Enseignes de Loterie vidéo devant plusieurs bars d’Ahuntsic-Cartierville. (Photo: Toma Iczkovits, collaboration spéciale)

Ahuntsic-Cartierville compte au moins 220 appareils de loterie vidéo, installés dans une trentaine d’établissements disséminés sur tout le territoire. L’offre se concentre toutefois dans les quartiers pauvres.

Le Journal des voisins a répertorié l’offre en analysant les données du Registre des titulaires de permis de détaillant d’alcool en vigueur, tenu par la Régie des alcools, des courses et des jeux du Québec. Nous avons dénombré une trentaine de débits de boisson abritant collectivement 220 machines.

On en arrive à une offre annuelle de 75 000 jours machines dans un arrondissement qui compte plus de 134 200 habitants. 

Sachant que Loto-Québec engrange des revenus de 888 millions de dollars par année avec son parc de 12 000 machines, on peut en déduire que le revenu moyen d’une machine se situe autour de 74 000 $. Sur cette base, elles engrangeraient théoriquement des revenus d’environ 16,3 millions de dollars dans Ahuntsic-Cartierville.

Cependant, ces revenus varient d’un exploitant à l’autre. Dans une enquête remontant à 2016, le journal La Presse avait établi que le roi québécois des appareils de loterie vidéo, Peter Sergakis, empochait des revenus annuels de 4 millions $. Il disposait de plus d’une vingtaine de licences réparties dans autant de bars lui appartenant. À lui seul, il possédait 225 appareils, soit l’équivalent de l’offre totale dans notre arrondissement. Une licence est accordée pour cinq appareils de loterie vidéo en moyenne.

Il est toutefois impossible d’établir correctement les revenus de ces machines sur notre territoire avec les données disponibles. Par contre, les exploitants empochent environ 22 % des gains provenant de ces appareils. Une licence rapporterait environ 85 000 $ annuellement à un tenancier, pour une moyenne de 5 machines par licence. En extrapolant, les profits de ceux d’Ahuntsic-Cartierville joueraient dans les 3,7 millions $.

M. Sergakis avait confié aux journalistes que les appareils les plus «performants» sont situés dans des secteurs où habitent beaucoup de personnes âgées, car elles ont le temps et l’argent pour jouer. Or, 19 % de la population d’Ahuntsic-Cartierville a plus de 65 ans.

Machines de loterie vidéo dans un bar d’Ahuntsic-Cartierville. (Photo: Toma Iczkovits, collaboration spéciale)

Chez les pauvres?

Où sont situés les appareils de loterie vidéo? On les trouve dans tous les secteurs pauvres de l’arrondissement, si on se fie à la Carte de la défavorisation 2018 du Comité de gestion de la taxe scolaire de l’Île de Montréal. 

La rue qui en compte le plus est Fleury, avec sept bars, dont six à l’est de Saint-Hubert et quatre à l’est de Papineau. Suit le secteur du métro Henri-Bourassa avec trois sites. Le boulevard Henri-Bourassa compte six emplacements.

Le quartier de Sault-au-Récollet en compte également six. Ils desservent plusieurs enclaves de pauvreté:

  • secteur situé entre Henri-Bourassa et Gouin, à la hauteur de Parthenais;
  • extrémité est de l’arrondissement, angle Saint-Michel et Henri-Bourassa;
  • près d’une zone très défavorisée dans Montréal-Nord, à l’est de Saint-Michel, à la hauteur de Sauvé;
  • les environs de l’avenue Charland, entre Saint-Michel et Papineau.

Ahuntsic compte sept établissements. Outre les trois près du métro Henri-Bourassa, un site de la rue Fleury est situé près d’un secteur peu favorisé près de Christophe-Colomb. Un autre, encore rue Fleury, se trouve au cœur d’une zone considérée comme défavorisée. Celle-ci s’étend au nord et au sud de la rue Sauvé, entre Saint-Laurent et le chemin de fer du train de banlieue de Saint-Jérôme.

Saint-Simon, un quartier où le revenu moyen est également peu élevé, compte deux établissements, dont un sur la rue Chabanel, dans la zone la plus pauvre du quartier.

Le Nouveau-Bordeaux compte deux établissements, dont un est situé en plein secteur défavorisé, angle Salaberry et de l’Acadie, et un autre, tout près, face aux Galeries Normandie.

Le territoire le plus pauvre de l’arrondissement (et de la métropole), la RUI (zone de Revitalisation urbaine intégrée) de Cartierville, compte un établissement, sur Laurentien, près de Louisbourg. 

Youville compte trois établissements, dont deux dans une zone défavorisée, rue Lajeunesse.

Signalons que des concentrations de débits de boisson ayant des appareils se trouvent près de trois axes reliant Montréal et Laval (autoroute 15, avenue Papineau et autoroute 19), avec sept emplacements.

Les secteurs de l’arrondissement les plus favorisés ne comptent aucun établissement ayant des loteries vidéo: Saraguay, Saint-Sulpice, les alentours de la rue Saint-Hubert au sud de Sauvé, le secteur au nord de Henri-Bourassa, entre Tanguay et Saint-Hubert, ainsi que Cartierville au nord de Salaberry, entre Grenet et de l’Acadie.

Enseignes de Loterie vidéo devant plusieurs bars d’Ahuntsic-Cartierville. (Photo: Toma Iczkovits, collaboration spéciale)

Joueurs à problèmes

En 2019, des chercheurs de l’Université Concordia avaient conclu que 30 % des revenus générés par les appareils de loterie vidéo provenaient de 3 % des joueurs, qui sont considérés comme ayant des problèmes de jeu. 

En fait, 82 % des revenus générés par ces appareils proviennent d’une minorité de joueurs à problèmes. Ces derniers dépensent en moyenne 66 % plus d’argent que ceux qui n’ont pas de problèmes de jeu.

Le projet de Loto-Québec d’implanter une maison de jeu au Centre Bell, dévoilé au début de 2023, a fait couler beaucoup d’encre. Cet emplacement est situé à un jet de pierre d’un des territoires les plus pauvres de Montréal, le Sud-Ouest. 

Rappelons qu’au début des années 2000, Loto-Québec avait proposé de déménager le Casino de Montréal de son emplacement actuel, dans le parc Jean-Drapeau, vers Pointe-Saint-Charles, en partenariat avec le Cirque du Soleil. La levée de boucliers du milieu communautaire du Sud-Ouest et des experts de la santé fut telle que le gouvernement a abandonné le projet.

La pandémie a exacerbé la demande de jeu de hasard. Un rapport récent de la Direction de la santé publique de Montréal en arrive à la conclusion qu’en 2021, 12 % des Montréalais ont utilisé une plateforme de jeu en ligne et le tiers d’entre eux avaient commencé à le faire durant la pandémie. Cette proportion était de 4,4 % en 2018.

Que l’offre de jeu soit en ligne ou au coin de la rue, le gouvernement semble désintéressé à se soucier du fait que des pères et des mères, ainsi que des grand-pères et des grand-mères de famille perdent tous leurs avoirs à cause de la maladie du jeu.

En collaboration avec Jean-Paul Dubreuil à la recherche.



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D. Lapointe
D. Lapointe
11 Mois

Ne pourrait-on pas au niveau local interdire ce genre de commerce de Loto-Québec qui ne sert bien souvent qu’à appauvrir davantage les plus démunis? Il faudrait questionner notre mairesse là-dessus!

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