Nathalie Goulet, conseillère de la Ville du district d’Ahuntsic, au café Le brûloir. (Photo: Camille Vanderschelden, JDV)

Dans cette nouvelle série de portraits, le Journal des voisins vous invite à la rencontre des élus de notre arrondissement. Qui sont ceux qui construisent Ahuntsic-Cartierville, au sein de la municipalité? Notre journaliste les a rencontrés autour d’un café pour moult confidences.

Dans le district d’Ahuntsic, le café Le brûloir fait salle comble comme à son habitude. Dans la rumeur d’un des lieux les plus populaires du quartier, le Journal des voisins (JDV) tend l’oreille auprès de la conseillère de la Ville Nathalie Goulet. Venue se confier sur sa politique municipale, elle expose sa vision d’une ville plus inclusive, durable et résiliente.

En 2017, Nathalie Goulet remporte l’élection pour le poste de conseillère de la Ville du district d’Ahuntsic. Lancée sous la bannière Projet Montréal, elle devance alors Raphaël Melançon de l’Équipe Coderre de 1814 voix. Elle succède à l’époque à Emilie Thuillier, qui remporte le titre de mairesse d’Ahuntsic-Cartierville la même année.

Ce n’est pas son premier pas en politique. La native d’Ahuntsic se présentait en effet en 2013 à la mairie de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension. «Ça a presque marché; je suis arrivée à environ 2 % derrière Anie Samson qui était là depuis une vingtaine d’années. Je l’ai vécu comme une victoire», se souvient Nathalie Goulet.

Aujourd’hui, la politologue de formation a de nombreuses cordes à son arc et les responsabilités qui viennent avec. Siégeant à la Commission de la présidence du conseil, elle est aussi membre de la Commission sur les finances et l’administration. De plus, Nathalie Goulet fait partie de la Commission sur l’examen des contrats, ainsi que de la Communauté métropolitaine de Montréal, où elle siège à la Commission spéciale sur la révision du Plan métropolitain d’aménagement et de développement.

Travailleuse communautaire

Née à Ahuntsic, Nathalie Goulet grandit sur la rive Sud à Saint-Hilaire. Sa famille a des racines profondes à Ahuntsic depuis les années 1930. En 2002, c’est donc tout naturellement que la conseillère de la Ville revient à ses sources avec un projet familial.

Aujourd’hui, elle vit au nord du boulevard Henri-Bourassa. Nathalie Goulet prend à cœur l’apaisement de la circulation et la sécurisation des parcours pour les personnes vulnérables. Les 17 années à traverser «cette autoroute urbaine», matin et soir avec ses trois enfants, y sont grandement pour quelque chose. La sécurisation de l’école Saint-André-Apôtre, la deuxième école sécurisée de l’arrondissement, ne l’a rend donc «pas peu fière».

Si Nathalie Goulet complète aujourd’hui son deuxième mandat à titre de conseillère de la Ville du district d’Ahuntsic, elle se considère surtout comme une travailleuse communautaire. Et pour cause: elle possède 25 années d’expérience dans le domaine. Au retour de ses longues études en sciences politiques, dont un temps passé à l’Université de la Sorbonne à Paris, elle retrouve Montréal en pleine crise économique.

«J’avais envie d’action et de terrain, alors j’ai commencé à travailler dans le communautaire. J’ai adoré ça!» se remémore celle qui dirige la radio Centre-ville de 2000 à 2002. Première radio communautaire du Québec, cette station créée par la communauté hellénique en 1972 et diffusée en sept langues lui inculque une vision interculturelle. Typique à Montréal, cette vision lui transmet très vite le goût de travailler pour une société inclusive.

Après une expérience en coopération internationale et en éducation interculturelle auprès des jeunes (dans les Centres jeunesse de la Ville), elle décide d’aborder un chemin plus analytique et politique.

Nathalie Goulet en discussion avec une mère d’élève à l’école Saint-André-Apôtre. (Photo: Éloi Fournier, archives JDV)

Mouvement des femmes

Nathalie Goulet cultive le féminisme depuis le début de sa vie, influencée par l’engagement de sa mère. Après des années de terrain, elle entame un travail politique de longue haleine en prenant part au mouvement national des femmes. Le Conseil d’intervention pour l’accès des femmes au travail (CIAFT) lui offre le poste de directrice en 2002. Une position qu’elle honore quinze ans, inspirée par Françoise David et Manon Massé.

Elle se souvient à l’époque de la Marche du pain et des roses en 1995 ou encore de l’adoption de la Loi sur l’équité salariale en 1996, loi qu’elle travaille à mettre en œuvre plusieurs années plus tard avec le CIAFT. Elle y mène «des combats incroyables» avec de «petites équipes» et prend conscience de la complexité du temps politique. «Cela prend des années avant d’avoir une fenêtre politique, comme une rencontre avec un ministre, par exemple», commente Nathalie Goulet.

La Fédération des femmes du Québec participe notamment à la mise en place du Régime québécois d’assurance parentale. La conciliation famille-travail et l’intégration des femmes dans les métiers non traditionnels prennent parallèlement plus d’ampleur dans les enjeux sociétaux.

C’est justement par le mouvement des femmes au Québec que Nathalie Goulet rencontre sa cheffe de parti actuelle, Valérie Plante. Elles font partie de ces femmes que Projet Montréal est allé chercher dans les années 2010 pour changer la face du parti.

Jérôme Normand, conseiller du Sault-au-Récollet, Emilie Thuillier, mairesse d’Ahuntsic-Cartierville et Nathalie Goulet, conseillère d’Ahuntsic, en 2017. (Photo: Philippe Rachiele, JDV)

En 2017, Projet Montréal investit alors le cabinet municipal d’Ahuntsic-Cartierville avec trois élus sur cinq, dont Nathalie Goulet. La même année, elle vit au premier abord la crise du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) aux affaires internes. Nommée responsable de la sécurité publique au Comité exécutif de la Ville-centre, elle participe à rétablir le dialogue entre le SPVM et plusieurs groupes marginalisés de la société.

Itinérance à Ahuntsic-Cartierville

Héritant des dossiers sociaux auprès de l’arrondissement un an après la pandémie, Nathalie Goulet affirme «être fière de ce qui a été accompli dans le temps donné». Pour elle, régler les problèmes sociaux passe avant tout par renforcer le travail des organismes communautaires. «Ils tiennent la société ensemble, on l’a vu pendant la pandémie», affirme-t-elle.

Interrogée par le JDV au sujet de la polémique du démantèlement d’un camp d’itinérants au parc Basile-Routhier en juin dernier, Nathalie Goulet parle d’une situation «difficile».

«Le campement était passé de quelques tentes à une quinzaine, en l’espace de dix jours», explique la conseillère de la Ville. Elle évoque aussi des comportements compliqués engendrés par l’usage de drogues de mauvaise qualité. Nathalie Goulet ajoute que plusieurs résidents ont aussi vécu des intrusions de domicile et de nombreuses incivilités.

À la suite d’une rencontre avec les résidents au Centre de jour de RAP Jeunesse, une éviction a été décidée. «C’était très difficile; je ne veux plus jamais revivre cela. Mais la cohabitation était devenue intenable. Chaque personne s’est vu offrir une place en refuge. C’était leur décision d’aller ailleurs», commente Nathalie Goulet.

Toutefois, Ahuntsic-Cartierville ne dispose pas d’un refuge à l’heure actuelle, seulement d’un centre de jour. Les refuges les plus proches se situent en effet à Montréal-Nord et à Villeray. Pour Nathalie Goulet, la situation a démontré que le «phénomène va en grandissant» et que les besoins restent à combler à Ahuntsic-Cartierville.

Quelques semaines plus tard, deux événements de camping urbain devaient se tenir, dont un au parc Basile-Routhier. Organisé par l’équipe GUEPE, ces soirées permettent aux citoyens qui n’ont pas l’occasion de camper de dormir à la belle étoile. Questionnée à ce sujet par le JDV, Nathalie Goulet concède que plusieurs résidents lui ont écrit pour comprendre la décision [NDLR: des itinérants sont chassés de leurs tentes, mais on invite les familles à venir camper dans des parcs]. Compte tenu des événements, la soirée prévue audit parc a finalement été annulée.

Projet Henri-Bourassa

À Ahuntsic-Cartierville, le projet Henri-Bourassa constitue un autre sujet qui fait jaser. Couloir de mobilité durable de 18 km signé Projet Montréal, le plan de développement sur ce boulevard ne fait pas l’unanimité. Plusieurs commerçants s’étaient en effet plaints de perdre leur stationnement et de ne pas avoir été consultés en amont de la décision.

«Au contraire, c’étaient les premiers concernés. Ils étaient invités aux Jardins Millen [NDLR: lors d’une réunion d’information en juin 2023]. Ils étaient sous le choc et je le comprends tout à fait», explique Nathalie Goulet. Elle affirme rencontrer chacun de ces commerçants avec Emilie Thuillier depuis plusieurs mois. Des places de stationnement et aires de livraison seront finalement aménagées dans les rues parallèles au boulevard Henri-Bourassa.

Nathalie Goulet défend le projet de mobilité durable, affirmant qu’il engendrera plus d’achalandage sur l’artère commerciale en décrépitude, à l’instar du Réseau express vélo (REV) Saint-Denis. Elle assure que l’arrondissement veut encourager «ces survivants, combattants du commerce local», bien que les boutiques ferment les unes après les autres sur l’artère. «Henri-Bourassa, une 8-voies dédiée à l’automobile et au stationnement, ça n’a plus de bon sens au 21e siècle», conclut-elle.

La conseillère du district d’Ahuntsic, Nathalie Goulet, lors de la Fête nationale du Québec au parc Ahuntsic organisée par EspaceTrad, le 23 juin 2023. (Photo: François Robert-Durand, JDV)
Café de Da

La réfection de la Maison de la culture constitue un autre projet d’ampleur dans le district d’Ahuntsic. Certains organismes s’inquiètent du devenir du Café de Da par ce nouveau plan. Situé au deuxième étage de la bibliothèque, ce lieu très apprécié du quartier accueille en effet régulièrement des rencontres, toujours dans un esprit intimiste.

Le projet, encore en consultation, changera la face de la Maison de la culture graduellement. L’accueil est notamment au centre de cette transformation. Des murs amovibles pourraient scinder le nouvel espace qui comprendra le Café de Da. Nathalie Goulet affirme toutefois que l’arrondissement souhaite garder le lieu et son caractère intacts.

La transformation de la Maison de la culture fait partie des quartiers culturels que construit actuellement l’arrondissement, dans le cadre de la vision Montréal 2030 de Projet Montréal. Le parc Ahuntsic et la Maison de la culture sont donc au cœur du futur quartier culturel Fleury-Lajeunesse. Si les plans finaux ne sont pas encore connus, Nathalie Goulet assure que l’institution qu’est le Café de Da n’est pas prête de disparaître.

Autres réalisations

D’ici la fin de son deuxième mandat, Nathalie Goulet souhaite travailler d’arrache-pied pour les parcs d’Ahuntsic, «espaces publics par excellence». Le parc Ahuntsic, qui inaugurait son nouveau planchodrome voilà un an, avait fait l’objet à l’époque de la démarche ADS+, un programme de développement inclusif.

Le parc Saint-Benoît est le prochain sur la liste, entrant en consultation dès l’an prochain. Les citoyens, ainsi que les écoles du secteur, seront largement consultés dans la même démarche. Le parc Marcelin-Wilson devrait également voir sa placette jeunesse devenir permanente d’ici deux ans.

Pour Nathalie Goulet, difficile de dire à l’heure actuelle si elle restera en politique en 2025. «J’ai toujours travaillé fort dans ma vie, mais la politique, c’est un autre niveau. Bien que je sache désormais comment cela fonctionne, puisque je ne suis plus celle que j’étais en 2017», commente-t-elle. La cheffe de parti, Valérie Plante, annonçait quant à elle se représenter en 2025, voilà quelques semaines.

Ce portrait est le troisième de notre série Un café avec nos élus. Retrouvez la première édition, réalisée en compagnie de Julie Roy, conseillère de la Ville du district de Saint-Sulpice, ici. La deuxième édition, réalisée en compagnie de Jérôme Normand, conseiller de la Ville du district du Sault-au-Récollet, ici.



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