Trois détenus en provenance de l’Établissement de détention de Gatineau ont été transférés à la prison de Bordeaux, il y a quelques jours. (Photo : JDV – Philippe Rachiele)

Le transfert de personnes incarcérées en provenance de l’Établissement de détention de Gatineau suscite la consternation dans la population carcérale de la prison de Bordeaux.

Talonné par Journaldesvoisins.com, le ministère de la Sécurité publique (MSP) a fini par confirmer lundi en fin de journée que trois personnes incarcérées à Hull ont été transférées à Bordeaux le 16 octobre.

À leur arrivée à la prison de Bordeaux, les personnes transférées n’ont pas été placées en isolement, ce qui a suscité une vive inquiétude chez les détenus.

Les détenus inquiets

« Encore une fois malheureusement, la direction a joué avec notre santé, peut-être même notre vie en ce qui concerne le COVID », a déclaré un détenu du secteur C qui a sonné l’alarme mercredi dernier dans un enregistrement dont Journaldesvoisins.com a pris connaissance. « Ils ont continué à faire des transferts imaginez-vous donc! »

L’appréhension était palpable chez les détenus avec qui Journaldesvoisins.com s’est entretenu ces derniers jours. C’est que le réseau carcéral québécois fait actuellement face à deux éclosions, l’une à l’établissement de Trois-Rivière et la seconde à l’établissement de Gatineau.

Un détenu a récemment dénoncé la gestion de l’éclosion à Trois-Rivières, en des termes qui ne sont pas sans rappeler les critiques relevées dans notre récent dossier sur la pandémie à Bordeaux.

« On peut en mourir. C’est mettre nos vies en danger » que de continuer à faire des transferts entre les établissements, s’inquiète Denis Beaupré, un prévu du secteur A.

Rappelons qu’une première éclosion à Bordeaux a été maîtrisée au printemps, mais qu’une centaine de personnes incarcérées ont été atteintes, dont une qui est décédée des suites de complications liées à la COVID-19.

« On est dans la deuxième vague de la COVID, c’est rouge partout! », lance pour sa part Francis Paquette, un détenu du secteur E qui a lui-même été infecté au printemps.

Le détenu, qui dit avoir subi cinq crises d’angine liées à la COVID, s’inquiète pour sa santé. Il n’a peut-être pas tort, car les cardiologues en sont toujours à se questionner sur les effets à long terme d’une infection au coronavirus sur la santé cardiaque.

« Mon cœur, il a peut-être quelque chose, je le sais pas », dit-il en précisant qu’il n’arrive pas à obtenir de rendez-vous médical. « Le médecin est trop occupé. Je viens pas à bout, même avec des lettres d’avocat, de voir un médecin à la prison de Bordeaux. »

Le Ministère se veut rassurant

À la demande du JDV, le bureau de la députée Christine St-Pierre a cherché à obtenir hier des précisions sur la situation à Bordeaux.

« On fait mention de très peu de mouvement et de situation exceptionnelle », indique l’attaché politique de Mme St-Pierre, Martin Fecteau qui précise que la Santé publique de Montréal et la ministre responsable de la métropole, Chantal Rouleau, sont ont été mises au fait de la situation.

Un détenu de Bordeaux nous a toutefois fait part d’au moins un autre transfert récent en provenance de l’établissement de détention de Rivières-des-Prairies.

Le MSP indique pour sa part que « les trois personnes incarcérées ont passé un test de dépistage à leur arrivée à l’Établissement de détention de Montréal, par mesure de précaution, en raison de l’éclosion à l’établissement de détention de Hull le 17 octobre 2020 ».

Le MSP assure que ce transfert s’est fait dans les règles de l’art.

« Depuis la mise en place des secteurs d’admission/transition dans l’ensemble des établissements de détention le 26 mars 2020, les personnes incarcérées demeurent en confinement en cellule pendant 14 jours suivant leur admission dans un établissement de détention, indique-t-on. Or, les personnes incarcérées ne peuvent pas être transférées tant que cette période n’est pas complétée ou si elles sont en zone chaude ou tiède. »

Or, selon les informations que Martin Fecteau nous a communiquées, un protocole strict doit être respecté en cas de transfert et les personnes transférées doivent en principe observer une quarantaine.

Quoi qu’il en soit, le MSP affirme pour sa part que les trois personnes transférées à Bordeaux il y a dix jours ne se trouvaient pas dans le secteur où s’est déclenchée l’éclosion à Hull et ne présentaient pas de symptômes de la COVID. Il précise que les résultats des tests de dépistage réalisés à leur arrivée à Bordeaux se sont révélés négatifs.

Soulignons toutefois que l’éclosion à Hull n’a été confirmée qu’après le transfert de trois personnes déplacées vers la prison de Bordeaux.

Une personne incarcérée avec qui nous avons communiqué lundi soir se disait soulagée de savoir que les détenus avaient obtenu des résultats négatifs, mais plusieurs redoutent une éventuelle seconde vague entre les murs de l’établissement.

« Il y a pas personne qui a envie d’être enfermé icitte », a lancé un détenu, en référence à un éventuel reconfinement dans la prison. « On est déjà assez enfermé de même. Sous un régime d’enfer, c’est l’enfer. »



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