre fédérale, se saisissent de ce dossier. Ils auraient pu s’impliquer pour que cet immeuble patrimonial trouve une nouvelle vocation en phase avec les besoins locaux.

Deux autres vastes immeubles qui pourraient être convertis: l’ex-Polyclinique de Montréal, un édifice à l’architecture moderne et distinctive, angle Grenet et de Serres, vide depuis plus de six mois et qui est à vendre, ainsi que le Loblaws du boulevard Henri-Bourassa, à deux pas du Collège de Bois-de-Boulogne, qui offre aussi de vastes stationnements où on pourrait construire des dizaines de logements.

L’ancien Loblaws, sur Henri-Bourassa Ouest. (Photo: François Robert-Durand, JDV)

Mais le temps passe et rien ne bouge…
Encore une chance que certains dossiers finissent par débloquer, comme ces deux immeubles de Cartierville récupérés récemment par Interloge (voir notre reportage paru en avril 2023), rue Lachapelle, dont les 79 appartements seront loués en deçà des prix courants. Des nouvelles comme ça, on en voudrait davantage. Parce que la situation actuelle est intenable.

Des locataires qui se retrouvent à la rue le 1er juillet, faute d’avoir trouvé un logement abordable ou après avoir été expulsés de leur appartement. D’autres qui doivent rester dans des logements inadéquats, voire insalubres, faute d’avoir la possibilité de se reloger. De jeunes professionnels qui doivent s’exiler en banlieue pour accéder à la propriété faute d’avoir la capacité financière de se payer ne serait-ce qu’un petit condo. Des aînés qui doivent vendre leur maison faute d’être en mesure d’assumer la hausse des taxes…

Face à la crise du logement, deux solutions s’imposent: freiner la spéculation en sortant un maximum d’immeubles du marché privé et augmenter l’offre en densifiant le bâti résidentiel. Or, dans une ancienne banlieue urbaine façonnée autour du modèle de la maison unifamiliale et de la voiture familiale, la densification représente un changement de paradigme qui bouleverse les habitudes.

Vue générale du site du futur écoquartier Louvain Est
Le site du futur écoquartier Louvain Est vu du côté de l’avenue Christophe-Colomb. (Photo: courtoisie Ville de Montréal)

Et en logement comme en environnement, le réflexe du «pas dans ma cour» fait vite surface. Ainsi, dans Saint-Sulpice le projet de création de l’écoquartier Louvain Est suscite des craintes dans le voisinage quant à d’éventuels problèmes de mixité sociale et de stationnement. Les voisins inquiets peuvent dormir sur leurs deux oreilles parce qu’au rythme où vont les choses, on attendra encore longtemps les 800 à 1000 logements qui doivent voir le jour sur le site Louvain!

Ce texte fait partie du Dossier Logements du Mag de juin-juillet 2023, duquel plusieurs autres articles sont reproduits.

1- Rareté des logements: locataires sous pression 

2- Les loyers sont chers à Ahuntsic-Cartierville



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