En cette dernière journée de février, consacré Mois des Noirs, nous vous présentons la chronique Elle tourne, la terre! de Diane Éthier, politicologue, portant sur l’actualité politique en Haïti.
En janvier, Haïti «célébrait» les 219 ans de son indépendance. On ne peut que constater que, ces dernières années, la Perle des Antilles s’est enfoncée dans une crise en apparence insoluble.
Les constats s’accumulent. Haïti occupe la 115e place du Global Peace Index 2022, l’espérance de vie à la naissance est de 65 ans (comparé à 79 ans pour le Canada), 17 % de la population n’a pas accès à des installations sanitaires décentes, 60 % de la population vit dans la pauvreté (Haïti est le pays le plus pauvre en Occident), l’inflation se maintient au-dessus de 15 % depuis 2020, un jeune sur trois est au chômage, le pays est au 164e rang sur les 180 les plus corrompus selon Transparency International, la violence des gangs gangrène la capitale et le choléra est revenu.
Accord signé par le premier ministre
Le 21 décembre 2022, le premier ministre d’Haïti, Ariel Henry, a signé un nouvel accord avec des partis politiques, des organisations de la société civile et des membres du secteur privé. Le document intitulé Consensus national pour une transition inclusive et des élections transparentes a été adopté à l’hôtel Karibe. Cet accord prévoit notamment l’établissement d’un Haut conseil de la transition (HCT) et d’un organe de contrôle de l’action gouvernementale (OCAG).
Selon les modalités de l’accord, l’instauration de ces deux entités permettra «un équilibre politique» et viendra s’ajouter au gouvernement. Selon le texte, Ariel Henry demeure premier ministre jusqu’au 7 février 2024.
Accord controversé
Selon un reportage de la chaîne de télévision France 24 du 21 décembre 2022 : «Ce nouveau texte est loin de représenter la sortie de crise tant recherchée et si nécessaire à Haïti.»
Tout d’abord, parce que ce énième accord politique n’a pas été signé par des acteurs majeurs de l‘opposition actuelle comme le sont, par exemple, les membres de l’accord dit «de Montana». Aussi, si à travers ce texte Ariel Henry appelle une nouvelle fois à la tenue des élections, cela ne constitue en rien un plan réaliste et concret pour l’organisation de ces scrutins.
Accord peu soutenu à l’international
Toujours selon France 24 : «Les signataires plaident encore pour une intervention étrangère afin de contrecarrer la mainmise des gangs.» Or, à ce jour, aucun pays soi-disant «ami» d’Haïti ne s’est empressé de répondre de façon franche et concrète à cette possible nouvelle mission internationale en Haïti.C’est le cas notamment des États-Unis et du Canada.
La France soutient pour le principe l’idée d’une intervention étrangère, mais elle ne veut pas y participer. Elle demeure aussi très sceptique à l’égard des sanctions adoptées par le Canada à l’encontre de certains dirigeants politiques haïtiens accusés de soutenir les gangs criminels en Haïti.
Autre point de vue
«Plusieurs observateurs, familiers avec la situation en Haïti, croient qu’une transition plus ou moins longue, pilotée par un gouvernement composé d’experts totalement indépendants et incorruptibles, serait une meilleure réponse à la crise du pays», soutient Roromme Chantal, un Haïtien doctorant de l’Université de Montréal et professeur au département de science politique de l’Université de Moncton.
«C’est à cette condition que le pays pourrait mobiliser toutes ses ressources et une aide technique internationale, y compris en matière de sécurité publique, pour négocier un pacte de gouvernance, dit-il. Ce pacte est seul garant d’une stabilité politique à long terme. Il permettrait de renforcer les institutions publiques et de créer les conditions propices à l’organisation des nouvelles élections crédibles en vue de la restauration d’un ordre démocratique viable.»
Conclusion
Il est peu probable que tous ces beaux projets mettent fin au chaos en Haïti, de telle sorte que l’immigration illégale des Haïtiens au Québec et au Canada continuera. À moins que nos gouvernements y mettent le holà.
Montréal est un important foyer d’accueil pour la diaspora haïtienne. La métropole du Québec abrite 143 165 Haïtiens d’origine, selon le recensement de 2016, dont 4 310 dans Ahuntsic-Cartierville, soit 8,3 % de la population de l’arrondissement.
NDLR : La communauté haïtienne a été durement éprouvée, fin janvier, à la suite du décès de Madame Monique Dauphin. Connue notamment pour son travail à la Maison d’Haïti, elle était très impliquée auprès des femmes, des immigrants et des autochtones. Le Journal des voisins a produit un balado présentant plusieurs personnes lui rendant hommage.
Cet article est paru dans la version imprimée du Journal des voisins, le Mag papier de février 2023, à la page 35.
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