Le débat organisé vendredi au Collègue Bois-de-Boulogne a donné lieu à des échanges parfois vifs entre les trois candidates à la mairie d’arrondissement, mais il a surtout permis de prendre la mesure des candidates et de leur vision sur certains enjeux-clé de l’élection comme les transports, le logement et la diversité.
Pour Emilie Thuillier, mairesse sortante et candidate de Projet Montréal, le débat a été l’occasion de montrer sa maîtrise des dossiers après douze ans d’expérience à titre d’élue et trois campagnes électorales.
« Des fois les gens ont l’impression que le municipal, c’est peut-être un peu plate, mais je peux vous dire que nous on trouve ça vraiment intéressant! », a lancé celle qui milite au sein de Projet Montréal depuis plus de 15 ans.
Si Chantal Huot n’a pas d’expérience politique à proprement parler, elle a souligné avoir une longue feuille de route dans différents cabinets ministériels à Québec et a expliqué se présenter fièrement « pour le parti Ensemble Montréal, la belle équipe de Denis Coderre ».
Néophyte en politique, la candidate de Mouvement Montréal, Kassandre Chéry Théodat, s’est pour sa part posée en candidate issue du terrain en expliquant vouloir aller « vers les gens » et se faire leur « porte-voix » pour faire écho à leurs préoccupations.
Logement, circulation, environnement : des priorités éclectiques
Dans un premier segment du débat portant sur les priorités, les candidates ont été somme toute assez fidèles à ce qu’elles avaient énoncé en entrevue au JDV.
Pour la candidate de Mouvement Montréal, la priorité est de répondre aux besoins des quelque 1750 ménages qui sont en attente d’un logement subventionné dans Ahuntsic-Cartierville et de donner suite aux demandes des organismes du milieu de construire 1500 unités de logement social et communautaire dans l’arrondissement.
« Un logement c’est beaucoup plus qu’un toit sur notre tête », fait valoir Kassandre Chéry Théodat qui souligne que de nombreux ménages doivent vivre dans des immeubles insalubres, faute de pouvoir trouver un logement adéquat et abordable.
Emilie Thuillier a pour sa part mis de l’avant l’enjeu de l’apaisement de la circulation.
« On est, dans Ahuntsic-Cartierville, au cœur de beaucoup de circulation automobile, de beaucoup de circulation de transit. Il y a de plus en plus de voitures dans la région métropolitaine, il faut qu’on s’y attaque de manière structurelle », a plaidé la mairesse sortante.
Chantal Huot s’est quant à elle dite principalement préoccupée par les enjeux environnementaux, réitérant la promesse de son parti de rendre Montréal carboneutre. [NDLR : La candidate est vraisemblablement pressée d’atteindre cet objectif, car elle a à nouveau devancé de 20 ans la promesse, en évoquant durant le débat la carboneutralité d’ici 2025 comme elle l’avait fait en entrevue au JDV.]
« On veut beaucoup stimuler l’utilisation de l’autopartage », a par ailleurs insisté la candidate d’Ensemble Montréal qui dit voir dans l’autopartage une solution d’avenir pour la mobilité urbaine.
Modérer ses transports
Premier thème abordé dans le débat, la question du transport a d’ailleurs donné lieu à quelques échanges virulents.
« Ça c’est empiré dans les quatre dernières années, la circulation de transit, parce que les gens ne peuvent plus circuler adéquatement dans les grandes rues », a tonné Chantal Huot.
La candidate d’Ensemble Montréal a promis, si elle est élue, de mettre en place un «vrai» plan de gestion des déplacements.
« Si on veut des marchands, il faut qu’il y en ait du stationnement, parce qu’il faut que les gens stationnent pour faire l’épicerie! », a-t-elle ajouté.
Décochant une flèche à l’administration Thuillier, la candidate a reproché à l’administration de multiplier les pistes cyclables sans tenir compte des impacts sur la circulation et le stationnement automobile.
« À un moment donné, ça n’a pas de bon sens! On ne peut pas avoir une piste cyclable par rue! Il faut une cohabitation entre les véhicules », a plaidé la candidate, qui critique notamment l’aménagement de la piste cyclable sur Saint-Firmin et l’ajout proposé d’une nouvelle piste sur Saint-Denis.
Chantal Huot s’est également dit « définitivement contre » la réduction du nombre de voies de circulation automobile sur Henri-Bourassa dans le cadre du projet de Service rapide de bus (SRB).
« Ça va être terrible », a-t-elle prévenu.
Emilie Thuillier a rétorqué qu’Ensemble Montréal ne pouvait espérer atteindre son objectif de voir la part modale du vélo augmenter sans ajouter des infrastructures cyclables, ni voir Montréal atteindre la carboneutralité sans diminuer la place réservée à l’automobile pour augmenter celle réservée aux transports collectifs.
« Je ne sais pas comment vous allez y arriver! », a lâché la mairesse sortante.
Pour la candidate de Projet Montréal, en plus de miser sur l’autopartage et sur l’électrification des transports pour réduire l’empreinte carbone des transports, il faut aussi développer le transport en commun et le transport actif pour diminuer la densité du trafic.
« C’est comme ça qu’on va s’en sortir! », a-t-elle insisté.
Cherchant à se positionner au centre entre ces « deux extrêmes », Kassandre Chéry Théodat a plutôt plaidé pour une approche modérée, à l’image de ce que souhaitent les gens, selon elle.
« Ils ne veulent pas sacrifier leur auto, mais ils ne veulent pas non plus mettre la bicylette de côté », a souligné la candidate de Mouvement Montréal sans pour autant détailler comment elle entend trouver l’équilibre entre les différents modes de transport.
Elle a, par contre, précisé que son parti propose la gratuité du transport en commun pour les 25 ans, en plus de rendre le transport gratuit pour les 65 ans et plus comme le proposent Projet Montréal et Ensemble Montréal.
Immigration et intégration
Si elle a été plus effacée dans le premier segment du débat, Kassandre Chéry Théodat s’est imposée dans le second thème du débat, qui portait sur l’immigration.
Quelques répliques cinglantes ont placé Chantal Huot sur la défensive.
« Le vivre-ensemble, ce n’est pas attendre que la personne vienne vers vous, c’est vous qui devez aller vers la personne », a lancé la candidate de Mouvement Montréal.
Elle a souligné que la majorité des ménages dans Ahuntsic-Cartierville sont issus de l’immigration et qu’il ne suffit pas de promettre, comme le fait la candidate d’Ensemble Montréal, de tisser des liens avec les communautés pour répondre aux besoins des familles immigrantes, souvent vulnérables, qui comptent « plus d’années que vous dans le quartier ».
Visiblement ébranlée, Chantal Huot s’est empressée de souligner qu’elle « prêche par l’exemple » en matière de relations interculturelles et que l’équipe d’Ensemble Montréal compte « des gens de toutes les cultures ».
« Je vous promet qu’on va tisser des liens avec les communautés, on va continuer de soutenir les organismes communautaires », a-t-elle continué.
Cherchant à s’élever au-dessus de la mêlée, Emilie Thuillier a pour sa part vanté le travail d’organismes communautaires comme le CACI qui offre un « service d’accompagnement complet » aux nouveaux arrivants, de PME Montréal Centre-Ouest qui a mis en place un programme de maillage pour favoriser l’insertion en emploi des personnes immigrantes dans les entreprises locales, et des cégeps qui offrent de la formation continue permettant à des personnes issues de l’immigration d’aller chercher des attestations d’études reconnues au Québec.
« Bien sûr, il faut en faire plus et on peut faire mieux, en se parlant, puis en travaillant ensemble, mais vraiment on a des institutions, des organisations économiques et des organisations communautaires qui travaillent à soutenir les immigrants récents et la population d’origine immigrante à bien s’insérer », a mentionné la mairesse sortante.
Logement : des approches diamétralement opposées
Dans le dernier segment du débat, celui sur le logement, c’est la candidate de Projet Montréal qui a été placée sur la défensive.
Emilie Thuillier a réitéré l’importance du Règlement pour une métropole mixte, dit le règlement 20-20-20, qui vise à assurer une plus grande place au logement social, au logement familial et au logement abordable dans les projets de développement immobilier à Montréal.
« Il y a une grande différence entre les logements sociaux et les logements abordables », a fait valoir Kassandre Chéry Théodat.
La candidate de Mouvement Montréal a insisté pour dire que le logement social « est ce qui manque dans le quartier ».
Chantal Huot a pour sa part attaqué Projet Montréal en affirmant que le bilan de l’administration sortante était inférieur à celui de Denis Coderre en matière de construction de logements sociaux. [NDLR : la véracité de cette assertion est disputée, car le nombre d’unités livrées dans le cadre de projets réalisés sous l’administration Coderre est inférieure au nombre d’unités complétées sous l’administration Plante, selon une enquête du Devoir.]
Emilie Thuillier a contre-attaqué en soulignant qu’Ensemble Montréal semblait remettre en question le taux d’inclusion de 50 % de logement social et communautaire prévu dans le développement du futur éco-quartier Louvain Est.
« On pense qu’il manque de mixité dans le projet qui est proposé. Nous on veut plus de mixité alors on va regarder à nouveau si on prend le pouvoir le 7 novembre », a répondu Chantal Huot sans s’avancer sur le pourcentage d’inclusion que son administration inclurait dans le projet.
Kassandre Chéry Théodat, qui avait elle-même a émis des réserves sur la mixité dans le projet Louvain Est, a précisé que l’inclusion de logements sociaux et communautaires sur ce site était une « priorité » pour elle.
Elle est d’ailleurs revenue à la charge contre la candidate d’Ensemble Montréal, l’accusant de faire « la sourde oreille » face aux besoins des ménages à faible revenu de l’arrondissement.
Chantal Huot a défendu la position de son parti qui propose de doper l’offre pour faire baisser les prix des loyers.
« Les logements sociaux ça reste important pour notre parti », a assuré la candidate d’Ensemble Montréal.
Le débat continue
Les trois candidates à la mairie doivent à nouveau croiser le fer lors d’une causerie organisée par la Société de développement commercial (SDC) du District central mardi soir.
Le débat doit porter sur le développement économique du secteur, sur l’avenir du terrain Louvain Ouest, sur le développement d’une aire aménagée en vue de favoriser le transport en commun (transit-oriented development (TOD) autour des gares Ahuntsic et Chabanel et sur la connexion entre la future station Bois-Francs du REM et le District Central.
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