Après deux années d’attente, des citoyens du district d’Ahuntsic ont finalement pu prendre connaissance d’une réponse à une lettre de plainte acheminée à l’ombudsman de Montréal. C’était en 2015.

Les plaignants souhaitaient que la lumière soit faite sur les circonstances ayant mené à la modification d’un plan d’urbanisme auquel les citoyens avaient pris part dans le cadre du projet d’habitation proposé par l’entreprise de construction Musto et, plus globalement, du Plan particulier d’urbanisme (PPU) d’Henri-Bourassa Ouest.

Est-il normal d’avoir attendu plus de deux ans pour prendre connaissance du dossier de plainte? Contacté par journaldesvoisins.com, l’ombudsman de Montréal explique qu’un changement aux dispositions réglementaires a pu ralentir le traitement du dossier.

« Parfois, il y a un suivi à faire au niveau réglementaire. Cela peut expliquer qu’il y ait des délais plus longs. Dans le dossier du Programme particulier d’urbanisme (PPU) sur le boulevard Henri-Bourassa, les dernières dispositions ont été adoptées seulement ce printemps, donc notre bureau voulait s’assurer que ce qui avait été modifié au niveau réglementaire était bien conforme avec ce qui avait été convenu dans le PPU ».

Pour en savoir plus, appelez!

Et de rajouter que les personnes ayant porté plainte peuvent en tout temps, si elles le souhaitent, entrer en contact avec la représentante du dossier de plainte pour en connaître l’état d’avancement.

Pour Luc Villandré, porte-parole de Stop la Démesure, le groupe de citoyens qui avait suivi ce dossier de très près,  cette explication n’est guère satisfaisante.

« Nous avons suivi le processus et fait les démarches nécessaires pour déposer la plainte. Ce n’est pas à nous de contacter les représentants pour leur demander où en est rendu le dossier. C’est leur travail de le faire ».

C’est Émilie Thuillier, conseillère de ville du district d’Ahuntsic, qui est allé cogner à la porte de l’ombudsman pour savoir où en était rendu le traitement de la plainte il y a quelques semaines. Signe que les astres se seraient alignés? La réponse est finalement parvenue à Nathalie Cloutier, citoyenne ayant écrit et acheminé la plainte à l’ombudsman il y a deux ans.

Les raisons de la plainte

En 2012, des citoyens se sont vu donner l’occasion de participer à la planification urbaine du secteur Henri Bourassa-Ouest dans le cadre d’une importante consultation menée sous l’égide de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM).

Les résidants ont alors dénoncé haut et fort le projet de développement proposé par l’entreprise Musto qui prévoyait la construction de complexes d’habitation à la place des anciens hangars du ministère des Transports du Québec (MTQ) –qui ont été rasés il y a quelques mois pour laisser place à un immense terre-plein.

La consultation de l’OCPM en mai 2012, qui avait nécessité au moins deux soirées au sous-sol de l’église Saint-André-Apôtre tellement la salle était pleine, avait abouti à un Programme particulier d’urbanisme (PPU) pour le secteur Henri-Bourassa Ouest. Ce PPU était né de la collaboration des résidants du secteur, de l’arrondissement et de l’entreprise de construction Musto, au terme de trois années de rencontres au collège Bois-de-Boulogne, de réunions en ateliers avec les riverains à l’arrondissement,, notamment. Alors que le plan avait été reconnu et accepté par tous, l’arrondissement en avait changé certaines dispositions sans consulter la population ultimement, avant le dernier vote tenu par les élus.

« À tout moment, les personnes et les organismes qui ont pris part à la démarche avaient le loisir d’intervenir et de donner leur point de vue. Je ne comprends pas pourquoi le plan a été modifié à la dernière minute sans en informer toutes les parties. Ce n’est pas cohérent avec la démarche à laquelle nous avions pris part », se désole Mme Cloutier.

La réponse de l’ombudsman

Dans sa lettre de réponse, l’ombudsman conclut que les modifications qui ont été apportées au PPU initial ne lui paraissent pas « déraisonnables, injustes, arbitraires ou illégales ».

Rappelons que le plan initial prévoyait une densité moyenne de 80 logements par hectare tandis que le PPU ayant été concocté à l’insu des citoyens parle plutôt de 95 logements à l’hectare. D’une hauteur de trois à quatre étages comme le prévoyait le plan initial, les logements le long du boulevard Henri-Bourassa peuvent désormais atteindre une hauteur de six étages selon le plan qui a été modifié par l’arrondissement.

Une réponse qui déçoit M. Villandré qui estime que les changements apportés au plan initial sont loin d’être négligeables.

« Les changements apportés au plan initial sont très importants. Nous avions en tête un mode de développement complètement différent. Rajouter des étages, ça fait une énorme différence au niveau de l’ampleur du développement proposé ».

Dans sa réponse acheminée aux plaignants, l’ombudsman explique « que les modifications qui ont été apportées au projet de PPU initial ont été faites pour tenir compte des préoccupations énoncées dans le rapport du comité Jacques-Viger (ndlr: février 2015) qui recommandait plus de hauteur et de densité ». Il semble que le processus de consultation auprès des citoyens n’était pas l’ultime démarche avant la prise de décision finale.

On précise que « ces modifications visaient, entre autres, la construction de logements sociaux ».

 « Je suis totalement favorable aux logements sociaux, car cela favorise la mixité. Par contre, il faut le faire en tenant compte du quartier existant et de l’architecture existante. Autrement, on crée une enclave qui n’est pas intégrée au reste du quartier », explique Mme Cloutier.

Consultatif, plutôt que décisionnel ?

Dans sa réponse à la plainte, l’ombudsman explique que les citoyens ont été consultés et qu’en vertu de la loi, les élus n’ont pas l’obligation de faire une consultation. Il recommande néanmoins que les élus insistent davantage à l’avenir sur la nature « consultative », et non décisionnelle, des consultations publiques menées dans l’arrondissement.

Toute cette démarche est pourtant inscrite sur le site Web de l’arrondissement sous la rubrique «Démocratie participative» qui veut, dit-on «impliquer davantage les citoyens dans les mécanismes décisionnels».

«Les principaux objectifs de la présente politique sont : de développer une culture durable de démocratie participative; d’impliquer davantage les citoyens dans les mécanismes décisionnels et dans l’élaboration et la réalisation de projets, en créant, entre autres, de nouveaux lieux de discussion.»

L’arrondissement a même écrit un document intitulé Le citoyen au coeur de la démocratie.

En préambule, dans ce document, on peut lire:

«Dans cette optique et tel qu’inscrit dans le Plan d’action de développement durable 2007- 2009 de l’arrondissement, les citoyens doivent être de plus en plus près du cœur décisionnel afin de participer activement à l’essor d’Ahuntsic-Cartierville.»

Pour Émilie Thuillier, conseillère du district d’Ahuntsic, qui a voté contre le PPU modifié lors d’une réunion du conseil d’arrondissement, une consultation publique implique par définition que soit pris en compte l’avis des résidants tout au long de la démarche.

« Quand on est dans un processus de consultation publique, on présente quelque chose en fonction de la consultation et en tenant compte de l’avis des gens qui ont été consultés. Dans le cas présent, on a voté autre chose que ce qui avait été accepté lors de la consultation. Je suis contre ça ».

Des camions qui brassent de la terre

Aujourd’hui, le terrain qui abritait les anciens garages du MTQ est toujours vacant…ou presque. En effet, des tracteurs ont récemment été aperçus en train de brasser de la terre. Contactée par journaldesvoisins.com, l’entreprise Musto nie faire des travaux de creusage sur la portion du site dont elle s’est portée acquéreure en 2008.

L’arrondissement affirme pour sa part qu’aucun permis n’est requis pour effectuer ce genre de travaux :

« La compagnie est sur son terrain, donc elle peut faire ce qu’elle veut tant qu’il ne s’agit pas d’un projet de construction », affirme Robert Dolbec, chef du cabinet du maire de l’arrondissement.

M Dolbec précise par ailleurs que l’entreprise Musto n’a toujours pas fait de demande de permis pour débuter les travaux de construction.



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