Marie-Noëlle Legault et Catherine Bélair sont à l’origine du projet de mur légal de graffitis à Cartierville. (Photo: Loubna Chlaikhy, collaboration spéciale)

L’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville pourrait bientôt compter un nouvel espace artistique avec la création d’un mur légal de graffitis. Le Carrefour jeunesse-emploi Ahuntsic Bordeaux-Cartierville lance en effet cette initiative afin d’encourager les artistes de rue locaux à s’exprimer dans un cadre légal et sécurisé. Rendez-vous le 21 avril à 18 h pour une réunion d’information. 

Forme d’art transgressif pour certains, véritable fléau pour d’autres, une chose est certaine le graffiti ne laisse personne indifférent. Des arguments de sécurité, d’image de la ville, de respect de la propriété privée… s’opposent à cette expression artistique urbaine née dans les années 1960 aux États-Unis avant de s’exporter partout au monde. À Montréal, il suffit d’arpenter quelques rues pour observer des dizaines de graffitis sur les murs. 

C’est donc dans un esprit de consensus que le Carrefour jeunesse-emploi Ahuntsic Bordeaux-Cartierville (Cje ABC) lance le projet de créer un mur légal de graffitis dans l’arrondissement. Une première réunion d’information à laquelle il faut s’inscrire est organisée ce vendredi 21 avril à 18 h, aux locaux du Cje ABC.  

«Nous cherchons des personnes de 18 à 35 ans pour former un comité d’implication qui aura la mission de faire vivre ce projet. On propose l’idée, et le but est de le construire et d’accomplir les démarches auprès de l’arrondissement ensemble», explique Marie-Noëlle Legault, agente de développement de projets jeunesse au Cje ABC. Durant la réunion, les organisateurs présenteront le projet et répondront aux questions des membres de la communauté. 

Un lieu d’expression libre pour les jeunes 

C’est pendant la pandémie que l’idée de créer un mur légal de graffitis a germé dans la tête de Marie-Noëlle Legault: «J’ai toujours rêvé de faire du graff, mais je n’ai jamais osé! Il y a deux ans, on a organisé un atelier avec des jeunes encadrés par un artiste au mur légal situé sous le pont Papineau-Leblanc, et ça a été une révélation. C’est l’atelier qui a le mieux fonctionné. Je me suis dit qu’il y avait vraiment quelque chose à faire.»  

En effet, s’il s’agit du premier projet de ce type porté par la structure d’accompagnement des jeunes, un mur légal de graffitis existe déjà à Ahuntsic (celui sous le pont Papineau-Leblanc). «On propose de créer un second mur du côté de Cartierville pour toucher et impliquer les jeunes de ce secteur. On ne sait pas encore si ce mur verra le jour, mais l’objectif est d’essayer tous ensemble», explique Catherine Bélair, agente de liaison communautaire à la Maison du Monde et partenaire du projet.  

Au-delà de donner un terrain de jeu privilégié aux graffeurs en herbe comme aux plus confirmés, les deux professionnelles souhaitent créer un pont entre une génération en quête de liberté et des habitants agacés par la propagation de ce phénomène. «Il y a tout un travail de sensibilisation car le graffiti a parfois une mauvaise image, alors qu’il traduit un besoin de reconnaissance et d’extériorisation en laissant sa trace dans le paysage urbain. Avec ce mur, on offrira un endroit où chacun pourra travailler son art de façon légale, sans avoir besoin de se presser ou de se cacher», estime Marie-Noëlle Legault, enthousiaste.  

Conscient que cette vision des choses risque toutefois de se heurter à une opposition citoyenne, le Cje ABC a tenu à l’appui de la Table de concertation jeunesse Bordeaux-Cartierville (TCJBC), et de l’association Tandem qui lutte contre les graffitis. 

Endiguer les graffitis sauvages 

Pour Léo Fiore, directeur de Tandem, le pari est avant tout d’endiguer le phénomène des graffitis dans le quartier. «Les graffitis sont un fléau pour notre société, qui coûtent cher aux finances publiques et aux propriétaires privés devant effacer les dégradations, et qu’il faut décourager. Je n’ai rien contre, mais je ne suis pas à 100 % convaincu par le projet, même s’il me paraît naturel que nous soyons à cette table, puisque nous sommes engagés sur ce sujet depuis de nombreuses années. Si on crée un mur légal, on espère avant tout qu’il y aura moins de graffitis dans l’arrondissement. Pour cela, il faut vraiment que le projet soit suivi de près et encadré à long terme avec une présence régulière sur place», affirme-t-il.   

Murs de graffitis sous le pont Papineau-Leblanc. (Photo: Anne Marie Parent, JDV)

À l’image de celui situé sous le pont Papineau-Leblanc, Léo Fiore souhaite que ce nouveau lieu d’expression fasse baisser le nombre de graffitis, pour lesquels il n’existe d’ailleurs pas de statistiques officielles. «Du côté du mur d’Ahuntsic ça a l’air de bien se passer puisqu’on n’observe pas d’expansion des dégradations dans ce secteur», assure celui dont l’organisme offre un service de nettoyage des graffitis depuis 2008. 

Quel que soit le point de vue de chacun, la concertation prévue ce vendredi 21 avril sera donc l’occasion d’ouvrir le débat. «On veut sortir de la position qui consiste à dire que le graffiti c’est mal. Il faut permettre aux jeunes de s’impliquer dans un projet qui leur parle et à travers lequel ils vont pouvoir proposer des idées et découvrir le fonctionnement de la politique municipale», souligne Marie-Noëlle Legault. Toutes les bonnes volontés sont donc les bienvenues. 



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