
La reconfiguration du boulevard Henri-Bourassa par la Ville de Montréal est au centre d’un débat dans le quartier. Le Journal des voisins est allé écouter le point de vue d’un ancien commerçant du coin. Dans le même temps, c’est à coup de contribution dans les médias que s’affrontent ceux qui n’en veulent pas et ceux qui appuient avec enthousiasme le projet.
André Savoie dirige la boucherie Salaisons Saint-André. Ce magasin a pignon sur rue depuis près de 60 ans. Il est l’archétype du commerce de proximité. Tenu par un artisan, il ne propose que des produits locaux. M. Savoie s’est taillé une réputation au point que des clients viennent le voir de toute part. Des clients qui viennent forcément en auto.
«Quand mon père et mon grand-père ont ouvert en 1964, je suis certain qu’ils ne se sont jamais doutés qu’un jour le stationnement sur Henri-Bourassa pourrait être remis en question», observe-t-il, en entrevue avec le Journal des voisins (JDV).
Car ce qui inquiète au premier chef M. Savoie, c’est la disparition totale des stationnements le long du boulevard.
«Nous ne sommes pas contre le projet, mais nous ne voulons pas disparaître juste pour faire plus de place aux vélos», confie-t-il.
Dans le projet envisagé, appelé «corridor de mobilité durable», plus aucune voiture ne pourra stationner le long de l’artère. Des voies cyclables seront implantées de part et d’autre du boulevard, tandis que les autobus auront des voies réservées. Les automobiles circuleront sur deux voies par direction. À cela s’ajoute une refonte des lignes de bus est-ouest.
M. Savoie assure qu’il n’a rien contre les vélos non plus. Longtemps, il s’était servi d’une vieille bicyclette avec un panier exposée à l’avant de son commerce comme enseigne pour rappeler comment se faisaient les livraisons dans le temps.
Le stationnement ou la mort
Il plaide pour au moins du stationnement alterné, de part et d’autre du boulevard Henri-Bourassa. Sinon, il est convaincu, pour lui comme pour d’autres petits commerces, que le danger de disparition est réel.
«Je m’attends à une baisse d’environ 15 % à 20 % [de revenus] parce qu’on va perdre les passants qui s’arrêtent en voiture en fin de journée. Même avec du stationnement sur les rues latérales, comme ils disent, si les gens tournent sur la rue Jeanne-Mance, ils n’iront pas jusqu’à Fleury pour revenir chez nous», croit-il.
Ses propos sont appuyés par plusieurs commentaires observés sur les médias sociaux.

Son point de vue est aussi défendu dans une tribune publiée le 20 août dans le Journal de Montréal signée par Nicolas Landry et Jean Gadbois, deux citoyens d’Ahuntsic-Cartierville.
Sous le titre: «Trop, c’est trop, Madame Plante, ne touchez pas au boulevard Henri-Bourassa!», ils énumèrent tout ce qu’ils considèrent comme défauts originels du projet. Ils pointent aussi du doigt le peu d’écoute accordé par la Ville à tous les citoyens.
«À ce sujet, il convient de sonder le grand public et de lui soumettre ces faits bruts afin de connaître son opinion», écrivent-ils.
Un point de vue que partage André Savoie. Il avait participé à la consultation organisée en juin à la résidence Jardin Millen.
«J’ai été invité, mais j’ai trouvé ça très dommage [les configurations du projet] et j’en ai fait part de façon assez musclée», raconte-t-il au JDV.

Écoute
Il est allé aussi au conseil d’arrondissement du 4 juillet avec d’autres commerçants pour plaider sa cause.
Nathalie Goulet, conseillère de Ville d’Ahuntsic a reconnu que la question du stationnement sur le boulevard Henri-Bourassa inquiète.
Elle a présenté aussi un constat. «Sur les 200 places de stationnement disponibles le long du boulevard, entre la rue Lajeunesse et le boulevard l’Acadie, à peine la moitié sont utilisées», a-t-elle mentionné.
Pour elle, le transfert de ces stationnements sur les rues adjacentes devrait répondre aux besoins des commerces.
Elle a assuré également que les élus de l’arrondissement étaient à l’écoute de tous les citoyens, même si le projet est celui de la Ville et de la Société de transports de Montréal (STM). Pour elle, tout le monde souhaite que le projet se réalise avec l’adhésion de tous.
Appuis
Cela dit, le projet jouit de l’appui de nombreux citoyens actifs qui militent pour un boulevard Henri-Bourassa apaisé. Une page Facebook est dédiée au projet sous le titre «REV Henri-Bourassa».
Olivier Labrèche, Samuel Milette-Lacombe et Jean-François Gagné, de la Coalition pour la mobilité active de Montréal, ont publié le 26 août une contribution sur le média en ligne Lapresse.ca.
«Sachant que ce projet suscite diverses réactions, la Coalition pour la mobilité active de Montréal réitère son appui à l’ensemble de la Vision vélo et à ce tronçon en particulier», écrivent en préambule.
Pour eux, le boulevard Henri-Bourassa a souffert d’une urbanisation qui n’a pas pris en compte les nouvelles façons de se déplacer, notamment.
«Actuellement, ce boulevard constitue un environnement extrêmement hostile aux transports actifs par sa conception datant de l’époque du tout-à-l’auto, notamment par la présence de nombreux viaducs, de bretelles d’autoroutes et d’intersections dangereuses, le tout sur une route de trois ou quatre voies de large dans chaque sens», soulignent-ils.
Ce projet qui relie des arrondissement éloignés du centre et des axes de mobilité active et où résident de nombreux ménages défavorisés «est une question de justice sociale et permet un rattrapage bienvenu!»
En attendant le chantier en 2024, un sondage est en cours jusqu’au 8 octobre et une séance d’information en ligne est prévue le 26 septembre, de 18 h 30 à 20 h 30, pour parler du projet.
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Il faudrait faire un sondage auprès des personnes qui habitent dans les quartiers concernés par le REV pour connaître la vraie position des gens qui y vivent . Les consultations publiques faites ne reflètent pas l’opinion générale. De plus les élus n’en tiennent pas comptent. Inutile de se déplacer pour leur faire part de nos besoins.
Un sondage serait plus valable, réel et plus participatif.
Il y a déjà une piste cyclable qui n’est pas beaucoup utilisée rue Prieur où l’on a déjà sacrifié des places de stationnement. Les utilisateurs peuvent aller sur cette piste cyclable à un coin de rue et plus attrayante que le boul. Henri Bourassa. Dès 3 heures le boul. Henri Bourassa est congestionné, qu’arrivera-t-il avec le projet? Je comprends le point de vue de M. Savoie et c’est ce qui risque d’arriver. Quant aux allégations comme quoi les places de stationnement sont peu utilisées sur Henri Bourassa,……j’aimerais voir l’étude. Par ailleurs, je signale qu’il y a une piste cyclable sur Gouin et que les cyclistes la boudent préférant le boul. Gouin très étroit. L’autre jour, les autos étaient stoppées par un cycliste qui prenait la place d’une auto, plutôt que d’utiliser la piste cyclable à côté. Je crois que la Ville veut acheter des votes!
P.S. J’utilise les transports collectifs et je n’ai pas d’auto.