Photo prise à la Villa St-Martin, sur le boulevard Gouin, lors d’une journée de ressourcement de l’équipe des baluchonneuses, en mai 2016. (Photo: courtoisie, Laurent Lamiaux)

Au cours de la seule année 2016, l’organisme Le Baluchon Alzheimer a accompagné 12 familles de personnes atteintes d’Alzheimer dans Ahuntsic-Cartierville. Ce qui fait 89 jours de baluchonnage, l’équivalent de 2 136 heures de répit à domicile. En entrevue avec journaldesvoisins.com, Guylaine Martin, la directrice générale de cet organisme à but non lucratif, explique l’originalité et les raisons du succès du baluchonnage. Implantée en Belgique en 2003, la formule de répit et accompagnement dont le Québec est précurseur suscite beaucoup d’intérêt en Europe, notamment en France. Aussi, l’Ouest canadien manifeste un véritable désir pour bénéficier de ce savoir-faire mis au point à Ahuntsic-Cartierville.

Depuis le local du Baluchon Alzheimer sis au 10138, rue Lajeunesse à Ahuntsic-Cartierville, trois employés à la coordination des services et deux employés à l’administration s’affairent à superviser le « ballet » des 23 baluchonneuses d’un bout à l’autre du Québec. Leurs efforts aident à donner du répit aux aidants des personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer pour des périodes allant de 4 à 14 jours.

Ces femmes ont également pour mission d’alléger le fardeau quotidien des aidants.

« Ce qui nous distingue, dit Guylaine Martin, la directrice générale, c’est notamment la mise en place de stratégies pour faciliter la vie des aidants à leur retour à domicile, après un répit amplement mérité, vu l’extrême exigence du fait d’avoir à s’occuper 24 heures sur 24 de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. »

Les grands atouts des baluchonneuses sont leur expérience et leur connaissance profonde de ce que vivent les aidants.

« Dans la grande majorité, ce sont souvent des retraités du service public de la santé », indique la directrice.

Aussi, les baluchonneuses ont souvent déjà eu l’expérience d’accompagner des patients au sein de leurs propres familles, ce qui leur donne « la grande souplesse » et le « savoir-être » nécessaires au bon déroulement de leur mission.

Expérience personnelle

Citons, à ce propos, le témoignage de Josée Tremblay :

«  L’expérience d’aidante auprès de ma mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer, a fait grandir en moi l’amour, la patience et la douceur pour devenir une accompagnatrice sereine », dit cette baluchonneuse qui aime être qualifiée de « complice du cœur » de ces gens si attachants. Elle ajoute : « Ma passion pour la musique apporte une note de gaieté, ravive un parfum de jeunesse et apaise l’âme des personnes que j’accompagne. Peu importe la maladie, le cœur est toujours capable d’aimer et a toujours besoin d’amour. »

Ces paroles en disent long sur la profondeur humaine de l’aventure du Baluchon Alzheimer qui motive ses meneuses à se renouveler et à faire preuve de beaucoup d’imagination. En attestent les propos éloquents de la baluchonneuse Marie Caron :

« Je crois en l’amour inconditionnel de ces personnes à qui la maladie a volé à petites doses leur mémoire, leur parole et leur vitalité. Par une longue expérience, j’ai appris à découvrir chez la personne atteinte ce qui lui reste, plutôt que ce qu’elle a perdu. C’est de cette façon que j’apprends à l’accompagner. »

Apprentissage et accompagnement sont, en effet, les maîtres-mots de l’expérience du baluchonnage. Durant son séjour auprès du patient, la baluchonneuse rédige un journal d’accompagnement à l’intention de l’aidant familial, où elle l’informe des principaux événements qui se sont déroulés au cours du baluchonnage et lui transmet ses observations.

Ce journal comporte notamment les nouvelles stratégies que suggère la baluchonneuse face aux situations difficiles.

« On donne ainsi à l’aidant des outils supplémentaires pour lui permettre de mieux réaliser sa tâche et on lui propose des stratégies qui fonctionnent plus adéquatement avec le patient », précise la directrice, soulignant la rétroaction qui se fait, par la suite, avec le réseau public de santé pour bonifier les soins à domicile.

Prix d’excellence – Impact sur la communauté

Depuis son lancement en 1999 par la brillante infirmière et spécialiste en gérontologie Marie Gendron, l’expérience a fait son chemin. Jusqu’en novembre 2007, Le Baluchon Alzheimer dépendait essentiellement du soutien financier provenant de donateurs privés. La contribution des familles, qui était au début de 50 $ par jour, s’est élevée, entre temps, à 100 $ par jour, sans combler pour autant le déficit.

La reconnaissance, en 2007, par le ministère de la Santé et des Services sociaux de cet organisme comme partenaire dans l’offre de services aux personnes en perte d’autonomie lui a permis de bénéficier d’une subvention à hauteur de 60 %. Ainsi, Le Baluchon Alzheimer est autorisé à signer des ententes de services avec les Agences de la santé et des services sociaux.

Premier effet positif : la réduction du tarif du baluchonnage à 15 $ par jour. Cette reconnaissance officielle est une conséquence positive de « l’orientation prise il y a une quinzaine d’années par le gouvernement du Québec en faveur du maintien à domicile des malades d’Alzheimer. Objectif : offrir la possibilité à ceux et celles qui veulent vivre, vieillir et mourir chez eux », rappelle Guylaine Martin, soulignant l’argument de taille qui plaide en faveur du baluchonnage :

« Les professionnels de la santé constatent que les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer qui restent chez elles vivent avec une qualité de vie, plus longuement, en comparaison avec celles qui sont placées en hébergement permanent ou temporaire. »

En 2011, Le Baluchon Alzheimer reçoit le Prix d’excellence – Impact sur la communauté du ministère de la Santé et des Services sociaux. C’était « une petite tape dans le dos » à l’équipe de cette entreprise d’économie sociale qui « couvre, actuellement, pratiquement tout le territoire québécois », comme le confirme Guylaine Martin.

Voir grand à raison!

La responsable parle avec fierté du rayonnement pancanadien et international de ce savoir-faire québécois.

« Le Québec est précurseur en matière de maintien à domicile des malades souffrant d’Alzheimer. On est devenu en quelque sorte des « conseillers » pour les Européens dans ce domaine », ajoute Mme Martin, notant la réelle possibilité pour son organisme d’essaimer dans l’ouest du Canda en plus de l’Europe. « Il y a de plus en plus de manifestations d’intérêt provenant du Canada anglophone », affirme la directrice de l’OBNL, annonçant un voyage exploratoire prévu en mars prochain pour examiner les possibilités d’implantation du Baluchon Alzheimer en Saskatchewan.

Pour se donner les moyens de ses ambitions, Le Baluchon Alzheimer doit maintenant s’atteler à diversifier son financement pour pouvoir augmenter son offre de service. La directrice générale précise, à ce propos, que « si l’austérité n’a pas touché Le Baluchon Alzheimer, l’aide financière accordée n’a pas, non plus, augmenté, alors que la demande ne cesse de croître et elle est beaucoup plus grande que l’offre de service », indique-t-elle.

Elle estime que parmi les 50 000 familles qui accompagnent au Québec des malades d’Alzheimer, le nombre des clients potentiels du Baluchon Alzheimer peut être évalué à 16 000 familles.

Collecte de fonds/petite rémunération

D’où la grande priorité de 2017 qui fut:

« Une collecte de dons majeurs pour pouvoir diversifier notre financement et augmenter l’accessibilité à nos services », mentionnait Mme Martin, en entrevue au jdv.

Elle exprime sa satisfaction quant au bilan 2016 du Baluchon. Pour l’exercice 2015-2016, l’équilibre budgétaire a été atteint conformément aux objectifs de l’organisme. Le nombre total de journées de baluchonnage était de 1 749 avec 41 976 heures de travail. En tout, Le Baluchon a effectué 251 baluchonnages dans 12 régions du Québec et a pu, ainsi, aider 173 familles, dont 76 nouvelles familles.

Au chapitre de la rémunération des baluchonneuses, on peut certes dire que les candidates ne le font pas pour devenir riches. Si elles ne sont pas bénévoles, les baluchonneuses sont rémunérées 258 $ par jour, c’est-à-dire par 24 heures travaillées, puisqu’elles sont présentes jour et nuit auprès de la personne malade. Si l’on fait un calcul rapide, c’est moins que le salaire minimum au taux horaire tel qu’il est au Québec actuellement.

Mais au-delà des chiffres, l’apport le plus émouvant du baluchonnage est ressenti du côté des patients eux-mêmes, comme en témoigne si joliment la baluchonneuse Marie-Christine Lussier :

« Quand on quitte une maison, on a l’impression d’avoir réveillé des aspects de la personnalité qui étaient un petit peu endormis. On le voit dans le regard, on voit l’étincelle, on voit une espèce de regain…tout d’un coup! Ces moments-là, ils sont de l’or! »

Pour plus d’infos, visitez le site du Baluchon d’Alzheimer.  

Cet article a été publié dans l’édition de notre mag papier en janvier 2017, et mis à jour en février 2018 par Christiane Dupont.

 



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