À l’heure où les Montréalais souffrent de plus en plus de la chaleur et recherchent les endroits ombragés et les parcs avec des ilots de verdure, après une bataille judiciaire avec la Ville qui s’est conclue en 2016, des maisons sont actuellement en construction sur le site du 9040, boulevard Gouin Ouest. Certains auraient souhaité que ce terrain, qui fait partie de l’écoterritoire de la coulée verte du ruisseau Bertrand, adjacent au Bois-de-Saraguay, soit en partie converti en parc.
Journaldesvoisins.com faisait état il y a plus de deux ans de la déception du Comité pour la mise en valeur du Bois-de-Saraguay, à la suite de la décision rendue en février 2016 par la juge Sylvie De Vito de la Cour supérieure dans ce dossier. Ce jugement allouait au propriétaire du 9040 Gouin Ouest la permission de subdiviser son terrain en quatre lots et de vendre ses quatre lots à des particuliers, plutôt que d’en céder deux gratuitement à la Ville qui souhaitait en faire un parc, mais sans avoir à les acheter (et donc, sans avoir à payer le propriétaire).
« Après des recommandations du Conseil du patrimoine de Montréal (et aussi du Conseil régional de l’environnement de Montréal) que notre Comité avait appuyées, nous pensions que la partie forestière de cette propriété serait protégée, en présumant que l’arrondissement allait l’acheter pour ce faire. C’est seulement après coup que nous avons appris que l’affaire était allée en Cour supérieure avec le jugement que l’on sait et que l’arrondissement ne souhaitait pas faire cet achat », a expliqué Jocelyne Gauvin-Leduc, présidente du Comité pour la mise en valeur du Bois-de-Saraguay, à journaldesvoisins.com.
Selon le site www.luxuryestateinmontreal.com, chaque lot d’environ 2900 mètres carrés était évalué à 1,6 million de dollars.
Un écoterritoire mis à mal
Au moment où des travaux sont en cours sur le site du 9040, boulevard Gouin Ouest, journaldesvoisins.com s’est entretenu avec la mairesse de l’arrondissement, Émilie Thuillier, pour qu’elle commente cette décision du Tribunal et sur les leçons à en tirer.
« Ce terrain a été vendu en 2011 avec le projet d’une opération cadastrale consistant à le subdiviser en quatre », explique la mairesse en revenant aux origines de l’histoire.
Faisant partie d’un écoterritoire, qui comptait 400 arbres dont la plupart matures et une importante flore typique d’une forêt urbaine sur 11000 mètres carrés, ce terrain est soumis à une protection particulière.
Les projets ne peuvent se réaliser de plein droit. Le propriétaire doit consulter le Conseil du patrimoine de Montréal. Ce dernier avait alors recommandé de subdiviser le terrain autrement et de garder deux lots pour faire un parc. Or, la Ville ne peut pas faire de parc avec un terrain privé, elle doit acheter le terrain.
« À cette époque, en 2012, sous l’ère du maire Gérald Tremblay, la Ville n’était pas intéressée à acheter des terrains boisés pour en assurer la protection. La Ville n’avait donc pas procédé à l’achat. Tout était allé au propriétaire. »
En 2013, le conseil du patrimoine avait fait la même proposition que celle qu’avait faite le comité consultatif d’urbanisme de l’arrondissement. Mais cette proposition ne tenait pas devant la justice.
La Ville doit acheter pour préserver
Finalement, en 2014, alors que Mme Thuillier était en poste à titre de conseillère du district d’Ahuntsic, l’arrondissement a refusé l’opération cadastrale dans le but de négocier pour obtenir un parc sur le terrain. Le propriétaire est donc allé en cour. On en arrive ainsi au jugement de 2016 de la Cour supérieure qui a ordonné à l’arrondissement d’approuver l’opération cadastrale pour que le propriétaire puisse construire sur quatre lots.
Selon la juge De Vito, les « autorités ont choisi de stériliser l’utilisation de l’immeuble, dans le but avoué de conserver le boisé sur 75 % de sa superficie, sans pour autant indemniser les demandeurs. »
La juge a donc invalidé l’article 392.2 et annulé la résolution de l’arrondissement qui aurait empêché la subdivision du lot. Et la Ville a décidé de ne pas en appeler de la décision.
« On ne pouvait rien faire, nous assure la mairesse de l’arrondissement. Le Québec a choisi de vivre dans une société de droit, une société gouvernée par les tribunaux. Le droit individuel est plus fort que le droit collectif. Très souvent, les décisions rendues sont au profit des propriétaires privés et non de la municipalité. »
Selon le jugement, la municipalité ne peut pas décider de s’approprier un terrain privé pour qu’il devienne un parc sans rémunérer le propriétaire.
La leçon à tirer de cette histoire selon la mairesse : quand on veut réellement préserver un terrain boisé, il faut que la Ville l’achète.
« C’est ce que l’administration Plante a fait pour les boisés à Sainte-Anne-de-Bellevue et au Bois-d’Anjou. C’est ce que l’administration Tremblay aurait dû faire à l’époque avec le terrain adjacent au Bois-de-Saraguay. »
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«Le Québec a choisi de vivre dans une société de droit, une société gouvernée par les tribunaux. Le droit individuel est plus fort que le droit collectif. Très souvent, les décisions rendues sont au profit des propriétaires privés et non de la municipalité. »
Tout est dit dans cette phrase : les droits du privé avant le bien commun.