Les élus de l’arrondissement. De g. à dr.: Jérôme Normand, conseiller de ville, Sault-au-Récollet; Nathalie Goulet, conseillère de ville, Ahuntsic; Émilie Thuillier, mairesse; Effie Giannou, conseillère de ville, Bordeaux-Cartierville; Hadrien Parizeau, conseiller de ville, Saint-Sulpice. (Photo: jdv F. Lauzon)

Ce lundi 9 avril, il y a une séance publique du conseil d’arrondissement, à 19 h. Chaque deuxième lundi du mois, sauf en janvier et en août, les élus de l’arrondissement se réunissent au 555, rue Chabanel Ouest, dans la salle du conseil du 6e étage, et les citoyens sont invités à poser des questions. C’est la réunion mensuelle ordinaire du conseil des élus de l’arrondissement Ahuntsic-Cartierville. À la réunion de mars, outre les membres des familles et amis des trois dames ayant reçu un hommage des élus à l’occasion de la Journée internationale des femmes, seulement une trentaine de personnes étaient présentes. Considérant que l’arrondissement compte près de 127 000 citoyens, le taux de participation est plutôt mince. Pourquoi?

Raymond Labbé, citoyen (Photo: archives jdv)
Pauline Carignan, citoyenne (Photo: archives jdv)

Chacun a ses raisons, mais Raymond Labbé, un fidèle aux séances depuis une vingtaine d’années,  croit qu’il s’agit d’un peu de paresse.

« Si les gens ont un problème avec leur trottoir, ils vont y aller pour eux, mais après, ils s’en vont. »

D’autres pensent que leurs doléances ne seront pas entendues.

« Mais c’est faux que les élus ne font qu’à leur tête, affirme une autre habituée, Pauline Carignan. Ça fait l’affaire des citoyens de penser ça. C’est une bonne excuse pour ne pas se mobiliser. Les gens se disent tant que ça roule… bof! »

Puis, certains ne sont tout simplement pas au courant.

Quelques citoyens qui habitent l’arrondissement depuis longtemps viennent parfois poser une question à la réunion mensuelle quand un sujet leur tient à cœur.

Pourquoi prendre part

« Quand c’est le jour de la séance du conseil, on doit souper tôt! », déclare en riant Lorraine Leblanc, épouse de Gilles Larocque, comptable retraité de son état, un autre habitué des séances du conseil.

Pour M. Larocque, les résidants viennent au conseil quand ils ont de gros problèmes!

« Le projet Musto, par exemple, a monopolisé beaucoup de monde, dit-il. Ou encore lorsque la rue Prieur était fermée avec des blocs de ciment dans mon secteur, beaucoup de gens sont venus au conseil. »

Janine Renaud prend part régulièrement aux séances depuis sa retraite en 2001.

« On se rend compte des nombreux dossiers reliés à la gouvernance de l’arrondissement », dit-elle.

Les citoyens ont un devoir de participer à la vie municipale, croient Mesdames Renaud et Carignan.

« Les citoyens ne sont pas juste des contribuables, ils ont le droit de parole. L’arrondissement est notre milieu de vie immédiat », ajoute Mme Renaud.

Quand elle était conseillère du district d’Ahuntsic, interviewée par journaldesvoisins.com au sujet de la participation citoyenne, la mairesse actuelle, Émilie Thuillier, rappelait:

 «Le milieu municipal est le seul endroit où les citoyens ont un accès direct aux élus dans un cadre formel.»

Pour sa part, Raymond Labbé s’inquiète des dépenses abusives.

« Tant que les gens ne viendront pas au conseil, les taxes vont augmenter », pense-t-il.

Sans croire que tout est corrompu, les citoyens doivent être vigilants, ajoute Mme Carignan.

Régler un problème

Il ne faut pas non plus avoir peur de faire des demandes raisonnables aux élus, explique Mme Carignan.

« Mais si je demande une couche d’or sur ma rue, je ne l’aurai pas! », ajoute-t-elle, avec humour.

Elle donne en exemple le groupe de citoyens qui s’est mobilisé pour empêcher un projet de développement.

« C’est la preuve que la mobilisation fonctionne. Les gens ne connaissent pas leur pouvoir. »

Pauline Carignan affirme qu’elle obtient les réponses à toutes ses questions.

« Les dossiers que j’ai apportés au conseil ont tous été menés à bien. »

Mais elle s’inquiète de voir que plusieurs citoyens viennent au conseil parce que leur dossier traîne et ne se règle pas par les voies normales, comme le 311 par exemple.

« S’ils ont essayé quatre fois à la ville et que ce n’est pas réglé, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond.»

Selon Émilie Thuillier, le fait que les directeurs des différents services soient présents aux réunions du conseil, en plus des élus, permet de régler les dossiers plus complexes plus rapidement.

Un peu intimidant

La période de questions commence à 19 h et dure environ une heure, parfois plus. Mais, il faut s’inscrire au moins 30 minutes à l’avance si on désire poser des questions.

« C’est toujours embêtant de poser des questions avant les points à l’ordre du jour. Il faut aller sur le site (ndlr: Web) à l’avance pour connaître les sujets de la séance du conseil ou arriver plus tôt et les lire sur place », dit Mme Renaud.

Donnée intéressante, le sommaire décisionnel de chacun des points à l’ordre du jour –soit un dossier explicatif accompagnant chaque point de l’ordre du jour–  est  disponible sur le site Web de l’arrondissement depuis septembre 2016.

Toutefois, auparavant et encore maintenant, les citoyens qui n’ont pas accès à Internet peuvent prendre un exemplaire de l’ordre du jour en arrivant à la séance du conseil et peuvent consulter sur place un cartable qui contient les documents connexes aux sujets à l’ordre du jour. Mais il s’agit d’un document qui n’est pas beaucoup consulté, avouait Geneviève Dubé, chargée de communications pour l’arrondissement à l’époque.

« Souvent, c’est trop détaillé pour les citoyens qui viennent pour une question très spécifique », dit-elle.

Mme Renaud ajoute qu’il est difficile de bien visualiser où se situe un projet; elle aimerait avoir quelques détails supplémentaires avant qu’un projet ne soit accepté par les élus.

Chaque citoyen a droit à une question et une sous-question. Les préambules et les commentaires doivent être succincts. Le règlement régissant le déroulement des séances interdit les questions qui contiennent « une hypothèse, une argumentation, une expression d’opinion, une déduction ou une imputation de motifs » ou « qui, par sa formulation, peuvent susciter un débat. »

Quand ça dégénère…

Il arrive que les esprits s’échauffent.

« On ne coupe pas la parole aux gens, à moins que ça dégénère », expliquait Mme Dubé.

Quelques citoyens sont difficiles, admet Pauline Carignan.

« On assiste, impuissants, à ces échanges. »

Janine Renaud ajoute :

« Certains citoyens ont toujours des récriminations, ne les disent pas gentiment et sont toujours fâchés contre les conseillers. »

Un gardien de sécurité se tient tout de même discrètement au fond de la salle, prêt à intervenir si un citoyen est sommé de partir et s’obstine, ce qui n’arrive pas souvent.

Ce n’est pas toujours facile pour les élus, admet Mme Thuillier.

« Les personnes qui viennent au conseil ont essayé de résoudre leur problème par différents moyens. Ils arrivent fâchés, parce que leur démarche antérieure n’a pas fonctionné. Il ne faut pas (ndlr: que les élus) en faire une affaire personnelle. »

Quoi changer?

Contrairement au déroulement des séances municipales publiques d’autres villes nord-américaines, avant la séance publique dans l’arrondissement et à Montréal, les élus se réunissent entre eux pour discuter de tous les sujets à l’ordre du jour.

C’est là que les décisions se prennent vraiment avec l’aide des fonctionnaires responsables des dossiers.

Aux séances du conseil, outre les questions que posent les résidants le soir même, l’issue des sujets de l’ordre du jour est donc déjà connue avant que ne débute la séance publique.

Située au 555, rue Chabanel Ouest, la salle du conseil n’est pas facilement accessible à tous. D’ailleurs, à l’époque où il était conseiller, Harout Chitilian, disait qu’il aurait aimé que les élus puissent, parfois, se déplacer pour tenir des séances dans différents quartiers et ainsi augmenter la participation citoyenne.

Conseils itinérants?

Cela se fera sans doute durant le mandat actuel de la mairesse Émilie Thuillier. C’est une mesure qui a déjà été annoncée au plan stratégique 2018. Le chef de cabinet de Mme Thuillier, Jean-François Desgroseilliers, précisait à journaldesvoisins.com récemment:

«Il y aura une ou deux séances itinérantes du conseil cette année, comme nous nous y sommes engagés dans notre Plan stratégique 2018. La direction de l’administration évalue les disponibilités des lieux et les coûts des différentes options possibles. Tout cela sera discuté avec les élu(e)s dans les prochains jours afin que nous soyons en mesure d’annoncer ces séances au prochain conseil d’arrondissement, le 9 avril. »

Depuis quatre ans maintenant, l’arrondissement diffuse en direct les séances du conseil sur le Web.

On peut se demander qui exactement regarde les séances du conseil en ligne.

Il y a quelques années, quand il était en poste, le conseiller  Chitilian croyait aussi qu’il fallait davantage intéresser les jeunes à la politique. La mise sur pied du conseil jeunesse de l’arrondissement en février 2017 y contribuera peut-être un peu.

«Peut-être faudrait-il donner des prix de présences!», se demande M. Labbé, humoristiquement.

De son côté, Gilles Larocque soutient que, heureusement, l’arrondissement n’a pas de gros problèmes, et que cela est dû, en partie, au travail de la direction, et de son équipe.

Décorum

En janvier 2014, le maire de Montréal, à l’époque, Denis Coderre, s’était offusqué qu’un élu de Projet Montréal publie une photo sur Twitter, en plein débat sur le budget. Le débat a fait rage : est-ce approprié pour un élu d’utiliser son téléphone intelligent pendant une réunion?

Les citoyens présents aux réunions se demandent peut-être si les élus utilisent parfois leur téléphone intelligent durant les séances du conseil pour envoyer des infos sur leur fil Twitter ou autre. Vérification faite, il est très rare que les élus se servent du fil Twitter durant les réunions alors qu’ils sont attentifs aux questions des résidants, puis au déroulement de la réunion. En revanche, ils le font à la suite de la réunion pour communiquer diverses informations à leurs commettants.

Pas facile de garder l’attention des participants, élus et résidants, quand l’ordre du jour est parfois austère. Mais la démocratie est à ce prix!

Pour en savoir plus sur la mairie d’arrondissement, les élus, connaître l’ordre du jour des réunions mensuelles, lire les procès-verbaux rédigés après les réunions du conseil, et tutti quanti, cliquez ici.

Ce texte a d’abord été publié dans notre magazine papier d’avril 2014 et mis à jour par Christiane Dupont en avril 2018.



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