Le projet Henri-Bourassa, un «corridor de mobilité durable» de 18 kilomètres qui s’étendra, à terme, de l’autoroute 13 au boulevard Lacordaire, crée la polémique dans le quartier. Les commerçants et autres centres de services s’inquiètent de l’avenir de leurs affaires, sans stationnement devant leur établissement.
«C’est une expropriation déguisée!» s’offusque André Savoie, propriétaire de la boucherie Salaison Saint-André, qui a pignon sur rue depuis 1964. Il fait partie des commerçants qui sont venus saisir le conseil d’arrondissement le 4 juillet dernier au sujet du projet. Le nœud du problème: le retrait total de stationnement sur le boulevard Henri-Bourassa, dont la réfection sera achevée en 2027.
Une réunion d’information organisée par la Ville à la résidence Les Jardins Millen, le 15 juin dernier, a suscité de vives critiques venant des opposants au projet. Celle-ci réunissait 16 propriétaires d’enseignes installés sur ce boulevard, ainsi qu’une dizaine de représentants d’organismes axés sur la mobilité durable et d’acteurs institutionnels du quartier.
Si la Ville de Montréal assure avoir convié 160 organisations par le biais de courriels et d’appels téléphoniques, plusieurs commerçants affirment pourtant n’avoir reçu aucune invitation.
«Refaire le boulevard Henri-Bourassa, c’est une obligation. Il est désuet et on le voit. C’est un beau projet, mais on n’a eu que peu de réponses à nos questions concernant le stationnement», commente Alain Benoît, propriétaire de la clinique de médecine podiatrique, comparant la situation à celle du troisième lien entre Québec et Lévis.
Perte du stationnement
Les commerçants craignent une baisse de l’achalandage dans leurs établissements avec le retrait du stationnement prévu au Projet Henri-Bourassa.
«Hier, c’était remarquable, tous mes clients avaient 70 ans et plus. Ils sont évidemment tous venus en auto pour venir chercher des plats cuisinés. Cette clientèle, sans stationnement, elle ne sera plus là!» assure André Savoie, propriétaire de la boucherie Salaison Saint-André. Ce dernier affirme n’avoir rien contre la piste cyclable ni le projet, mais réclame un compromis sur le stationnement.
Une étude de la Société de transport de Montréal (STM) sur le stationnement, réalisée en 2022, montre que seulement 50 % des places actuelles sont occupées durant la période la plus achalandée d’une journée (avec 101 places de stationnement occupées sur 199).
Pour Alain Benoît et André Savoie, un stationnement autorisé dans la voie d’autobus en dehors des heures de pointe (donc de 9 h à 15 h) serait une solution idéale. M. Savoie témoigne par ailleurs qu’il reçoit des appels de ses fournisseurs, s’inquiétant de l’endroit où ils pourront récupérer leurs livraisons dans la nouvelle configuration du boulevard.
Quant à Alain Benoît, il rappelle que ses patients sont à mobilité réduite: «Je fais de la chirurgie de pied; à un moment donné, il faut être logique!» lance-t-il.
Questionné par le Journal des voisins (JDV), le Service des communications de la Ville de Montréal assure que «les véhicules d’urgence pourront circuler et s’immobiliser dans la voie réservée lorsque leur sirène est actionnée». Pour les autres véhicules, ils devront se garer dans les rues transversales.
Des solutions en cours d’analyse
Ces dernières semaines, les commerçants ont reçu la visite de Nathalie Goulet, conseillère du district d’Ahuntsic, et d’Emilie Thuillier, mairesse d’arrondissement, qui ont pu écouter leurs revendications. «Nous nous engageons à trouver des solutions de rechange au stationnement sur les amorces des rues transversales […] pour les usagers des commerces et institutions ayant front sur Henri-Bourassa», a indiqué Emilie Thuillier dans un courriel envoyé au JDV.
Face au nombre significatif d’acteurs s’opposant au projet, la Ville de Montréal explique par ailleurs chercher des solutions propres aux différentes réalités du milieu. Les rues perpendiculaires au boulevard Henri-Bourassa, comprises entre l’avenue Marcelin-Wilson et la rue Lajeunesse, seraient en mesure de recevoir cet achalandage, tout en laissant environ 300 places disponibles sur les 877 places de stationnement sans vignette.
Opposition citoyenne
André Savoie déplore le manque total de soutien de la part de l’opposition officielle, dans le cadre du projet Henri-Bourassa. Affirmant avoir interpellé M. Aref Salem, chef d’Ensemble Montréal, il exprime n’avoir reçu aucune écoute. Le commerçant établit désormais un catalogage de chacun de ses clients, leur provenance et leur mode de transport. Sur la feuille prévue à cet effet, nombreux sont les déplacements faits en auto.
En outre, il explique avoir réuni une vingtaine de commerçants du secteur, opposés au projet, qui sont désormais accompagnés par un avocat pro bono. Auteur d’une pétition intitulée Sauvons les commerçants du boulevard Henri-Bourassa (qui a récolté 130 signatures), André Savoie ne compte pas s’arrêter là: «On se constitue une équipe et on pense fortement à se former un parti politique, un vrai parti des citoyens qui les représenteraient», déclare-t-il, témoignant d’une forte opposition qui n’ose pas se dévoiler par peur d’être qualifiée «de droite» ou «d’anti-vélo».
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Les élus de Montréal se montrent méprisants envers les commerçants et les résidents. Hausse insensée de la valeur des propriétés, hausse de taxes sans service additionnel sauf des voies de vélos à coup de millions! La doxa Véloplante est immuable. Et le climat sonore intolérable de ADM. Projet Montréal gâche ma vie de retraitée. Vivement un parti des citoyens responsable et proche de ses citoyens.
Cette décision se fait au mépris des citoyens d’Ahuntsic-Cartierville qui constitue un très grand territoire que nous devons parcourir en voiture dans la vie quotidienne. Les transports en communs représentent une perte de temps intolérable pour s’approvisionner dans les divers commerces d’Henri-Bourassa. L’absence de stationnement nous forcera à magasiner à Laval là où se trouve une variété de magasins et où le stationnement est disponible et gratuit.
Bien dit.