Le 8 mars, c’est la Journée internationale des droits des femmes. À l’occasion de cette date, le Journal des voisins met à l’honneur les femmes entrepreneures de l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville. Retrouvez les portraits de celles qui font notre territoire en trois chapitres jusqu’au 8 mars.
Au Canada, les femmes entrepreneures prennent de l’ampleur et participent activement à la croissance et à la prospérité du pays. Elles s’illustrent d’ailleurs majoritairement dans les PME du territoire: on comptait 205 188 entrepreneures propriétaires de PME au Canada en 2020 (selon les données du Portail de connaissances pour les femmes en entrepreneuriat).
En 2020, le Canada comptait au total 1,4 million d’entrepreneures générant annuellement plus de 117 millions de dollars. Le rapport Aperçus économiques de Statistique Canada (issu en 2018) démontrait par ailleurs que si les entreprises étaient encore majoritairement tenues par les hommes, celles gérées par les femmes engendraient une croissance bien plus forte!
Ce phénomène prend tout son sens de par les motivations de ces femmes à créer leur propre affaire: la majorité d’entre elles expriment en effet une volonté de faire quelque chose de significatif. Nombre de femmes se dirigent donc dans le secteur du service: les soins de santé et assistance sociale (67 %), l’enseignement (61 %), l’hébergement ou encore la restauration (42 %).
À l’instar de nos témoins du jour, les femmes se lancent donc dans l’entrepreneuriat avec une vision socioéconomique: pour elles, il s’agit de créer quelque chose qui a du sens ou un effet positif sur leur environnement. Répondre à un manque, participer au développement d’un quartier, rendre un service nécessaire à la communauté…, les femmes partagent leur bienveillance autour d’elles.
Aujourd’hui, le Journal des voisins vous invite à la rencontre de deux héroïnes de Youville, qui ont justement lancé leur affaire par conviction, mais surtout en réponse au manque d’activité socioéconomique dans le secteur.
Des mets pour la communauté
Diana Zappone, cheffe d’entreprise et propriétaire de la boutique Mets Délices Maison, au 9257, rue Lajeunesse.
Sur un coup de tête et de cœur (avec l’ancienne propriétaire), Diana Zappone rachète en 2018 le fonds de commerce de la boutique Pignon sur Riz, qui présentait le même concept. Pourtant, la jeune femme ne se serait jamais imaginée propriétaire auparavant!
Son aventure débute en collaboration avec l’ancienne gérante durant un mois, ce qui lui permet de garder la clientèle du commerce: mamans, familles et personnes aînées continuent alors de magasiner chez elle. Ils lui réclament même encore aujourd’hui, chaque hiver, le fameux cipâte toujours préparé selon la recette très appréciée de l’ancienne propriétaire.
Lorsqu’elle était enfant, Diana ne regardait pas les dessins animés à la télévision, mais bien les émissions de cuisine. Ainsi bercée dans son amour de la gastronomie depuis le plus jeune âge, elle travaille huit ans dans un restaurant italien, puis huit ans comme cuisinière dans une garderie. En 2018, elle se lance avec sa boutique Mets Délices Maison et cultive sa passion dans la minuscule cuisine du lieu.
Son premier souci, c’est d’aider son quartier. À la demande du client, elle élabore toute recette et la met en vente, mais elle effectue aussi des livraisons sur mesure pour les personnes dans le besoin ou à mobilité réduite: «C’est ma deuxième famille. Je reviens même parfois à 20 h exprès pour les gens qui travaillent de nuit», sourit Diana.
Malgré les augmentations du prix des matières premières, Diana Zappone organise également de nombreuses promotions comme les «vendredis fous», durant lesquels les clients peuvent profiter d’un escompte de 10 % sur leur commande de plus de 120 $.
Le concept de la boutique? Une grande variété de plats cuisinés sous-vide congelés sans agents de conservation, qui peuvent donc se conserver au congélateur de huit mois à un an. Ses contenants en plastique vont au four et sont recyclables; un service de consigne est même mis en place pour les clients portés sur le zéro déchet.
L’entrepreneure peut se targuer d’être une favorite de Youville: sa moussaka fait par exemple fureur auprès de sa clientèle grecque qui la qualifie de «meilleure qu’à la maison».
Pour Diana Zappone, ces commentaires positifs sont la raison même de l’existence de son commerce et de son amour de la cuisine. Elle aime voir les gens se délecter de ses plats. Leur plaisir vient effacer toutes les difficultés auxquelles elle fait face au quotidien, en tant que maman monoparentale et auto-entrepreneure.
«Il faut aimer ça. La restauration, c’est un métier difficile. Je peux parfois cuisiner toute la journée sans m’asseoir», avoue Diana, qui parle d’un jour prendre sa retraite ici à Youville, où elle n’habite pas encore, afin de continuer à tenir sa petite boutique tant appréciée du quartier.
«Quand on est maman, parfois c’est difficile, mais on n’a pas le choix de se lever et de continuer», témoigne Diana Zappone, pour qui la plus grande qualité de la femme reste la persévérance.
D’après elle, c’est un échange de bons procédés: si elle ne compte pas ses heures, elle s’arrange avec sa clientèle selon son quotidien. Lorsqu’elle doit fermer boutique pour aller chercher sa fille à l’école, par exemple. La fin de semaine, c’est son frère qui garde sa fille pour qu’elle puisse travailler, si cette dernière ne décide pas de venir l’aider sur place.
Le 1er avril, Mets Délices Maison organisera une journée spéciale avec un escompte de 10 % sur tous les mets, à l’occasion de l’anniversaire de l’ouverture de la boutique.
Mettre la main à la pâte
Andréane Laurin, cheffe d’entreprise et propriétaire de la buvette de quartier La Jeune Espiègle, au 9275, rue Lajeunesse.
À deux pas de là, ou plutôt à deux portes, une buvette de quartier a éclos voilà presqu’un an. La Jeune Espiègle, restaurant à la carte de saison et à la démarche locale, est née à l’initiative d’Andréane Laurin. Avez-vous remarqué que le début du nom de l’établissement (La Jeune Es… piègle) sonnait comme la rue Lajeunesse?
Résidante de Youville depuis cinq ans à l’époque, Andréane décide d’établir un changement de carrière soudain, lors de sa grossesse, afin de répondre au manque de services dans son quartier. Elle témoigne en effet de la fermeture de plusieurs commerces autour d’elle, alors qu’elle s’attendait au contraire à voir le quartier fleurir.
Alors coordonnatrice de production dans le milieu du cinéma, elle annonce son départ à son ancien patron et son projet d’ouvrir une buvette de quartier. Celui-ci l’appuie directement dans sa démarche et devient son partenaire silencieux ,«parce qu’on était vraiment une super équipe», explique Andréane.
Avec neuf employés, sa clientèle et deux enfants (dont un de moins de deux ans), Andréane Laurin n’a pas le temps de s’ennuyer. L’approche de La Jeune Espiègle se veut locale: par exemple, les bières proviennent de la brasserie Silo, rue de Louvain Ouest. Son chef, Axel Bérubé-Théberge, a carte blanche et établit chaque semaine un menu de saison et du marché. L’été, il s’approvisionne d’ailleurs à la Ferme de Rue, située à Ahuntsic.
Selon Andréane, il reste du chemin à faire à Youville: «Mon rêve serait qu’une fruiterie et même une boulangerie ouvrent sur Lajeunesse», commente l’entrepreneure, qui explique que si son chef prépare quelques pains sur place, ils doivent bien souvent s’approvisionner dans les boulangeries des rues Fleury ou Jarry.
Les enjeux de la femme entrepreneure, la cheffe d’entreprise et maman les connaît bien. Alors qu’elle est propriétaire de l’établissement, Andréane raconte que, parfois, les gens s’étonnent qu’elle dirige l’affaire par elle-même. Certains vont jusqu’à lui demander: «C’est qui ton partenaire?»
«J’en ai un; pour vrai, il est là, mais il n’est pas impliqué. Il m’aide avec l’administration, c’est notre entente», s’agace Andréane qui reconnaît devoir bien souvent leur répondre: «Non, tu sais, ça peut être juste moi!»
La jeune maman assure que le milieu de la restauration, comme celui du cinéma, est encore dominé par les hommes et ce, surtout dans les grandes structures. Elle rencontre au quotidien des femmes entrepreneures qui lui témoignent de la même expérience et qui affirment qu’il «faut se soutenir entre femmes».
Inspirée par les femmes entrepreneures qui l’entourent (telles que cette amie qui, à seulement 20 ans, ouvre un restaurant à succès dans les Laurentides, enchaînant ensuite quatre grossesses!), Andréane sait où elle va, et avec détermination.
Andréane Laurin n’aurait qu’un seul conseil pour celles qui voudraient se lancer en affaires: «Bien s’entourer et bien se renseigner. […] Quand on est une femme, maman et entrepreneure, cela peut faire beaucoup.»
Si elle exprime que les enjeux sont les mêmes en entreprise que pour un homme, selon elle, les femmes voient «bien souvent une charge mentale assez lourde qui vient s’ajouter à ça, surtout si on a fait le choix de faire une famille».
D’après Andréane Laurin, dynamiser la rue Lajeunesse amènerait plus de sécurité dans le quartier, pour les enfants qui rentrent de l’école, par exemple. Cela rendrait aussi la rue plus attractive et engendrerait ainsi une clientèle de passage pour tous.
Au printemps, le comité citoyen de Youville (sur lequel sont implantées nos deux témoins du jour) devrait organiser plusieurs activités visant à faire rayonner la rue Lajeunesse. Si la fermeture des Marchés Tradition avait par ailleurs ébranlé la population du secteur – créant un désert alimentaire –, la volonté citoyenne des résidants reste forte dans Youville.
Ce texte est le 2e du dossier sur les femmes entrepreneures.
• Femmes entrepreneures: le District Central (6 mars 2023)
• Femmes entrepreneures: la promenade Fleury (8 mars 2023)
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